Oliver Jones : All that jazz…
Musique

Oliver Jones : All that jazz…

On vous a rebattu les oreilles avec cela depuis six mois, maintenant on y est: Oliver Jones tire sa révérence. Est-ce une triste nouvelle, puisqu’il ne donnera plus jamais de concerts; est-ce une bonne nouvelle, puisque, à soixante-cinq ans, le pianiste de jazz a fait le tour de la planète, et qu’un repos lui sera profitable?

On vous a rebattu les oreilles avec cela depuis six mois, maintenant on y est: Oliver Jones tire sa révérence. Est-ce une triste nouvelle, puisqu’il ne donnera plus jamais de concerts; est-ce une bonne nouvelle, puisque, à soixante-cinq ans, le pianiste de jazz a fait le tour de la planète, et qu’un repos lui sera profitable? Ou est-ce une nouvelle tout court?

Quoi qu’il en soit, au moment d’écrire ces lignes, vous étiez plus de mille trois cents à avoir déboursé trois cents dollars en vue de satisfaire éventuellement votre ventre (cinq services gastronomiques), votre tête (des bulles, encore des bulles) et vos oreilles (du jazz très classe). Il reste donc deux cents places et une semaine pour vous décider.

Juste avant le coup de minuit marquant le nouveau millénaire, vous aurez goûté au plat de résistance: avec, à ses côtés, le batteur Norman Marshall Villeneuve et le contrebassiste Dave Young (Bill Evans, Oscar Peterson), Jones jouera ses dernières notes, se lèvera, simultanément avec les mille cinq cents spectateurs, et fera ses adieux, au moment même où Céline fera les siens à quelques mètres de là. De drôles d’adieux, puisque Céline nous reviendra dans deux ans, et que Jones continuera de faire des disques. Mais vous savez, la scène, pour un artiste…

Ce que le jazz perdra est facile à identifier: d’une part, le grand critique Leonard Feather a déjà qualifié le jeu d’Oliver Jones d’éclatant, d’inspirant et surtout d’émouvant; de l’autre, le pianiste au jeu fluide et coulant aura su donner vie à des monuments comme Gershwin, Rodgers and Hart, Cole Porter et combien d’autres.

Ces deux raisons devraient, à elles seules, être suffisantes. Mais il y a la plus importante: Oliver Jones et Oscar Peterson ont mis Montréal sur la map jazz. Vous le saviez j’espère?

Montréal, avec son Café Saint-Michel, son Esquire Show Bar et son Rockhead’s Paradise fut l’arrêt obligé des Duke Ellington, Miles Davis et autres Stan Kenton durant les années quarante et cinquante. Les deux pianistes de la Petite Bourgogne auront émergé de cette ébullition. Puis, trente ans plus tard, vint le Festival International de Jazz de Montréal qui créa un prix Oscar Peterson, dont Jones fut le premier récipiendaire. On s’incline bien bas.

Joint en Floride, où il habite six mois par année, Oliver Jones n’a pas changé d’un iota son discours tenu en juillet dernier: «Je pense qu’il s’agit du moment idéal pour mettre un terme aux concerts. En fait, c’est toujours le moment idéal lorsque vous possédez encore toutes vos facultés. Il y a trop d’artistes ou d’athlètes qui effacent d’un seul coup tous leurs exploits en ne sachant pas quand décrocher. Et avec la façon dont (L’Équipe) Spectra fait les choses, c’est aussi le promoteur tout désigné pour fermer la boucle.» En passant, selon la vice-présidente aux communications Christine Mitton, Oliver aura droit à quelques surprises. Un beau char GM de l’année? Un prix jazz÷ remis par Laurent Saulnier? Une apparition de Vic Vogel ou d’Oscar Peterson? Ne comptez pas trop sur Oscar, quoique…

«J’ai contribué autant que j’ai pu, de confier le jazzman, et je vois plein de nouveaux artistes d’ici émerger, il faut leur laisser la place. Après toutes ces années de voyages, d’hôtels, de repas pris à la sauvette, il arrive un moment où tu réalises que tu passes à côté de choses essentielles, comme la compagnie de ta femme et de ta famille. J’ai été à la fois béni et comblé, et physiquement, je me sens très bien. Le temps est venu pour moi d’être spectateur et apprécier les autres.» Oliver Jones, qui siégera désormais au Conseil des Arts Du Maurier, a déjà sa petite idée: «Ce qu’il manque le plus dans le milieu du jazz, c’est des agents et des gérants. Mais il y a beaucoup d’espoir.» Merci pour tout, Oliver Jones. Votre gentillesse et votre grande classe ont ramené le jazz à des proportions humaines. Un baume pour le journaliste.

On pourra aussi apercevoir la pianiste et chanteuse canadienne Carol Welsman, qui sera accompagnée par son trio avant l’arrivée de Jones, puis par le Millenium Jazz Orchestra après le coup de minuit. Jointe à Los Angeles, où la grande blonde, qui vient de signer avec un major÷, enregistre son prochain compact, Welsman raconte, dans un français impeccable: «Je fais de la musique moderne avec un côté jazzé.» Lire qu’elle fait dans la bossa et la pop, mais remâché jazz. Parfait pour le contexte de l’événement. Également au programme en début de soirée, dans le volet payant, le pianiste louisianais Henry Butler et la chorale montréalaise Umoja. Beau programme. Le volet gratuit, quant à lui, annonce deux scènes où joueront en alternance (sans cacophonie sonore, nous a-t-on promis) l’Africaine-Québécoise Lorraine Klaasen, le Dominicain et roi du merengue Joaquim Diaz, le swing band de Suzie Arioli, Butler, le Dixieband, une parade louisianaise et, enfin, celui qui arrêtera de jouer à 11 h 59 pour vous souhaiter la bonne année, nul autre que le bluesman Bob Harrisson. All You Need Is Love…

Le 31 décembre
Au Palais des congrès
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