Musique

Marie-Paule Belle : La pianologue

Plus à l’écart de l’industrie musicale durant la dernière décennie, MARIE-PAULE BELLE n’en était pas moins souvent sur les planches. À l’occasion de l’édition québécoise de son unique album studio en 10 ans, la dame issue de l’Oise viendra d’ailleurs elle-même nous en présenter des échantillons.

Elle aurait fort bien pu devenir psychologue, grâce à une maîtrise portant sur l’angoisse des artistes qui doivent affronter la scène. Heureusement pour nous, la chanson la détrôna de sa position d’observatrice en l’attirant de l’autre côté du miroir. Expérimentant alors la chose de façon directe et y touchant l’inaltérable, c’est la psyché des amateurs de musique et de poèmes dont elle devait finalement prendre soin.

C’est après quelques années à Nice avec la famille que Marie-Paule Belle partit faire ses études à Paris dans les années 60 avec le désir secret de faire du spectacle. Elle fréquente assidûment L’Échelle de Jacob et y fait la rencontre cruciale de Barbara, qui devient une véritable soeur artistique pour elle. Grâce au tandem formé par Françoise Mallet-Joris et Michel Grisola, qui seront ses paroliers exclusifs pour les années à venir, elle se découvre compositrice-interprète. Son premier disque (Ça m’est égal, 1973) remporte d’emblée le prestigieux prix Charles-Cros, vite suivi par d’autres opus dont elle signe la plupart des musiques.

Mélodiste hors de pair, Belle se caractérise par le brio avec lequel elle oscille entre tendresse et humour. Alors que les Français seront rapidement conquis par la légèreté de Wolfgang et moi et de La Parisienne, son intuition musicale lui permet d’atteindre des publics aussi inhabituels que celui de Finlande, lors de nombreuses tournées internationales. Puis, en 1989, elle entre dans une retraite discographique où elle mettra à profit ses dons de comédienne.

"J’avais pris une pause après les grandes tournées. J’ai voulu faire du théâtre, autre chose, puis je n’ai plus fait d’album pendant 10 ans. Mais comme je travaillais tout le temps, je n’avais pas l’impression que je manquais médiatiquement. Au bout de 10 ans, quelqu’un m’a accostée dans la rue et m’a demandé pourquoi je ne chantais plus. Comme je ne faisais rien à Paris et que je ne sortais pas d’album, les gens ont cru que j’avais abandonné. Ça a fait tilt dans ma tête, et c’est à ce moment que j’ai monté un spectacle avec de nouvelles chansons."

Proximités
À travers cette relative résurrection, Marie-Paule Belle développe le désir de chanter ses propres textes, elle qui intègre si profondément ceux des autres. "Avant c’était assez timide, je cosignais parfois. Maintenant j’écris de façon plus libérée et j’ose chanter certaines de mes propres paroles. Ça m’émeut beaucoup, car je ne peux chanter que des choses très autobiographiques. C’est une démarche un peu impudique, j’ai l’impression d’être complètement nue sur scène quand je chante mes textes."

Elle avait d’ailleurs commencé à se dévêtir en 87 par la publication de l’autobiographie Je ne suis pas Parisienne, ça me gêne, un livre qui nécessiterait une suite tellement les années suivantes ont été diversifiées. Parmi les collaborations marquantes, notons celle avec William Scheller, dont l’expertise comme compositeur et l’incitation à se limiter au piano-voix changeront la façon qu’a Belle de percevoir son travail.

"Il m’a dit: "Tu auras la plus grande trouille de ta vie, mais tu auras aussi la plus grande liberté." Moi, pendant plus de 25 ans, j’ai joué avec des musiciens, dans une formule très "variétés", et j’ai eu vraiment très peur avec cette formule plus dépouillée. Ce qui est très surprenant, c’est que les organisateurs de spectacles et le public préfèrent cette formule à l’ancienne."

Avec Scheller, elle a aussi intégré l’ordinateur au processus de composition et est devenue plus sensible au travail des arrangements et de l’orchestration. Mais, en attendant de graver de nombreuses autres chansons originales, elle est actuellement habitée par un projet des plus prometteurs: "Pour ne rien vous cacher, je vais faire une parenthèse autour de mes propres chansons, en préparant un spectacle entièrement consacré à Barbara. Je suis complètement dans son univers déjà", dit la fameuse interprète de Nantes. Ne manquons donc pas cette occasion d’entendre Marie-Paule Belle avant son voyage dans les contrées esthétiques de la dame brune.

(Pour en savoir davantage, consultez le site Web québécois consacré à

M.-P. Belle: www.multimania.com/voyager/mpb/mp_index.htm)

Les 3 et 4 novembre
Au Théâtre Petit-Champlain
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