Marc Ogeret : Voix d'auteurs
Musique

Marc Ogeret : Voix d’auteurs

Avec le temps, le chanteur français Marc Ogeret s’est imposé comme l’un des plus grands interprètes de Léo Ferré. Il serait impardonnable de rater l’un de ses trop rares passages en sol  québécois.

Le coeur mariné rive gauche, la voix mêlant soleil et tempêtes, Marc Ogeret est celui-là qui a porté le plus loin les mots des plus grands. L’entrée en matière serait grandiloquente si elle n’était pas complètement méritée. Or tous ceux qui assisteront à son numéro consacré à Léo Ferré, dans quelques jours, seront du même avis.
Accompagné du pianiste Patrick Giraud, complice de scène depuis quelques décennies, l’interprète livrera des versions bien personnelles des poètes mis en musique par Ferré (Aragon, Seghers, Bérimont…), ainsi que les toutes premières chansons de Ferré interprétées par Ogeret, il y a déjà jolie lurette.
À la clé, un album paru fin 1999. «Ce disque est inspiré du spectacle que je présente depuis quelque temps. On y trouve mes interprétations des poètes mis en musique, hormis celles d’Aragon, que j’ai déjà enregistrées. Sinon, j’y reprends quelques grandes chansons de Ferré, comme Les Poètes ou Les Vieux Copains.»
Rappelons que c’est par cet enregistrement des textes d’Aragon que Marc Ogeret, autour de 1975, a réellement acquis ses lettres de noblesse (Ogeret chante Aragon) – c’est du moins à ce moment-là que l’ont découvert les Québécois. Interprétations magistrales, que certains ont situées au-dessus de celles de Ferré lui-même.

La modération a meilleur goût
Celui qui voit Marc Ogeret sur scène est d’abord saisi par l’extrême sobriété de geste et d’intention qui le caractérise. «Quand on veut privilégier le texte, on doit lui laisser toute la place. Je chante souvent des textes denses, difficiles, même, alors je dois être d’une grande précision et d’une grande humilité pour que la compréhension soit bonne.»
Cette humilité pleine de nuances, humilité qui n’empêche en rien le caractère, c’est la même qui habitait Marc Ogeret le jour où il a fait le choix d’interpréter. Pour la petite histoire, il faut dire qu’Ogeret a lui-même été tenté par la plume, naguère, mais a préféré prêter sa voix – voix unique, puissante et granuleuse – aux autes. «À mes débuts, quand je faisais la manche en m’accompagnant à la guitare, j’ai chanté quelques chansons créoles et sud-américaines, et rapidement je me suis mis à interpréter Félix Leclerc, puis Brel, Brassens… Ce que j’écrivais moi-même, à côté de tout ça, ne me satisfaisait pas. J’aurais pu persévérer, mais de toute façon tellement de chansons existantes me plaisaient et me convenaient parfaitement.»
Artiste ouvert, polyvalent, Ogeret a depuis chanté Ferré, Bruant, Deschamps, puis une multitude de chansons de marins, qu’il affectionne particulièrement, lui-même étant marin à ses heures.

La clé des chants
La soixantaine avancée, Marc Ogeret semble ne plus faire que ce qui lui chante. Les années de tournée sont déjà derrière, mais au profit, sans doute, d’une complète liberté. «J’ai un peu levé le pied au niveau de mes activités, c’est vrai. Je vis neuf mois à la campagne, trois mois à Paris, je fais quelques galas dans l’année, puis de temps en temps un disque.»
Actuellement, il travaille de nouvelles pièces de Deschamps, qui devraient tôt ou tard se retrouver sur disque. A-t-il une marche à suivre, une méthode précise devant un texte à posséder? «Pas vraiment. Les nouvelles chansons, je les aborde de manière très instinctive. Je les écoute, je les apprends. En ânonnant, au départ. Après, c’est devant public que tout ça se met en place.»
Le public de Marc Ogeret? Un public fait d’amants des mots, qui, sans remplir les amphithéâtres, lui a donné ses plus grands bonheurs et, par sa fidélité, l’assurance qu’il en valait le coup de ne jamais jouer le compromis. «Un jour quelqu’un m’a dit: "Toi, avec ta voix, ta manière de chanter, si tu faisais un peu de commercial, tu serais une star! Tu gagnerais du fric!" J’ai répondu que je n’avais rien contre l’idée, mais que je ne pouvais pas, tout simplement. Je ne peux faire que ce que j’ai en moi, et le commercial, je ne l’ai pas. Je ne sais chanter que des textes qui disent quelque chose. Je ne veux pas aller à la pêche.»
Exigeantenvers lui-même, Ogeret l’est aussi envers les autres. S’il est heureux de voir Ferré souvent repris par des jeunes interprètes, il flaire aisément la pacotille. «Certains font de très belles choses. Malheureusement, il y a aussi des mecs du showbiz qui se servent de Ferré pour étoffer leur répertoire. Ça, j’aime pas trop. Je pense entre autres à un chanteur français très connu, que je ne nommerai pas, qui n’aurait pas dû mettre ses souliers là-dedans. C’est très mauvais, de toute façon.» (Il est permis de présumer que ce chanteur n’est autre que le pseudo-rebelle Florent Pagny, qui nous a récemment servi une Jolie môme plutôt tiède.)
Marc Ogeret sera Aux oiseaux de passage la semaine prochaine. Invitation à découvrir celui qui se dit lui-même «le plus connu des inconnus».

Du 5 au 8 avril
Aux oiseaux de passage
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