Trio Watremez-Michaud-Castiello : Gitane sans filtre
Musique

Trio Watremez-Michaud-Castiello : Gitane sans filtre

Dans la périphérie parisienne de la fin des années cinquante, le bal traditionnel du samedi soir n’était pas terminé sans son guitariste gitan. Sur les terrains vagues où étaient dispersées les roulottes, les petites formations manouches rendaient hommage à Django Reinhardt, le véritable instigateur du feeling gitan chez les guitaristes de jazz. Façon cynique et tribale d’oublier l’ordre établi. Ces terrains ont aujourd’hui cédé leur place aux actuelles cités. Et comme on le sait, ces cités ont une musique: le rap.

Mais l’esprit de Django est toujours là. Je ne vous apprends rien. Et pas uniquement dans les banlieues. Vous vous en doutiez. Comptez sur Bireli Lagrene, Boulou Ferré, Christian Escoudé et le Babik du même nom légendaire pour vous le rappeler. Comptez aussi sur la presque totalité du répertoire de Stéphane Grappelli, qui, de son vivant, a fait de la musique de Django Reinhardt une vocation.

Chaleureusement post-reinhardtienne, la musique du guitariste français Jean-Philippe Watremez et ses complices – le Québécois François Michaud au violon et l’accordéoniste François Castiello (du groupe trans-tzigane Bratsch) – renouvelle cet héritage. Watremez a collaboré par le passé avec Michaud (Cordcor), avec lequel il a fait trois CD. Idem pour Castiello, puisqu’ils nourrissent toujours la flamme du trio Anouman. Beaucoup d’affinités, donc, pour cette nouvelle carte postale à saveur gitane, qui est caractérisée par une habile synthèse du style manouche et du jazz. Cette osmose a vu naître le disque Mosaïque, où se sont ajoutés trois autres musiciens. Et dans ce joyeux fourre-tout, se sont glissés la musique d’Europe centrale, le swing de Grappelli et du dieu Django, le swing-musette parisien, etc.

J’ai eu le plaisir de bavarder avec Castiello (dix compacts avec Bratsch sous la cravate), simple et affable, un musicien indiscutablement au service de la musique: «Ça me fait prendre un petit peu d’air de jouer avec Jean-Philippe et François parce que je suis toujours avec Bratsch, d’avouer Castiello. Pas que je m’ennuie avec eux, mais le groupe est comme une machine qui tourne rondement. Il faut parfois mettre son énergie ailleurs. Avec le trio, c’est comme un voyage de nos trois personnalités. J’appréhende l’accordéon de la même façon qu’avec Bratsch, et j’essaie d’apporter cette saveur manouche. Quand on est accordéoniste, on peut prendre beaucoup de directions et toucher à plusieurs cultures. Moi, ce qui m’a vraiment plu dans la musique d’Europe centrale, c’est qu’il y a place à l’improvisation. Un peu comme le jazz et le blues, on peut exprimer ce qu’on est sur le moment. Avec ce projet-ci, on laisse aller les choses parce que nous avons aussi d’autres aspirations. On reste totalement ouverts à ce qui peut se passer. Chacun se met au service de la musique de l’autre, et ça donne quelque chose d’assez sympathique.»

«Richard Galliano (le virtuose accordéoniste), je ne l’ai jamais pris comme référence parce qu’il ne jouait pas la musique d’Europe centrale, même si c’est un musicien qui a ouvert beaucoup de portes pour l’accordéon. Il a amené l’instrument dans des contextes qui étaient pratiquement inexistants à l’époque. Avec Bratsch, on a un public au Québec qui aime cette musique acoustique et chaude. Avec le trio, c’est une nouvelle aventure, j’ignore quel accueil on va recevoir.»

Les 11 et 12 septembre
À L’Air du temps
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