Musique

Live à Montréal : Santana/Macy GraySummersault

Santana/Macy Gray
Le 8 août au Centre Molson

Résumer le show de Santana est facile: deux tubes, Smooth et Maria Maria. Bilan des dégâts: dix milles victimes, qui se sont ajoutées aux six mille habitués. On dira que c’est tant mieux pour Carlos Santana et qu’à cinquante-trois ans (cramponné à son mythe depuis vingt ans) c’est tout mérité. Mince argument. On dirait qu’on ne fait même plus la différence les vieux Cubains du Buena Vista Social Club, la pop de Mark Anthony ou les fesses de Jennifer Lopez. Maintenant, c’est au tour de Carlos Santana de bénéficier de la vague latino. On a donc élevé l’album Supernatural, un disque franchement ordinaire et sans personnalité (qui n’arrivera jamais à la semelle d’Abraxas ou de Caravanseraï), sur un piédestal. On a récompensé le fade et l’insipide. Malheureusement, c’était là l’essentiel du concert.

Pour n’avoir raté qu’un seul show du guitariste à la note qui fige en quinze ans, je peux affirmer que musicalement, c’était l’abîme. Mauvais chanteurs (quoique remplacer Rob Thomas n’est pas bien difficile), répertoire schizophrène (entre le rock d’aréna moche et les intros de guitare gitanes défraîchies), la longue peinture à numéros qui a précédé la fête convenue du rappel en a laissé plusieurs perplexes. Santana joue si peu, ne chante pas, laisse deux bouffons inconnus faire les guignols et les animateurs de foule. Plus effacé que ça… En première partie, considérant le bonheur exquis que nous a apporté son premier album On How Life Is, la soul sister Macy Gray était particulièrement attendue. Encore là, et ça m’arrache la gueule de vous le dire, vous n’avez rien manqué. La sono était atroce. Imperceptible. Perdue dans un honteux magma sonore, la voix sablonneuse de l’afro-américaine est passée dans le beurre. Cinquante minutes à jouer devant une salle à moitié vide, devant un mouvement incessant de gens qui dévalaient les escaliers, il est évident qu’on veut la revoir, et au plus vite. (Claude Côté)

Summersault
Le 12 août au parc Jean-Drapeau
Samedi dernier, par l’une des plus belles journées de l’été, quelques treize mille amateurs de musique alternative se sont massés au parc Jean-Drapeau pour assister à l’édition 2000 du Summersault. À mi-chemin entre l’exubérance du Warped Tour et la formule plus conventionnelle des mégatournées estivales, l’arrêt montréalais du Summersault, qui rassemblait, entre autres, A Perfect Circle, Eve 6, les Foo Fighters, Our Lady Peace et les Smashing Pumpkins, fut un franc succès.

La formation Eve 6, originaire de Los Angeles, fut la première à obtenir une réaction chaleureuse du public, peu démonstratif jusque-là. Le groupe a enchaîné les trésors radiophoniques que sont Inside out et autres Promises et a su séduire la foule qui n’a pas semblé trop dérangée par les interventions franchement antipathiques du chanteur Max Collins. Une des plus grandes surprises de la journée nous a été réservée par le quintette A Perfect Circle. Le groupe a offert une prestation réglée au quart de tour. Cohésion parfaite, textures musicales raffinées, boucles rythmiques minutieusement choisies: la démonstration était impeccable. Seul le caractère parfois hermétique et impénétrable des chansons pouvait poser un léger problème.

Ce fut ensuite au tour des Foo Fighters d’affronter le jugement d’un public conquis d’avance. Dave Grohl a su tirer son épingle du jeu en communiquant avec la foule comme bien peu savent le faire. Côté voix, les chansons plus douces du groupe ont permis à l’ex-Nirvana d’offrir quelques moments d’une surprenante beauté, alors que les morceaux rock faisaient plutôt place aux cris et à l’approximation. Le point culminant du spectacle fut atteint lorsque Grohl reprit sa place derrière les drums pour le temps d’une reprise de Have a Cigar, de Pink Floyd, tandis que le batteur Taylor Hawkins y allait d’une prestation vocale très convaincante. Après une assez longue attente, suivit la prestation la plus impressionnante de la soirée, soit celle de instigateurs du Summersault, Our Lady Peace. L’évolution du groupe en concert est remarquable. Le chanteur Raine Maida a pris beaucoup d’assurance et chante beaucoup mieux, osant même escalader dangereusement les abords de la scène pour entonner avec la foule l’un des nombreux refrains rassembleurs de la formation. La puissance évocatrice de chansons comme Is Anybody Home ou Clumsy, appuyée par le charisme de Maida, a ainsi conféré une certaine magie à la prestation du groupe.

Le Summersault servait également de tournée d’adieu aux Smashing Pumpkins, l’un des seuls survivants de l’ère grunge et l’un des plus importants groupes des années quatre-vingt-dix. Le leader du groupe, Billy Corgan, s’est encore permis un caprice de rock star en nous offrant presque exclusivement du matériel de son dernier album. Nous nous attendions à entendre Rocket, Disarm, Today et autres succès du groupe, mais jamais il n’a cédé aux demandes du public. De plus, les Smashings Pumpkins n’ont pas daigné offrir un rappel. Nous saluons avec respect les Pumpkins, même si un exemple aussi flagrant d’arrogance et d’entêtement ne peut que gâcher la fin de carrière d’un groupe qui apparaît plus que jamais comme incompris et isolé. (Charles Comeau)