

Michel Faubert : Entrer dans la légende
MICHEL FAUBERT est l’un de ces anges gardiens de notre mémoire collective. Il jase avec les spectres des différents siècles pour ensuite nous faire part de ses trouvailles, fruits de la tradition orale. Après les chansons et les contes, il s’attaque maintenant aux légendes.
Nicolas Houle
On l’a connu au début des années 1990 avec Maudite mémoire, cette très belle collection de complaintes médiévales puisées aux confins de notre passé européen, présentées sur fond musical on ne peut plus actuel. Puis il a ajouté une touche davantage personnelle sur Carême et Mardi gras pour ensuite s’attaquer à l’imaginaire proprement québécois avec L’Écho des bois, il y a maintenant deux ans. C’est à cette époque que le conteur commence à réclamer un peu plus de place au chanteur. Les quelque 20 années que Faubert a passées à sillonner le Québec et l’Acadie en quête de complaintes et de chants traditionnels ont aussi été des années à collectionner des contes et des légendes que l’on retrouvera dans Le Passeur, un spectacle qui sera présenté plus de 300 fois au Québec, en Europe et en Afrique. Ses qualités de conteur lui permettront même de gagner la médaille d’or aux Jeux de la francophonie de Madagascar en 1998.
L’heurt de la légende
Plutôt que de poursuivre dans le sillage du Passeur, Michel Faubert a choisi de relever un nouveau défi en s’attaquant aux légendes québécoises. L’âme qui sortait par la bouche du dormeur, tout en demeurant gage de tradition, aura une facture beaucoup plus actuelle: «Les contes sont à la parole ce que la légende est au silence, explique Michel Faubert. La légende racontée au coin du feu par un conteur, je n’y crois pas tellement. Les légendes étaient des rumeurs exactement comme le sont les légendes urbaines aujourd’hui. Aussi, arriver à en faire des récits et à les raconter devant les gens, je crois que c’est beaucoup plus contemporain que le conte.»
Si Michel Faubert a choisi de s’attaquer à ces rumeurs teintées de fantastique, ce n’est pas sans raison. C’est qu’en elles réside un élément particulier, une tête chercheuse qui heurte de plein fouet la sensibilité de l’auditeur en trouvant sa vulnérabilité, lui faisant ainsi croire à un événement fantastique. «Le défi dans les légendes, c’est de les raconter de façon à ce qu’elles soient, aujourd’hui encore, toujours possibles. C’est pour ça que j’avais toujours eu de la misère à en raconter. J’étais incapable de raconter des légendes auxquelles je ne croyais pas.»
Cette implication des sens et ce jeu de cache-cache entre réalité et fantastique est certes l’un des aspects auxquels Faubert s’est intéressé le plus pour ce spectacle. Il est même allé jusqu’à insérer des événements de son propre passé, des souvenirs qu’il a fondu dans le moule des légendes afin de garantir à ses dires un plus grand impact. «J’avais un souvenir très fort que je ne me serais jamais vu raconter sur une scène, se remémore-t-il. Je me suis mis à y repenser et je me suis dit que c’était La Chasse-galerie. Je le raconte en ne changeant presque rien et ça devient une histoire fantastique parce que là où le légendaire ne frappe pas, l’émotion du souvenir que j’en ai fait le reste du chemin.»
Le genre urbain
Cela fait un bon moment que Michel Faubert a quitté son village natal. Peu à peu, il sent «le gars de la ville qui prend le dessus sur le gars de la campagne». Il lui arrive moins souvent de courir des kilomètres pour prêter l’oreille à une complainte ou à un conte qu’il n’a pas à son répertoire, bien que cela nourrisse encore son travail. Peut-être est-il devenu ce dormeur dont l’âme, lui sortant par la bouche, fait le tour de la terre, glanant au passage – on l’imagine – contes et légendes, avant de regagner sa résidence charnelle? Pourquoi pas.
Qu’importe, sa passion pour le chant, le conte et la légende demeure intacte, trouvant simplement un nouveau point d’ancrage. Aussi ce nouveau spectacle, misant toujours sur ses talents de conteur, le reflète vivement. Le décor de ces légendes, la façon dont elles rejoindront le public et l’avènement du fantastique qui succède au merveilleux, propre au conte, en témoignent. Il faut dire aussi que depuis trois ans, Faubert baigne dans l’univers des H.P. Lovercraft, Claude Seignolle et Robert Stone, des lectures qui ont eu un impact certain sur son travail. C’est d’ailleurs à la lecture d’un ouvrage de Stone qu’il a eu le désir de s’aventurer plus loin sur le territoire des légendes et du fantastique.
Son désir d’aventure a trouvé écho sur le plan musical, semble-t-il, puisque ses récits auront une trame sonore – assurée par les guitaristes Dominique Lanoie et Claude Fradette – «plus osée» que dans les spectacles précédents. Mais tout ça, comme il le dit si bien, «ce sont toujours des histoires à suivre»… sur scène, bien sûr.
Du 18 au 22 janvier
À la Maison de la Chanson
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