

P18 : Havana Club
Né de la rencontre entre un ex-membre de La Mano Negra et d’un autre du groupe Sierra Maestra, P18 est, en quelque sorte, le penchant électronique du Buena Vista Social Club. Servez-vous un mojito bien frais, car une vague de chaleur va s’abattre sur le Festival de Jazz.
Nicolas Tittley
Ça va chauffer cette semaine en plein centre-ville de Montréal, alors que P18 débarquera en force avec son grand cirque "électropical", présenté sur la grande scène du Festival de Jazz, en pleine rue Sainte-Catherine. Si l’on a beaucoup fait état, lors du dévoilement de la programmation extérieure du Festival, de la très forte représentation des sonorités cubaines, on songeait certainement à P18 comme grand catalyseur des rythmes afro-caribéens.
Métissée et éclatée, la musique de P18 est un amalgame très actuel de drum’n’bass et de son, de house et de cumbia; bref, c’est l’électronique qui croise le fer avec les rythmes latinos, le rencontre entre l’air chaud des îles et le ciel gris de Paris. Car c’est bien un Français qui est au coeur de cette tempête tropicale qu’est P18 (qui n’est rien d’autre que l’acronyme de Paris dix-huitième). Tom Darnal, ex-guitariste et ex-claviériste de la légendaire formation française La Mano Negra, est en quelque sorte le chef d’orchestre de cette formation tentaculaire à géométrie variable. "P18, ça n’est pas une affaire franco-française, c’est une histoire de rencontres entre les cultures", résumait le musicien, rencontré lors d’une tournée promotionnelle à Montréal cet hiver.
Les origines de P18 remontent à 1992, alors que la tournée de La Mano Negra avait fait escale à La Havane. Tom s’était alors lié d’amitié avec celui qui deviendrait l’autre pôle créatif du groupe, le trompettiste Bárbaro Teutor, du réputé groupe Sierra Maestra. De visites occasionnelles en coups de téléphone, le projet s’est construit petit à petit, accouchant d’un premier mini-album en 1996 (Light and Fire), puis d’un autre, Rumours of War, disque assez radical, bourré d’échantillonnages de discours pro-zapatistes.
Avec la parution d’Urban Cuban, l’an dernier, P18 s’affichait comme un groupe de party. "C’est un cliché que de le dire, mais les Cubains, ils sont jamais moroses. Ces gens-là ont toujours la pêche pour faire la fête. C’est cet esprit qu’on essaie de transmettre en concert: on mélange des éléments des shows techno, avec le côté high-tech, et ceux des grandes fêtes tropicales, avec les plumes, les costumes et tout…", explique Darnal.
On aurait pu en douter il y a quelques années, mais il y a bel et bien une vie après La Mano Negra. Manu Chao l’a prouvé admirablement avec son inusable et omniprésent Clandestino et Thomas Darnal a fait de même avec P18. Bon, on vous l’accorde, l’onde de choc n’a pas la même amplitude. Mais Darnal a réussi le pari de garder l’esprit festif et latin de La Mano Negra, certainement le plus international(iste) des groupes français. Mais là où Chao s’est intéressé à une tradition plus chansonnière, axée sur des musiques andines, Darnal a plongé tête baissée dans les rythmes originaires d’Afrique, dressant des parallèles entre le beat digital et le tambour traditionnel.
"Tout ça vient du même endroit: le rythme afro-caribéen, c’est la base de presque toutes les musiques qui m’ont allumé dans ma vie", lance-t-il.
Dès le départ, Tom a établi quelques règles de conduite: pas question de jouer le gringo qui sait tout et qui vient chercher dans l’île exotique l’épice qui manquait pour relever sa sauce européenne. Au contraire: Tom est arrivé chez les Cubains avec un respect qui ferait passer Ry Cooder pour un véritable conquistador. " Ç’aurait été ridicule de faire un projet techno ou house avec seulement deux ou trois petites touches cubaines, c’est pas mon truc, explique Darnal. En fait, ce projet vient d’abord du désir de jouer ensemble; d’un côté, il y a les Cubains qui avaient vraiment envie de se frotter aux samples et aux rythmes électroniques, une technologie pas très courante chez eux; et de l’autre, il y a moi, qui ai toujours été fasciné par la rythmique afro-cubaine. Et puis, si tu portes le moindrement attention, tu te rends compte que la polyrythmie cubaine est assez complexe, et que tu ne peux pas arriver comme ça et tout chambouler. En fait, le gros du travail a été d’adapter les différents beats, de manière à ce que ce soit l’électronique qui s’adapte à la musique cubaine, plutôt que le contraire."
Cette grande internationale du rythme, qui a déjà compté jusqu’à trente membres, n’est pas toujours facile à réunir, mais lorsque tous les éléments y sont (danseuses, choristes, etc.; ils seront dix à Montréal), la fête est au rendez-vous. "Pour le moment, on aime bien cette distance géographique entre les différents membres du groupe. Il y a aussi une diversité culturelle qu’on n’avait pas dans la Mano. Dans P18, quand on cause musique, on le fait en espagnol. Mais lorsque c’est technique, on se sert du français. Il y a des différences d’âges, de cultures, et on vit parfois quelques chocs. Mais le plus important, c’est qu’on est tous animés par la même envie de faire la fête."
Le 6 et 7 juillet
Sur la scène General Motors
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