

Éva : La discrète
Une voix suave au souffle chaud, des mots finement roulés en bouche, celle à qui on doit Lili Marlène s’arrête à Québec.
Nicolas Houle
Elle ne vit publiquement que par ses chansons. Quand elle quitte la scène, on ne sait jamais quand elle réapparaîtra. «Il faut brouiller les pistes, croit-elle. Ce qui est important, c’est uniquement d’écouter les gens chanter, le reste n’a aucune importance.» Malgré sa grande discrétion, Éva conserve un rapport privilégié avec son public, au Québec – l’une de ses terres d’adoption – comme ailleurs.
Éva quitte l’Allemagne, sa terre natale, au début des années 1960 pour aller étudier le français à Paris. Elle devait y rester six mois, elle n’est jamais partie. «Au début, je chantais uniquement pour ne pas faire de babysitting, car je n’aime pas me lever tôt le matin!» se rappelle-t-elle. Or, installée à Saint-Germain-des-prés, la carrière de chanteuse a tôt fait de la rattraper, tant et si bien qu’en 1964, elle fait des débuts remarqués chez Phillips et se produit aux côtés de Brassens, à Bobino. Mais voilà qu’elle est interdite sur la radio nationale, les rumeurs veulent que sa voix soit d’une sensualité excessive. «On n’a jamais su exactement la raison, mais je sais qu’il y avait des comités d’écoute et comme je chantais en allemand et que le côté allemand n’était pas tellement bien vu dans ces années-là, j’ai été interdite pendant quelques mois.» Barbara fera lever l’interdiction, grâce à ses contacts avec l’ami d’un ministre. «C’est quand même drôle quand on sait que Barbara était de descendance juive», fait-elle remarquer.
Malgré cet ombrage qui prend l’allure d’un velours, le premier album d’Éva rafle le Grand prix du disque. Deux années plus tard, elle fait sa première halte au Québec, s’attirant un public qui lui restera particulièrement fidèle et qu’elle entretiendra avec régularité durant les années 1970, où elle se fait particulièrement active. Puis, elle s’éclipse durant un bon moment, pour réapparaître au milieu des années 1990, avec la même philosophie, désirant toujours offrir une chanson où les mots ont leur importance, sans pour autant sombrer dans l’hermétisme: «On est responsable de ce que l’on chante quand on fait un spectacle», explique-t-elle.
Pour sa visite à Québec, ces mots, elle les chantera en français, mais aussi en allemand, sur des airs typiques de la chanson française, connus ou moins connus, mais aussi sur des airs de jazz, un autre genre qu’elle chérit. Et quand elle pliera bagage, ce sera le silence de nouveau? «Je me considère comme une artiste qui dure. Je peux disparaître, mais je ne disparais jamais totalement.»
Du 19 au 21 et du 26 au 28 novembre
Aux oiseaux de passage
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