Daniel Bélanger, Jean-Pierre Ferland, Michel Rivard
Le 27 juillet à la salle Wilfrid-Pelletier
En guise d’apéritif, les FrancoFolies ont ouvert une bonne bouteille, un grand cru, constitué de trois millésimes marquants de la chanson québécoise. Trois arômes bien distincts que nous avons pu déguster malgré l’odeur pestilentielle répandue dans la salle par de hargneux grévistes. Qu’à cela ne tienne, il y avait Daniel Bélanger, rare apparition pour le nouvel écrivain. Des trois compères, le talentueux trentenaire a certes la plus belle voix. Limpide, claire, allant du point A au point B sans détour. Visiblement coincé dans le jeu de la repartie et des mots d’esprit, il s’est tout de même (gentiment) vengé: «C’est drôle, on dirait que mes chansons sont les plus applaudies!» Et vlan! L’échange pince-sans-rire entre les trois a eu ses bons moments: Michel Rivard, interprétant l’Oubli en hommage à Claude Jutra; Ferland qui, à soixante-cinq balais, chante des perles comme Écoute pas ça et qui lance: «C’est agréable d’être le plus vieux, des fois»; et Bélanger qui, au jeu des interprétations, remporte les grands honneurs avec Maman, ton fils passe un mauvais moment de Ferland, et sa propre En mon bonheur. On peut se demander si l’on avait besoin d’inclure Le Phoque en Alaska, surenchère de bons sentiments inutiles, mais bon: voir ces trois-là ensemble était en soi un événement. (Claude Côté)
Arthur H
Le 27 juillet au Gesù
Arthur H a pris au pied de la lettre le titre de la série où on l’avait programmé: c’était en effet des Chansons intimes que l’homme nous a présentées. Seul derrière son piano à queue, tel un capitaine surréaliste à la barre d’un bateau ivre, Higelin junior nous a emmenés avec lui pour un bien joli voyage. À bord d’une Caravan, il nous a transporté dans les campings, où il a fait ses débuts de chanteur, puis il nous a entraînés Au casino (titre de l’une de ses nouvelle pièces, sur «le bonheur d’être riche»), et nous a fait vivre chaque virage de la folle équipée d’Un aveugle au volant. L’avantage d’être seul, c’est qu’on peut tout se permettre: lorsque les paroles de J’ai un revolver se sont perdues dans l’éther, Arthur s’est tout simplement arrêté. Pas de problème. Il s’est même farci le Bachi Bouzouk Band, sans band, et on en a redemandé; il nous a également lu un poème grivois de Maupassant qui a suscité autant de rires que de malaises. Drôle et émouvant jusque dans ses moindres (et nombreuses) fausses notes, Arthur H nous a prouvé qu’il n’avait besoin ni de décor ni de musiciens pour nous atteindre au coeur. Il est grand, ce petit homme. (Nicolas Tittley)
Muzion
Le 27 juillet au Spectrum
Une foule raisonnable s’était déplacée pour entendre la formation hip-hop Muzion; compte tenu du potentiel rassembleur et de la solidité de leurs textes et de leurs musiques, il faut avouer qu’on aurait préféré un parterre plus garni… Ayant suivi l’évolution du groupe depuis ses premiers agissements souterrains, il me semble que je n’avais jamais entendu des versions aussi lourdes et sombres de leurs morceaux, autre preuve que leur signature avec une multinationale n’a pas orienté leur son vers plus d’accessibilité. Tout comme ça n’a pas empêché Muzion de faire preuve d’humilité et de solidarité en laissant les micros, pendant un bon moment, à des représentants de la scène comme Le Connaisseur, Rainmen, et 2 Faces Le Gémeaux, entre autres. Ce concert intense en émotions et en revendications se termina cependant dans la fête avec une version totalement live de La Vi ti nèg. Comme quoi, même dans le hip-hop, la musique est au moins aussi importante que les mots. (Eric Parazelli)
Rachid Taha
Le 28 juillet au Métropolis
L’an dernier, Rachid Taha avait créé la commotion en terminant son spectacle ivre et presque nu. Moitié amusement, moitié malaise. Cette année, Rahid a titubé, mais il n’a jamais chaviré, et l’on se souviendra de lui pour son rock’n’raï généreusement envoyé. Totale satisfaction. L’univers Taha compte désormais trois volets, un de plus que lors de sa dernière visite. Les deux plus connus: traditionnels et rock, sont à la fois maîtrisés et pertinents; mais c’est le troisième, carrément électro, que l’on questionnera. Jusqu’ici l’artiste s’était surtout servi des influences modernes comme d’une simple épice au plat raï. Or, le quart d’heure techno servi au Métropolis n’avait pas grand élément nord-africain et arrivait un peu comme un cheveu sur la soupe. Un indice du prochain album? Souhaitons que non, les autres quatre-vingt-dix minutes proposaient une direction nettement plus concluante. Une très belle fête, néanmoins. (Patrick Marsolais)
WD-40 / Dionysos
Le 28 juillet au Spectrum
C’est qu’ils avaient tout un défi à relever, les gars de WD-40! Car il faut bien avouer que passer après la déflagration qu’a provoquée la formation française Dionysos ne devait pas être de tout repos… Dès le début du concert, Mathias Malzieu, le chanteur et guitariste du groupe rock hexagonal, s’est déchaîné en sons, en voix et en spasmes convulsifs, installant dès lors une énergie et une générosité qui ne se sont pas atténuées, et ce, jusqu’à la fin. Et ce n’est certainement pas sa blessure récente à la jambe qui allait l’empêcher de tout donner. Dans son article d’il y a deux semaine, mon collègue Nicolas Tittley avait été jusqu’à proposer Dionysos pour le titre de meilleur groupe français. À la fin de l’heure réglementaire, je n’ai pu que me rendre à l’évidence: voilà un groupe sur lequel il faudra désormais compter. Sans parler de l’accueil extrêmement chaleureux que leur a réservé la foule, ainsi que de la performance de la chanteuse, violoniste et claviériste Élisabeth Ferrer, véritable petite bombe de scène. Coup de coeur total!
Voilà peut-être ce qui explique qu’Alex Jones, leader de WD-40, ait été pus réservé qu’à l’habitude dans la première moitié d’une performance volontairement plus heavy que ne le laissaient deviner les influences country de leur dernier album, Aux frontières de l’asphalte. La bête s’est heureusement réveillée au bon moment, et le tout s’est terminé, selon la tradition, dans une apocalypse rock’n’roll des plus décadentes. Exutoire! (Eric Parazelli)
Daniel Boucher
Le 29 juillet sur la grande scène
Si l’environnement scénique, la mise en scène et les éclairages de la série de spectacles qu’avait donnés Daniel Boucher, au Théâtre Corona, étaient aussi impressionnants qu’imposants (pour ne pas dire un peu étouffants), il faisait bon voir l’homme dans d’autres circonstances, laissant plus de place à la spontanéité. C’est devant une foule enthousiaste et parsemée de fans conquis d’avance que Boucher a performé en toute simplicité, mettant la pédale douce sur ses penchants exhibitionnistes, pour se concentrer sur ses chansons et sur la communication avec le public, un art qu’il maîtrise de mieux en mieux d’ailleurs. Et si l’invitation faite à Éric Lapointe de venir le rejoindre sur scène le temps de deux chansons (dont une d’Elvis!) pouvait, au premier abord, sentir l’opportunisme, on s’est vite rendu compte de la complicité et du plaisir évident que ressentaient les deux hommes à être ensemble sur les mêmes planches. Il n’y a plus aucun doute possible: la conquête de Daniel Boucher ne fait que commencer! (Eric Parazelli)
Katerine
Le 30 juillet au Gesù
Dire qu’on attendait impatiemment le premier concert montréalais de Katerine relève de l’euphémisme. Un brin effacé mais décidément attachant, le chanteur vendéen s’est montré tel qu’en lui-même: parfois gauche et timide (ses présentations se terminaient presque toutes par des points de suspension) et laissant ses excellents musiciens prendre beaucoup de place. Et quels musiciens ! Ces habiles Recyclers ont valsé entre les réarrangement pour orchestre des morceaux dénudés de L’Homme à trois mains, et le côté plus funky des Créatures avec un réel bonheur. En duo avec une Valérie Lopez virtuelle (samplée et actionnée par Katerine aux moments opportuns), il nous a livré l’amusante et groovy Je vous emmerde, boule disco et pas de danse à l’appui. Les fans de longue date ont eu droit à quelques morceaux plus anciens: Le Jardin botanique, Mon coeur balance, Mon bel Andalou (qu’interprétait jadis sa soeur Bruno sur L’Éducation anglaise), mais surtout une relecture de Parlez-vous anglais Mr Katerine?, un autre duo homme-femme, pour lequel Philippe a choisi d’interpréter les deux registres. Drôle, étonnant, et fort bien reçu, si l’on en juge par l’accueil délirant du public. (Nicolas Tittley)
Les Rita Mitsouko
Le 30 juillet à L’Olympia
En lisant les excellentes critiques du show donné au Métropolis, on s’est mis à regretter de posséder des billets pour celui de l’Olympia. À coup sûr, se disait-on, la formule théâtre allait refroidir les ardeurs de tous et chacun… C’était sans compter sur les dieux de l’Olympe qui bousillèrent le système de climatisation, quelques heures avant le coup d’envoi… et sur Catherine Ringer, impériale comme elle ne l’a jamais été jusqu’ici.
Tendre et vulnérable, rugissante et aguichante, Ringer vieillit diablement bien. Nettement plus confiante qu’avant, la dame ne se complaît plus dans l’esbroufe, contrôle mieux sa voix et – présomption – semble plus heureuse que jamais de se retrouver sur scène. Elle nage sans problèmes apparents à travers la vaste étendue d’atmosphères imposée par Cool Frénésie, très grave sur C’était un homme, beaucoup plus frivole sur Allo! Tant la chanteuse que son complice Fred Chichin auront donné une grande leçon à tous ces jeunes groupes trop rapidement blasés. Généreux, moderne, curieux, le duo a simplement compris qu’à plus de trente dollars le billet, le spectateur méritait lerespect absolu. Le show de Daran vient de passer à la deuxième position des meilleurs spectacles de l’année…
(Patrick Marsolais)