Punk-O-Rama/Ten Foot Pole : Panorama punk
Musique

Punk-O-Rama/Ten Foot Pole : Panorama punk

«-Encore aujourd’hui, c’est impossible d’y échapper: Montréal est un arrêt obligatoire, incontournable pour nous comme pour presque tous les autres groupes punk», lance Dennis Jagard, chanteur de Ten Foot Pole. Pas étonnant que son groupe nous rende visite pour la neuvième fois en cinq ans, dans le cadre de la tournée Punk-O-Rama.

15 novembre 1994, Montréal. Plus de 1200 jeunes sont massés devant le Spectrum et attendent impatiemment la prestation des groupes californiens NOFX et Face to Face. Pour Ten Foot Pole, groupe invité, alors pratiquement inconnu, ce spectacle fut le point de départ d’une ascension fulgurante au Québec, à l’image de l’ampleur impressionnante qu’allait prendre le mouvement punk à travers toute la province.
15 mars 2000, West Hollywood. Dennis Jagard, chanteur et guitariste de Ten Foot Pole, profite de son dernier jour de congé à la maison avant de repartir sillonner les routes d’Amérique, dans le cadre de la tournée Punk-O-Rama. Bien entendu, Montréal fait partie de l’itinéraire, pour la neuvième fois en cinq ans. Une telle fidélité confère au groupe le titre d’expert de la scène montréalaise, et Dennis ne tarde pas à s’emballer lorsqu’on l’interroge sur le statut particulier de notre ville dans l’univers punk-. «-Encore aujourd’hui, c’est impossible d’y échapper: Montréal est un arrêt obligatoire, incontournable pour nous comme pour presque tous les autres groupes punk. C’est un marché énorme! C’est aussi le premier endroit au monde où des gens ont tenté d’écouler de la marchandise contrefaite à l’effigie du groupe.-» Ainsi, le «-microclimat-» culturel qui a fait de Montréal une plaque tournante du punk semble se maintenir.
Plusieurs faits viennent corroborer cette perception des choses. Keith Maurik, responsable du marketing chez Epitaph Canada (l’étiquette qui abrite Ten Foot Pole), souligne que 60 % des ventes canadiennes de la célèbre maison californienne sont réalisées en sol québécois et qu’en conséquence, les efforts de promotion y sont généralement plus considérables que dans le reste du pays. Il mentionne aussi l’appui vital de MusiquePlus, «100 % plus ouverte d’esprit et plus cool que son pendant anglophone, MuchMusic-», de même que l’omniprésence des magasins indépendants. À ce chapitre, on ne peut passer sous silence l’ouverture imminente, en plein centre-ville,d’une deuxième succursale du magasin de disques Underworld, qui a fait du punk son créneau, un signe qui ne ment pas. Enfin, été après été, le festival Warped Tour continue d’attirer plus de 15 000 fans au Parc des Îles.
Bien qu’en apparence la popularité du punk soit demeurée au niveau des belles années, certains indices contradictoires, voire inquiétants, offrent un portrait moins reluisant de la situation actuelle. Au cours des derniers mois, plusieurs groupes majeurs n’ont pas été en mesure de remplir les salles, forçant de nombreux promoteurs à revoir leurs pronostics trop optimistes et à faire preuve d’une plus grande prudence. Du Spectrum et du Métropolis, les spectacles se sont déplacés vers des lieux comme l’X et le Rainbow. Jagard, qui a vécu cette situation un peu frustrante lors des deux dernières visites du groupe, a trouvé l’expérience «-moins amusante et surtout beaucoup moins professionnelle-», et se dit très heureux de retrouver à nouveau les planches du Spectrum.
Cela dit, plusieurs hypothèses valables peuvent être émises pour expliquer le contexte qui sévit présentement-: la montée du hip-hop dans la culture skate, d’une part, et la perte d’intérêt des fans plus âgés, d’autre part… Dennis s’en remet quant à lui à la nature cyclique du marché, et cite l’Europe comme exemple de l’évolution changeante de l’engouement pour le punk-rock-: «-Pendant des années, l’Angleterre fut l’un des pires endroits pour jouer, alors que la Suède offrait une scène extraordinaire, un peu comme le Québec. Aujourd’hui, c’est exactement l’inverse.» Bien qu’il considère toujours Montréal comme un lieu de prédilection, le chanteur finit par avouer-: «-Lors de notre dernière tournée, certains spectacles aux États-Unis étaient plus imposants que celui de Montréal, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps.-»
Il faut noter qu’à l’instar de la scène montréalaise, Ten Foot Pole traverse présentement une période quelque peu difficile. Depuis l’enregistrement de leur dernier album, Insider-, deux membres, soit le bssiste Glenn et le batteur Tony, ont quitté le groupe en raison de ce que Dennis qualifie de burnout-. «-Sans vouloir jouer les héros, faire partie d’un groupe punk sérieux demande énormément de temps et d’énergie. Ils étaient simplement tannés de travailler si fort et de rester pauvres.-» Sélection naturelle au niveau des membres, donc, à laquelle se greffe une lutte pour la survie au sein d’un marché toujours plus restreint. La formation sent-elle le besoin de réajuster sa direction musicale vers un son plus pop ou, au contraire, plus agressif pour conserver ses fans-? «-L’évolution du groupe est liée à l’ennui qu’on éprouve à jouer constamment le même type de musique, et non à la place qu’on occupe sur les palmarès. On cherche un juste milieu qui parvienne -à rendre tous les membres heureux et à l’aise-», assure Dennis.
Bien qu’il soit illusoire d’affirmer que rien n’a changé au cours des cinq dernières années, un fait demeure: Ten Foot Pole, tout comme Montréal, conserve son rang de chef de file du mouvement punk.

Punk-O-Rama, avec Ten Foot Pole, Millencolin, Vision et Osker
Le 1er avril
Au Spectrum
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