Le 22 novembre 1997, Michael Hutchence est retrouvé mort dans la suite 524 du Ritz Carlton de Sidney. Les enquêteurs concluent rapidement au suicide, même si quelques personnes penchent pour des explications plus sordides… Depuis le tournant des années 90, Michael n’avait pas la vie facile. Outre ses frasques conjugales, il devait composer avec le naufrage graduel d’INXS. Après avoir connu un succès planétaire avec l’album Kick, où l’on retrouvait entre autres Need You Tonight et New Sensation, le groupe australien périclitait. Au moment de sa mort, Michael mettait la dernière main à un premier album solo, qui a finalement été lancé en février dernier.
En l’absence de Michael, Kelland Hutchence a décidé de prendre la parole. Le vieil homme n’avait pas l’habitude de parler aux médias, mais il a vite appris; il a la parole facile et trouve réponse à toutes les sortes de questions. En apparence, il a fait la paix avec le destin tragique de son fils. Mais chaque fois que la discussion devient trop intime, la tristesse émerge et la douleur est palpable: sa voix traînante s’assombrit et s’étouffe rapidement au bout d’une réponse pudique. Voici l’essentiel d’un entretien au-dessus duquel flottait un fantôme bien-aimé…
Comment avez-vous été amené à accorder ces entrevues?
«Ça dure depuis un bout de temps maintenant. On a commencé en Australie, la compagnie de disques et certains magazines m’ont demandé de dire quelques mots sur la vie de Michael et sur son dernier disque. Ensuite, ce fut au tour de l’Europe et des États-Unis…»
Pourquoi avez-vous accepté?
«Je veux vraiment faire tout ce que je peux pour promouvoir ce disque. Ce n’est pas toujours facile, mais j’ai décidé que je le ferais au nom de la famille. Je crois que c’est le devoir d’un père de faire ce genre de chose si son fils n’est plus là. Je pense que c’est un très bel album avec de très belles musiques. Et c’est sa fillette qui va recevoir les royautés de ce disque; et je tiens beaucoup à ce qu’elle puisse en profiter.»
Vous avez encore du mal à parler de Michael?
«C’est toujours difficile, oui, parce que ça a été tout un choc de le perdre… Mais ça fait deux ans maintenant, la vie doit continuer. Je crois que Michael était quelqu’un de très spirituel, comme je le suis. On doit donc accepter ce qui arrive et vivre en conservant les souvenirs les plus beaux et les plus heureux.»
Est-ce que vous reconnaissez votre fils dans ce disque?
«Oh! oui. Ça lui a pris trois ou quatre ans d’efforts constants pour le faire et il y a mis un peu de son histoire. Il y a inscrit ses préoccupations, ses points de vue sur la vie selon différentes formes, ses angoisses. Ça raconte des histoires à propos des gens, de situations et de comment il voulait échapper à certains des mauvais côtés de la vie pour s’épanouir et recommencer. Comme dans la chanson Slide Away… Je crois que ça reflète un homme qui s’est exposé et dont la vie s’est malheureusement terminée d’une façon fâcheuse.»
Votre chanson favorite sur le disque?
«Elles sont toutes très bonnes, mais je dois dire que Possibilities me reste toujours en tête, à cause de la force qu’on y retrouve et des jolis arrangements de corde. J’aime aussi beaucoup Slide Away, à cause de la participation de Bono.»
Avez-vous eu des contacts avec les gens qui ont terminé l’album?
«Je connaissais Andy Gill et j’ai rencontré Danny Saber à Los Angeles, mais il y en a beaucoup que je n’ai pas rencontrés. Je n’ai été impliqué d’aucune façon dans le processus qui a mené à la sortie de l’album. Je n’étais que le père, assis sur le côté, qui attendait d’entendre le produit final… Michael était un perfectionniste et il a eu deux très bons amis, Andy et Dany, qui ont tout mis en place de la façon dont il aurait voulu. Ce disque est un très beau monument à la vie de Michael, vraiment.»
Avez-vous toujours été proche de la carrière de Michael?
«Je crois, oui… Les gars, INXS, ont commencé à répéter dans des garages et je me rappelle les nombreuses fois où ils ont répété dans le mien, à Sidney. Graduellement, ils ont laissé l’école et ont commencé à faire des spectacles ici et là. Ils se sont bâti un très bon son, avec de belles mélodies et de bons textes. Michael est devenu le frontman et INXS a connu le succès. Ils ont été célèbre dans le monde entier. Le reste appartient à l’Histoire, je crois.»
Comment était Michael durant le long enregistrement de son disque? On a l’impression qu’il s’agissait d’une période trouble durant laquelle il luttait pour sa survie…
«Je crois que c’est vrai, en effet. Je pense qu’il s’est débattu, qu’il devait mettre de l’ordre dans sa tête à cause des choses qui se passaient dans sa vie. Il était devenu une star de rock internationale et il essayait, il devait se remettre en piste…»
Est-ce inquiétant pour un père de voir son fils devenir une star de rock internationale?
«Tous les pères se préoccupent de ce genre de chose et je m’en suis inquiété moi aussi. Michael a toujours dit qu’il voulait vivre sa vie au maximum; mais il savait aussi quand il devait s’arrêter…
Je suis extrêmement surpris du nombre de lettres, de télécopies, de courriels, de CD et de vidéos que je reçois de gens de partout dans le monde, même après deux ans. Je n’arrive pas à croire qu’il était aimé d’autant de gens. Il a eu une influence sur la vie de quantité de gens; je n’avais jamais réalisé qu’il les marquait aussi profondément. Je crois avoir répondu personnellement à une cinquantaine de lettres manuscrites et avoir envoyé plus de mille cartes de remerciement à des gens qui nous ont écrit à moi et à ma famille. Ça me touche au plus profond de mon coeur de savoir qu’il a eu un tel impact sur autant de gens. Je trouve ça vraiment très beau.»
Michael étant mort dans des circonstances nébuleuses, le percevez-vous comme un martyr du rock?
«Non. Je crois que tout ça n’était qu’un malheureux accident… Michael n’avait pas prévu partir…»
Michael Hutchence
Michael Hutchence
(V2/BMG)