Brendan Perry : Le joyeux troubadour
Musique

Brendan Perry : Le joyeux troubadour

Il fait un sale temps sur l’Irlande et l’homme qui est au bout du fil regarde arriver la pluie par la fenêtre de l’ancienne église de pierres grises qui lui sert à la fois de maison et de studio. «-C’est plutôt moche ici en ce moment-; c’est pourquoi on a décidé d’aller visiter ce pays ensoleillé qu’est le Canada-», lance Brendan Perry en ricanant. On imagine mal que ce type sombre, qui fut pendant seize ans une moitié du mythique et mystique duo Dead Can Dance, puisse avoir le sens de l’humour. Pourtant, l’homme de quarante ans se montre aussi jovial qu’affable, même lorsque vient le temps d’éclaircir les circonstances qui ont mené à sa séparation artistique d’avec la chanteuse Lisa Gerrard. «-On a travaillé ensemble six semaines sur le successeur de Spiritchaser et ça nous a soudainement frappés-: on ne s’entendait plus du tout sur la direction à prendre et notre relation est devenue complètement dysfonctionnelle-, explique Perry. -On n’avait plus le courage de continuer, alors plutôt que de faire l’album mécaniquement, on a décidé de tout abandonner.-»

Loin des orchestrations complexes et des mélanges culturels qui étaient au cœur de Dead Can Dance, Perry a décidé d’opter pour un son folk assez épuré sur Eye of the Hunter, son premier disque en solo. «-Certaines de ces chansons ont été écrites il y a quelques années, mais j’ai toujours cru que de lancer un projet solo aurait nui à Dead Can Dance- alors je les ai laissées dormir un peu», explique-t-il. Lisa Gerrard, elle, n’a pas attendu la fin de DCD pour travailler seule, et les deux albums peu inspirés dont elle a accouché en ont souffert. Eye of the Hunter est d’une tout autre eau-: bien qu’il évoque certains climats déjà existants sur le disque live Toward the Within, ce disque marque certainement une cassure dans la carrière de Perry. On pourrait presque croire que la séparation d’avec Lisa aura été une sorte de libération pour le chanteur. «-Le sentiment que j’ai éprouvé n’en était pas tant un de libération que de détermination-, corrige Perry. Si je ne m’étais pas lancé dans la création de mon album aussitôt après la dissolution de Dead Can Dance, j’aurais probablement sombré dans un état dépressif qui aurait fini par m’anéantir. J’avais des textes sous la main et il a suffi de leur donner corps en compagnie des bons musiciens.-»

Avec- Eye of the Hunter, Perry se permet d’explorer les possibilités de son registre vocal, dont on découvre la puissance jusque-là insoupçonnée. À l’époque de Dead Can Dance, les acrobaties vocales étaient presque exclusivement réservées à Lisa Gerrard et Brendan se contentait de placer sa voix grave en contrepoint de celle, carrément extraterrestre, de sa partenaire. Avec ce premier disque solo, il se permet, à la manière d’un Scott Walker, d’user d’un inquiétant fausset ou de chuchoter doucement à l’oreille de l’auditeur. «-Le timbre d’une voix, son intonation et sa texture sont autant d’éléments qui permettent d’exprimer tout ce qui est impossible à dire par le texte seul. Pour faire cet album, il m’a fallu aller chercher des sentiments enfouis au plus profond de moi et ensuite trouver la technique appropriée pour les transmettre. Tim Buckley, qui a exercé une grande influence sur moi, était le maître en la matière.-» Les arrangements sobres (guitare acoustique, basse, batterie et quelques claviers) servent ici à mettre en valeur la voix, et, du même coup, le texte, une autre nouveauté dans le travail de Perry. «-Dans Dead Can Dance, la musique était l’élément dominant, alors qu’ici, je voulais aborder l’écriture d’une façon plus traditionnelle, plus narrative. En fait, je voulais me rapprocher de l’esprit du troubadour.-»

Le 6 novembre

Au Kola Note

Avec Christine Hersh en première partie

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