Big Sugar : Le temps d'une paix
Musique

Big Sugar : Le temps d’une paix

Au Canada, le rock se chante dans les deux langues officielles. C’est du moins ce que s’efforce de prouver Big Sugar, probablement la seule formation anglophone qui se soit jamais donné la peine de traduire ses chansons. Et si la réconciliation des deux solitudes passait par le rock ?

«Je suis canadien, je suis fier du Québec, comme je le suis de Terre-Neuve ou du Nouveau-Brunswick. Si tu ne fais que vivre à Toronto, tu crois que Toronto est le Canada, mais ce n’est pas le cas.» Vous croyez lire le discours électoral d’un politicien? Détrompez-vous, c’est Gordie Johnson, le chanteur et guitariste de Big Sugar, qui parle en ces termes. Prenant la ferme décision de faire mousser sa popularité d’abord et avant tout au sein de son propre pays, Big Sugar s’est efforcé, depuis le début des années 1990, de se faire connaître aux quatre coins du territoire canadien, passant graduellement des petites salles aux arénas.

Si les fans de Big Sugar se sont multipliés un peu partout au pays, les Québécois ont été beaucoup plus lents à emboîter le pas. Gordie Johnson est donc passé à une nouvelle offensive: il s’est mis en tête, à partir de l’album Heated, paru en 1998, de traduire simultanément tous les simples du groupe, sur disques comme sur vidéo. L’entreprise a rapidement fait des petits: l’été dernier, Big Sugar lançait un mini-album de cinq titres qui comprenait, outre quatre traductions, une reprise de la pièce de Gilles Valiquette, Je suis cool. Une addition qui, en spectacle, est particulièrement appréciée selon Gordie: «La réaction est instantanée: aussitôt qu’ils entendent les premières lignes de la chanson de Valiquette, nos fans s’excitent et se mettent à chanter avec nous!»

Frog rock
En fait, la situation a évolué à un point tel que le français est en train de rattraper le temps perdu chez Big Sugar. «À Québec, nous jouerons nos pièces en français, et même des pièces qui seront sur le prochain album, explique-t-il. Il s’agit de chansons originales que nous avons composées d’abord en français puis que nous avons traduites en anglais.» Ce n’est pas rien! On serait sympathique à leur cause pour moins, surtout que la musique de Big Sugar, digne héritière des années 1970 avec ses lourdes guitares nasillardes, son dub jamaïcain, son blues des sixties et même sa touche soul, est particulièrement intéressante. Elle sonne vrai, elle est chaude et nullement aseptisée par les traitements numériques du studio. Johnson résume la démarche de son band très simplement: «Nous faisons de nouvelles choses avec la vieille technologie et du nouveau matériel avec de vieilles influences.» Au coeur de tout ça, la voix de Gordie, qui rappelle sous certains angles celle de Paul Rodgers, semble être à l’aise comme un poisson dans l’eau dans la langue de Molière. «Il n’y a pas de recette miracle. L’important, c’est la pratique et la discipline! dit-il. J’ai un ami qui est bilingue; il me suivait en studio et s’assurait que l’on comprenait chacun des mots que je disais. La difficulté provient surtout du fait que chanter n’est pas uniquement réciter des mots, c’est aussi véhiculer une émotion, alors j’ai vraiment dû me familiariser avec le français.»

Pour ce qui est des émotions, vous risquez de les vivre à hauts décibels, car Gordie et ses potes aiment bien jouer le volume au plancher! «Le rock’n’roll, ça se doit d’être puissant. Si tu veux écouter du rock en douceur, tu peux le faire à la maison ou dans ton automobile, mais en spectacle, il faut que ça soit grandiose!»

Le 30 janvier
Au Colisée
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