Barf / Noël dans la rue : Le p’tit poisson, y’é mort!
Noël dans la rue 2000 présente le spectacle d’adieu de Barf. Pour l’occasion, le groupe a convié ses amis sur scène. Et cette année encore, 65 % des profits de la soirée iront à l’organisme L’Anonyme. De plus, l’étiquette de disques Kafka en profitera pour lancer sa compilation Disco-Alterno.
Après quatorze ans d’existence, Blasten All Rotten Fuckers tire la plogue. Leur plus grand regret aura été de ne pouvoir conquérir d’autres marchés que celui du Québec. De plafonner, en fait. Car l’absence d’intérêt à l’extérieur de la province restera toujours un mystère pour le chanteur Marc Vaillancourt: «Si je connaissais la recette du succès, je l’aurais cuit! Mais je me souviens clairement de chacune des quatorze années de Barf.»
«En février, Peter (Jackson, batteur) nous a annoncé qu’il quittait le groupe après la tournée Catharsis. Depuis, Denis (Lepage, guitare) et moi, on rumine ce qu’on va faire. On a cinq albums sur le marché (Tumultes, 1992, Ignorance, chaos, suicide, 1993, Surprise, 1995, Catharsis, 1998 et Live 1999), distribués exclusivement au Québec. Il n’est donc pas question de faire de l’argent ou le tour du monde avec Barf. Alors, on s’est posé cette question: "Est-ce qu’on a envie d’enregistrer un autre album, distribué seulement au Québec, suivi d’une tournée québécoise?" À un moment donné, tu te blases de monter à Sept-Îles tous les six mois. Si on jasait d’aller en Australie, ce serait une autre affaire…» Amer, Marc? «Ça fait 500 shows qu’on donne au Québec, on le connaît, notre territoire. Alors, avant qu’on blase les fans d’ici…» Ce qui est loin d’être le cas. Depuis la sortie de Catharsis, le groupe à le vent dans les voiles: «On est tight, ça va super bien avec le nouveau bassiste (Dominique «Forest» Lapointe), le monde achète nos albums, vient aux spectacles.»
Pourquoi s’arrêter, alors? «On n’a pas le goût d’enregistrer un autre album juste pour enregistrer un autre album. Ça ne nous tente pas de chercher un nouveau batteur. Il n’y a plus de feu sacré. On pourrait sortir six autres albums mais pour conserver notre intégrité de musiciens heavy (et éviter le piège du commercial), on a décidé de tirer la plogue. Tout ça en bons termes, assis autour de la table chez nous en buvant une bière. Si Peter n’avait pas décidé de s’en aller, on serait peut-être en train de planifier un nouveau disque. Mais Peter, c’est mon meilleur chum dans le groupe, même si Denis et moi on est très complices. J’ai encore le goût de jouer, ça brûle encore. Mais sans la petite famille qu’on formait depuis l’arrivée de Peter il y a six ans, ça ne me tente pas. » Est-ce qu’on le reverra sur scène? «Je n’ai pas de projets précis pour l’instant. Je suis tanné du côté business de la musique», lance celui qui organisait les spectacles du groupe.
Plus le dernier spectacle approche, plus Marc sent grossir la boule dans le creux de son ventre. «Je considère que le dernier show, c’est Montréal. Au rappel, ça va être dur. À Québec (il y a quelques semaines), je me suis laissé surprendre. La première réaction des gens, quand on leur a dit que c’était le dernier show, ç’a été de nous huer. Puis ils se sont mis à crier. J’étais tout croche.» Il tient toutefois à nous avertir. «À Montréal, ça va bûcher en crisse pis on va se donner en tabarnak.»
Le guitariste Denis Lepage se joint à Groovy Aardvark et Peter Jackson poursuit dans Union Made (avec Denis Bélanger, ex-Voivod). Pour mesurer l’impact de la disparition de Barf sur la scène locale, nous avons demandé à quelques groupes qui participeront à Noël dans la rue d’y aller de quelques commentaires et anecdotes.
Vincent Peake, chanteur de Groovy Aardvark
«On perd notre allié numéro un puisque c’est le groupe avec qui on a joué le plus souvent. Je vais m’ennuyer de chanter La Bastringue et de boire leur bière dans la loge! Malgré une musique si peu accessible, ils ont toujours cru en ce qu’ils faisaient et ont livré la marchandise avec confiance et aplomb. Ils sont un modèle de persévérance pour toute une génération de musiciens et sont la preuve que le travail et la détermination payent.» Vince gardera en mémoire cette anecdote du Festival Polliwog 99. «On est à Port-Cartier et, à midi, les gars entament leur première caisse de 24. À 16h, au moment de leur show, ils en ont bu 48. J’ai toujours été impressionné par la quantité d’alcool qu’ils pouvaient se taper sans se planter sur scène. Sauf que cette fois… pendant Mouton noir, Denis voit des étoiles, tombe à la renverse et fait crouler son ampli sous son corps inanimé. La musique s’arrête. Denis est victime d’un black-out. Il reprend ses sens, l’air un peu perplexe, s’approche du micro et lance la désormais célèbre phrase: "Chu p’t-être saoul mais chu un artiste…»
Joël Tremblay, bassiste d’Overbass
«Il y a près de quinze ans, Marc nous avait invités à assister à un spectacle de Barf, à Morin-Heights. Dans ce temps-là, Barf jouait des morceaux de Voivod, Metallica, Slayer, SOD. Marc était tellement petit et maigre, avec ses cheveux longs, il ressemblait à Forest (bassiste). Lorsqu’on est finalement arrivés, vingt personnes sur le party entassées dans une van, Denis, qui avait commencé à faire la fête, a eu la brillante idée de nous accueillir avec des feux d’artifice. Mais au lieu de les pointer vers le ciel, c’est vers nous qu’il les dirigeait! Vu notre état, je vous dis pas la surprise… C’était comme le Viêt-Nam! En apprenant la séparation de Barf, on s’est dit: "Vite, on va reprendre Le P’tit Poisson!" On s’y attendait après tant d’années d’efforts. Notre marché est très difficile, et trop petit, pour nous permettre d’en vivre. Des Ramen, ça fait pas des enfants forts, hein Marc?»
Anonymus
«Peut-être parce qu’il avait perdu un pari ou parce qu’il en avait envie, Peter a donné un spectacle complètement nu (avec chaussures et bas blancs!), durant le Festival Polliwog 1998. Malheureusement, personne n’a réussi à capter "la chose" en photo.» Pour Anonymus, Barf laisse un vide impossible à combler. «Avec l’album Surprise, Barf nous a botté le cul à tous les quatre. Enfin un groupe faisant de la musique extrêmement violente, et intelligente.»
Pat Gauthier, chanteur de Raid
«Je me souviendrai toujours de Barf parce que c’était mon premier spectacle, mon premier mosh-pit. Je devais avoir quatorze ans et ça se passait à la Maison des jeunes d’Ahuntsic. C’est Barf qui m’a allumé au hardcore et fait comprendre la puissance que ça donne d’être dans un groupe et de faire triper 150 jeunes en même temps. J’ai toujours aimé la relation de Marc avec son public, en particulier sa façon de dire "ma gang d’écœurants".»
Marc Jodoin de Grubby Spit
Après huit ans d’absence, le groupe de skate-core se reforme le temps de jouer quatre morceaux en l’honneur de Barf. «On a été surpris d’apprendre leur séparation car tout semblait aller pour le mieux. C’est d’autant plus triste que Barf est un des piliers du speed-core montréalais. Le groupe nous a donné un coup de pouce quand on a commencé, en plus de nous apprendre à donner de meilleurs concerts. Je me souviendrai toujours de celui de l’Halloween 1990, à l’ancienne salle L’Intro, sur Jean-Talon. Les gars étaient déguisés en Kiss. Ç’a été un de leurs meilleurs show s…»
Le 3 décembre
Au Métropolis
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