

Stephen Faulkner : Halo lumineux
On n’avait pas eu de nouvelles de STEPHEN FAULKNER depuis Caboose, en 1992. Voilà qu’il est finalement de retour avec Tessons d’auréole, un disque moins country, qui laisse une belle place aux chansons. Un virage salutaire, selon le principal intéressé…
Claude Côté
Ainsi, on a attendu huit ans Tessons d’auréole, le nouveau disque de Stephen Faulkner. Vous étiez en manque? Pas du musicien country, espérons-le, puisque ce dernier s’est forgé une identité nouvelle, teintée de swing, de jazz et de chanson. Pour Faulkner, c’était quasiment salutaire. On pourrait faire la nomenclature des activités du chanteur depuis Caboose, n’en demeure pas moins qu’il dévoile, avec ce dernier album, paru plus tôt cette année, une autre vérité: la chanson (qu’il a toujours gardée dans sa mire) lui va comme un gant.
On peut, sans se tromper, parler d’un virage. Faulkner l’admet, presque soulagé: "Quand j’ai vu la vague country arriver au Québec telle la cavalerie, je me suis sauvé dans la direction opposée". Allusion directe aux Ours, à Mara, aux Cowboys Fringants, qui ne sont aucunement tenus en aversion par le principal intéressé, mais l’effet mode…
"J’ai tiré la chaîne avec le passé. Il n’y a presque plus de country dans ce que je fais. C’est une décision qui s’est prise pendant l’enregistrement du disque. Remarque, il aurait pu y en avoir aussi, mais cela aurait trop ressemblé à Caboose. Sur le canevas initial, il manque deux chansons: une écrite avec Richard Desjardins qui s’intitule Cow-boy de ville, un peu à la manière de la chanson The Weight (The Band), mais bien sûr, l’ACV de William Dunker (Fabuleux Élégants) a tout foutu en l’air. Je me suis alors rabattu sur mon plan B, qui impliquait moins de musiciens. Mais ce sont les mêmes chansons! Si j’avais mis de la pedal-steel sur Étoile vagabonde, le monde aurait dit: ben oui! c’est le son à Faulkner."
Tessons d’auréole est donc plus ordonné, plus assis, diront les musiciens. Les chansons s’emboîtent les unes dans les autres avec facilité: voilà un disque de chanson qui swingue, c’est sûr, mais qui n’atténue en rien l’irrévérence notoire de son protagoniste: "Il s’agit d’un digne successeur de Caboose; ces deux albums-là, ils sont un peu comme Saturne et Uranus, deux grosses planètes voisines. Ce sont mes deux plus gros efforts poétiques."
Son enthousiasme est facilement palpable quand on lui parle de cette nouvelle tangente. "Absolument, acquiesce-t-il, et c’est là que je poursuis mon chemin. Pis directement, à part ça. Je ne pense pas faire de country avant un sacré bout de temps. Encore moins du rock’n’roll. Je veux bien essayer autre chose; mais la priorité, c’est d’écrire des textes."
Et cette version inspirée de J’me voyais déjà , d’Aznavour? "Une des plus belles chansons sur le métier jamais écrites. Pour moi, la chanson, ce n’est pas de la tragédie grecque. Le jazz te permet plus de proximité avec ton texte. Avec le rock’n’roll, ça te met dans une position où il faut hurler des choses, être revanchard. J’ai maintenant 46 ans, j’en ai plus 22. J’ai de plus en plus envie de chanter sur les femmes, sur l’amour, sur le romantisme."
Autobiographique, Tessons d’auréole? "Il y a toujours de l’autobiographie dans mes chansons. Même la chanson Les Briquets, c’est une expérience vécue. Tessons d’auréole, c’est la chute de la virginité, ta couronne ou ton auréole tombe et se fragmente en mille morceaux. T’as péché un peu, t’es plus un saint. En tout cas, le monde a l’air de l’aimer ce flash-là, je suis content."
Faulkner s’allume une Camel sans filtre. Le briquet claque en se refermant: "Auparavant, je m’embarquais en studio dans des arrangements que je n’étais pas capable de reproduire en concert. Sur scène, je veux vraiment refaire le disque; mais, comme pianiste, je ne suis pas assez compétent pour assumer du début à la fin. J’ai mes limites, hostie! C’est fatigant de faire tous les solos des deux sets de 50 minutes."
C’est pourquoi Faulkner a chambardé tout son personnel. Pour ses trois soirs au Cabaret, il a choisi pour accompagnement la gang (jazz-funk) de Whipped Cream, sans le saxophoniste François d’Amours: Frédéric Darveau à la contrebasse, Thuryn Von Pranke (Faulkner m’apprend qu’il est le fils du jazzman Red Mitchell!) qui, lui, jouera de la B-3 et du piano lorsque Faulkner sera à la guitare, Francis Fillion à la batterie et Alain Bertrand à la guitare électrique.
"C’est rendu, termine-t-il, que je fais Café Rimbaud sans piano et aussi Vesoul de Jacques Brel." Au sujet de l’escalade de mots que comporte la difficile Vesoul, il travaille dessus: "J’espère que je vais l’avoir!" Sans hésiter, il commence à la fredonner: "T’as voulu voir Paris, et on a vu Paris; t’as voulu voir Dutronc, et on a vu Dutronc, et ainsi de suite. En tout cas, conclut-il, il faut que je la pratique. J’aime ça, m’attaquer à des morceaux difficiles. Après ça, je ferai La Danse à Saint-Dilon…"
Les 16, 17 et 18 novembre
Au Cabaret
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