Musique Multi-Montréal : D'ici et d'ailleurs
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Musique Multi-Montréal : D’ici et d’ailleurs

Croyez-le ou non, chaque année, depuis dix ans, Musique Multi-Montréal réussit à boucler un bon festival de musiques du monde en recrutant son monde exclusivement dans la métropole. Parce que d’autres ethnies vivent ici, et qu’elles chantent  aussi.

Croyez-le ou non, chaque année, depuis dix ans, Musique Multi-Montréal réussit à boucler un bon festival de musiques du monde en recrutant son monde exclusivement dans la métropole. Parce que d’autres ethnies vivent ici, et qu’elles chantent aussi. Partant de ce principe, Liette Gauthier, la téméraire programmatrice, s’applique et porte l’expérience à un autre niveau. Le jeu consiste à mélanger ici même des musiques et des tendances qui ne s’étaient peut-être jamais encore accouplées ailleurs. Paris fous qui donnent parfois de jolis bouquets manouches et – pourquoi pas ? – des feux d’artifice improvisés.

Pour sa dixième édition, le MMM affiche encore du flamenco, des mélodies juives et tziganes mais aussi des chants de gorge, des tambours japonais, des musiques de l’Inde du Sud, du Burundi et de Bali. Pourtant, la cerise sur le sundae risque fort d’être la soirée du 28 où le Cubain Carlos Placeres se propose de refaire à l’envers la grande traversée avec son quartette en embarquant à son bord quelques joyeux corsaires: Lilison Cordeiro de Guinée-Bissau, Hasan El Hadi, un fabuleux joueur de oud, et Fortin-Léveillé, un duo de guitaristes québécois capables de jouer dans un hamac toutes les musiques du Sud.

«J’ai choisi le chemin le plus long, mais c’est le mien; et je sais où je m’en vais.» Carlos Placeres parle avec enthousiasme, mais sans précipitation, un français épicé d’un délicieux accent espagnol. Comme s’il ne voulait pas buter sur les mots, il les repère, les soupèse. «Je suis un troubadour», proclame-t-il enfin avec un petit sourire, l’index levé, avant d’ajouter: «Et je resterai toujours un troubadour.» Mais pour ce chanteur aguerri qui a joué de la guitare, du piano et de la percussion dans tous les hôtels de La Havane et dans les villages de son île au soleil. «Le troubadour, c’est l’histoire de la musique cubaine, qui a débuté dans l’île avec la trova traditionnelle, c’est-à-dire l’auteur-compositeur-interprète, avec sa guitare, des chansons, des boléros, des chansons romantiques, des chnsons rythmées, après le son, le danzon, le cha-cha-cha et le mambo…»

Carlos n’est pas du genre à simplifier les histoires. Il cherche, patiemment. Tant et si bien qu’il a répertorié des centaines de rythmes et de manières dans les musiques de son pays natal et qu’il a remporté une bourse du Conseil des Arts pour poursuivre ses recherches et remonter jusqu’à la source. «La musique afro-cubaine, pour nous, c’est une résultante de la vie et du métissage. Un côté africain, issu de l’Afrique noire, amené par les esclaves; et de l’autre côté, l’Espagne, elle-même imprégnée d’influences arabo-andalouses, donc de toute l’Afrique du Nord». Si vous ne connaissiez pas la parenté qui existait entre le sonero et le chanteur de raï, vous l’entendrez ce soir-là. «Il y a une mélodie cachée dans le son qui est un peu arabe. Quand j’écoute la musique du Maroc, je retrouve les mêmes sensations qu’à la campagne à Cuba.» Hassan El Hadi n’y croyait pas lui-même. Pourtant, ce virtuose maghrébin est en train de mettre au point, à Montréal, une musique arabe progressive qui se fusionne avec le jazz et désormais avec la descarga.

On entendra donc les artistes ensemble et séparément, dans l’une de ces soirées thématiques dont MMM a le secret. La beauté de la chose, c’est que tous ces nouveaux métissages sont expérimentés à l’ombre du Mont-Royal. Et les airs traditionnels dans tout ça ? «J’ai longtemps joué pour les touristes à Cuba, dit Carlos avec un large sourire, et j’ai aimé ça parce que c’est la vraie musique traditionnelle. Mais je sens le besoin de m’ouvrir et d’utiliser des harmonies plus contemporaines. De plus, je mélange beaucoup les rythmes. Je peux jouer cinq rythmes ou styles différents dans le même morceau.» Troubadour moderne, adepte de la novissima trova, Placeres préfère chanter aujourd’hui ses propres compositions. «Mais il y aura une surprise à la fin, me confie-t-il avec malice. Et on va la jouer tous ensemble!»y

Du 25 au 30 avril
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