Live à Montréal : Festival d'été de Québec Miriam Makeba La Brigade / Latitude Nord
Musique

Live à Montréal : Festival d’été de Québec Miriam Makeba La Brigade / Latitude Nord

Festival d’été de Québec
Les 14 et 15 juillet

Deux jours, c’est bien peu pour témoigner de l’ensemble d’un festival qui en dure onze, mais on n’allait pas rater l’occasion d’assister au dernier week-end du Festival international d’été de Québec, même si la visite fut brève et le temps, pas toujours clément. À 33 ans, le doyen des méga-événements culturels d’été ne semble pas près de s’essouffler, et présente toujours une programmation aussi éclatée que séduisante, qui mise énormément sur les sonorités world et sur les artistes locaux (plus représentés que jamais cette année). Et si la programmation recoupe de plus en plus celles du FIJM et des FrancoFolies, on ne se lassera jamais du FEQ. En effet, aucun festival au Québec ne peut se vanter de posséder un site aussi exceptionnel et une organisation aussi conviviale.
Si la formule du macaron clignotant est unique et excellente, on peut mettre en doute la décision des organisateurs d’ouvrir le D’Auteuil, où l’on présente les concerts de fin de soirée gratuitement à tous les spectateurs munis du fameux macaron. Lors de certains shows, on pouvait voir à l’extérieur une queue tout au long de laquelle s’entassaient plus de gens que pouvait en contenir la salle déjà pleine. C’est ce qui est arrivé vendredi, alors que la homegirl Jorane présentait en grande première un tout nouveau spectacle. La salle débordait tellement qu’on s’est rabattus sur la terrasse de la Fourmi Atomik, en attendant le set des Jardiniers, qui sont en train de récolter les fruits de leur travail constant des derniers mois.
Samedi, on a aperçu l’élite du hip-hop montréalais (Latitude Nord, Sans Pression, Obscure Disorder, Muzion, Yvon Krevé) partageant la scène avec les Français de La Brigade, diablement efficaces. Cette "Connexion Hip-Hop", après voir connu quelques ratés à Montréal (voir critique de notre collègue Rose-Laure Météllus ci-contre), semble avoir eu plus de succès à Québec, même si, lors de la longue diatribe sur le quartier Saint-Michel de J. Kyll, de Muzion, on a senti que les headz de Québec perdaient de l’intérêt. Les différences culturelles se sont toutefois estompées lors de l’interprétation de La Vie ti-nèg, dont la foule, très blanche, a entonné avec enthousiasme le refrain créole.
Au même moment, Marc Déry se produisait sur la grande scène des Plaines d’Abraham. Si l’ex-Zébulon possède une sérieuse assurance sur scène, au point de s’amuser à modifier les arrangements de certaines de ses chansons, force est de constater que les pièces de son premier album solo passent beaucoup mieux dans l’intimité d’une salle. La veille, le groupe Grimskunk, à l’aise dans toutes les situations, avait mis le feu à la même scène, malgré la pluie. Un peu plus tard, toujours au même endroit, l’omniprésent duo Laurence Jalbert-Dan Bigras a fait bonne figure devant un public plus nombreux et plutôt familial.
En fin de soirée, samedi, on a eu droit à un doublé de groupes de la Vieille Capitale. Bien que leur pop énergique aux accents ska me laisse de glace, Vénus III a été absolument impeccable, et l’excellente chanteuse Vicky Martel a tout donné, suant à grosses gouttes. Il faut dire qu’on avait eu la mauvaise idée de couper la climatisation lors de leur spectacle, et le D’Auteuil s’est vite transformé en sauna. Leur set fut ponctué de deux reprises inusitées: It’s Oh So Quiet, de Björk (une réussite étonnante), et Red Red Wine, de UB40 (inutile). Pour clore la soirée, on a eu droit à un concert incompréhensible de One Ton, dont on attendait beaucoup plus. Après une entrée en scène théâtrale à souhait, où une espèce de chant arabo-indien accompagnait des breakdancers masqués, on a eu droit à une performance qui hésitait entre la pop à synthés des années 80 et l’euro disco le plus exécrable. Par moments, on avait l’impression d’entendre une sorte de croisement hard entre les Vengaboys et OMD! Lors de la conférence de presse bilan, le lendemain, tout était plus rose, et on nous confirmait que le Festival avait enregistré des hausses d’assistance considérables. Maintenant, si on pouvait imposer un moratoire qui limiterait la durée des festivals à une semaine, on pourrait souffler un peu! (Nicolas Tittley)

Miriam Makeba
Le 13 juillet, au Spectrum
Le Spectrum s’est levé comme un seul homme pour saluer l’entrée en scène de Miriam Makeba, et l’émotion sst restée palpable dans la salle jusqu’à la fin du show. Le festival Nuits d’Afrique a marqué un grand coup en ouvrant ainsi sa quatorzième édition par une exceptionnelle visite, car personne ne se souvient d’avoir vu un concert entier de Makeba à Montréal – mis à part ses furtives apparitions auprès de Hugh Masekela ou dans la tournée Graceland. Toujours bien en voix, à soixante-huit ans, la grande dame de Johannesburg qui sait encore le poids des mots nous a présenté avec humilité ses trois jeunes choristes (dont sa petite-fille orpheline) et son band panafricain animé par Patrick Neney aux claviers et un remarquable guitariste malgache, Solo Razafrindrakoto.
Le lendemain, au Kola Note, le pianiste cubain Omar Sosa a cassé la baraque, tel que prévu, et s’est imposé comme l’une des révélations les plus originales du moment. Puissamment inspiré, ce showman spectaculaire vêtu de blanc menait de manière admirable un quartette américain de très haut niveau avec la complicité d’un joker fou, le M.C. Will Power dont les interventions en spoken word mettaient en contexte et interpellaient sur scène les esprits mystiques de la santeria (le vaudou cubain) ainsi que ceux de Miles, et, surtout, de Monk, visiblement présent dans l’assistance. Un concert inoubliable et d’une exceptionnelle intensité. (Ralph Boncy)

La Brigade / Latitude Nord
12 juillet, Tokyo Bar
Plusieurs facteurs menaçaient la réussite de cette soirée. Pour n’en nommer que quelques-uns: certaines modifications au programme, plusieurs rumeurs d’annulation, et un transfert de salle à moins de 48 heures d’avis… Alors que tous ne juraient que par son échec, le spectacle double La Brigade / Latitude Nord (anciennement La Caravane Hip-Hop), présenté le mercredi 12 juillet dernier, s’en est tout de même bien sorti dans l’atmosphère intime du Tokyo Bar. On a eu l’occasion de voir nos artistes mettre le feu aux planches devant un public agité, moyennement nombreux, mais visiblement content d’être de la partie.
Tout d’abord, Latitude Nord, formation rap issue de la combinaison de Trez et El Winner, amorce l’affaire en nous offrant une prestation assez exceptionnelle. Question d’inaugurer leur entrée sur le marché, ces mercenaires n’ont pas hésité à nous donner le meilleur d’eux-mêmes, particulièrement sur le plan de l’interprétation de textes fichtrement bien écrits.
En ce qui concerne la formation française La Brigade, toute l’énergie y était, et il n’y avait absolument rien à leur reprocher quant à leur charisme, encore moins quant à leur enthousiasme face à un auditoire pour le moins stimulant. Bien que, pour un groupe qui semble insister sur la discipline et le sens de l’organisation, La Brigade paraissait, par moments, drôlement manquer de coordination. Quoique avec douze personnes sur les planches… On ne peut nier le fait qu’ils aient quand même brassé la baraque. Mais entre nous, disons qu’ils sont encore meilleurs sur CD.
La soirée s’est donc terminée en beauté, comme elle avait commencé, en faisant place à une session de freestyle (improvisation) au cours de laquelle plusieurs talents d’ici ont su nous en mettre plein la vue… ou plutôt, les tympans. (Rose-Laure Météllus)