Musique

Live à Montréal : Pearl JamAmon TobinThe Dandy Warhols

Pearl Jam
Au Centre Molson, le 4 octobre

Après avoir assisté au concert de Pearl Jam au Centre Molson, la semaine dernière, je suis lentement tombé dans les bras de Morphée avec, en guise de pyjama, un des quatre t-shirts de tournée achetés en 1993, lors du passage du groupe à l’auditorium de Verdun. C’est à peu près le seul usage que je réserve aujourd’hui à ces vestiges d’une autre époque, celle où Eddie Vedder incarnait à la perfection un idéal musical nouveau et symbolisait tant le désarroi que la lumière d’espoir habitant une génération tout entière de fans, envoûtés par la magie et la beauté de Ten, premier album de la formation.

Progressivement, à l’instar de plusieurs de ces admirateurs de la première heure, j’ai complètement décroché. Le show n’aura rien fait pour arranger les choses. Loin de moi l’idée de remettre en question le brio et l’excellence de ces musiciens aguerris; le problème était ailleurs. La grande majorité des pièces interprétées, provenant principalement du répertoire de Binaural et Yield, était d’une unidimensionnalité décevante et témoignait de la dérive du travail de composition du groupe depuis les sommets d’antan. Plus souvent qu’autrement, les guitaristes Stone Gossard et Mike McCready avaient les pieds cloués aux planches de la scène et l’enthousiasme était dur à déceler. Gossard passa d’ailleurs plusieurs longues minutes les bras croisés, à attendre qu’un technicien corrige les défaillances de son équipement, qui ponctuaient sans cesse la première heure du set. De plus, quelle tristesse de voir un parterre rempli de chaises, alors qu’à Verdun, les bouncers arrosaient la foule en liesse avec d’immenses boyaux d’incendie. On voit bien que le spectre de la récente tragédie danoise n’a pas fini de hanter le band.

Cependant, une seule chose n’avait pas changé: la voix d’Eddie Vedder. Toujours aussi vraie, toujours aussi ébranlante, chavirante. Lorsqu’il entamait State of Love and Trust, Even Flow, Animal ou même Wish List, on était transporté sept ans en arrière et Pearl Jam redevenait, pour quelques minutes, le meilleur groupe au monde. (Charles Comeau)

Amon Tobin
Au Cabaret, le 5 octobre
La première des deux représentations montréalaises d’Amon Tobin avait bien commencé jeudi soir dernier. DJ Ram a réchauffé la salle comme lui seul peut y parvenir, débutant par un set très varié qui a fait preuve encore une fois de toute sa sensibilité musicale. Il a enchaîné avec du drum’n’bass qui a totalement conquis la foule surexcitée. Bien que plus rythmé qu’à l’habitude, le set de David Kristian a par la suite détruit tout le travail de son prédécesseur, laissant à Tobin le pensum de réchauffer de nouveau le public. Kristian est un artiste minimaliste exceptionnel et les rares personnes qui lui ont porté attention jeudi s’en sont rendu compte. Mais la programmation prévue pour la soirée ne l’a simplement pas mis en valeur. Toujours aussi figé derrière les tables, Tobin s’est ensuite affairé aux platines, le sourire en coin. Après un départ difficile et quelques mix pratiquement ratés, il a pris la voie d’un drum’n’bass percussif et intelligent. D.J. très moyen, il a enchaîné les pièces avec une technique ordinaire, mais a su séduire par ses sélections musicales impressionnantes. Sa musique s’empare de notre corps et nous propulse dans un état second où la pertinence du rythme et la nouveauté des sons permettent de nous défouler complètement. Il n’a malheureusement pas pu totalement accomplir sa tâche puisque l’espace y était restreint. Peut-être suis-je trop habitué aux clubs, mais si un D.J. ne se donne pas en spectacle, il faudrait au moins que le public ne soit pas entassé et qu’il puisse danser à son aise… (Étienne Côté-Paluck)

The Dandy Warhols
Au Club Soda, le 9 octobre
En ce frisquet lundi de l’Action de grâce, on comptait beaucoup sur les Dandy Warhols pour injecter une salvatrice dose de sex, drugs & rock’n’roll à nos corps transis. Malheureusement, le show des Dandy manquait terriblement de sexe et, dans une moindre mesure, de rock’n’roll. Le sexe, d’abord: la nonchalance étudiée de la claviériste Zia McCabe et le regard absent du chanteur Courtney Taylor-Taylor nous ont fait regretter la joyeuse époque où ils se laissaient aller à leurs penchants naturistes. Quant au rock, malgré le volume élevé, le groupe s’est surtout concentré sur l’aspect psychédélique et lancinant de son répertoire, nous rappelant que Spiritualized fut une influence marquante à leurs débuts. Pas de mal à ça, mais leur performance fut également avare de hits (on a quand même eu droit à Minnesoter et à Bohemian Like You, mais pas à Not if You Were the Last Junkie on Earth), ce qui a contribué à refroidir l’atmosphère. Pour ce qui est de l’aspect drugs de l’équation, pas de problème: Taylor-Taylor a d’ailleurs avoué sur scène avoir goûté aux effluves de l’herbe locale dont on lui vantait les mérites depuis longtemps. L’effet anesthésiant de la plante semblait s’être propagé à travers le public, puisqu’un bref regard à la ronde n’a révélé que quelques têtes ondulant mollement et des yeux hagards perdus dans la contemplation des projections psychédéliques. Est-ce la faute de la poule ou de l’oeuf? Le public était-il apathique à cause de la performance des Dandy ou vice versa? Dommage, parce que les chansons sont là, et toujours fort bien exécutées; elles manquaient juste un peu de punch. Règle générale, les Dandy s’estiment trop cool pour les rappels; mais dans sa grande magnanimité, Courtney a consenti à offrir au public local un petit morceau acoustique en solo, accompagné d’un boniment: «Vous, les Canadiens, vous êtes vraiment des gens intelligents et polis.» C’était justement là le problème de ce show: intelligent et poli, alors qu’on aurait préféré un peu de stupre et de saleté. (Nicolas Tittley)