

Bet.e & Stef : Show devant
Bet.e & Stef , c’est une voix et une guitare. Du jazz et de la bossa-nova. Un duo montréalais qui, en six ans, a connu une formidable ascension dans le milieu et qui se retrouve aujourd’hui, avec sa musique chaude et savoureuse, à la veille d’une carrière internationale. Quand le Brésil habite le Québec.
Nicolas Houle
Photo : Tshi
Elle, c’est Bet.e. Prononcez Betty. Elle a un penchant pour les longues robes, elle a une voix chaude, très soul, des airs de diva qu’elle assume pleinement et il lui arrive de jouer des percussions, entre deux déhanchements. Ne tentez pas de savoir son vrai nom, elle préfère le garder secret. Sachez tout de même que le petit "e", c’est pour lui rappeler justement son vrai nom, pour garder son ego tout petit et pour bien illustrer l’extase qu’elle éprouve lorsqu’elle chante la bossa-nova. Lui, c’est Stef. Et, vous vous en doutez, ce n’est pas le diminutif de Roger. C’est Stef parce que c’est plus court, mais aussi parce que ça dégage un certain leadership. On le reconnaît à son jeu de guitare, intelligent et sensible, qui sait naviguer autant dans les eaux du jazz que dans celles de la bossa-nova. À sa voix aussi, qu’il n’hésite pas à mettre de l’avant quand les chansons l’ordonnent.
La bossa de Notre-Dame
Si vous êtes de ceux qui se posent la question si le duo forme un couple autrement que sur scène, sachez que non. Or, c’est tout de même une série d’histoires d’amour qui a uni les deux comparses. Amour de la musique, bien sûr, Bet.e et Stef s’y étant baignés très tôt, mais aussi amour tout court puisque c’est en s’éprenant de l’une des deux sours de Bet.e que Stef a rencontré celle avec laquelle il fait carrière aujourd’hui.
Parti en France durant quatre années afin de parfaire ses talents de guitariste, d’arrangeur et de jazzman, Stef est revenu de son périple enivré des rythmes du Brésil, d’une bossa-nova langoureuse qu’il a apprise auprès de talentueux musiciens sud-américains. À son retour en 1995, il a partagé sa passion avec Bet.e. "C’est Stef qui m’a fait découvrir la bossa-nova et j’ai tout de suite adoré, confie la chanteuse. Puis, j’ai eu une de mes sours qui s’est mariée. Elle aimait bien cette musique et elle nous a demandé de faire une chanson ensemble. Ça a été notre première collaboration."
Il n’en faudra guère plus pour lancer les deux comparses. De bouche à oreille, leur nom s’est mis à circuler. On s’est intéressé à eux et eux se sont de plus en plus intéressés à ce qui est devenu leur métier. Ils ont fouillé dans le répertoire brésilien, ont appris la langue et ont enregistré quelques pièces qu’ils ont gravées sur un disque éponyme, autoproduit, qui à ce jour s’est écoulé à près de 15 000 exemplaires sans la moindre promotion ou distribution, un joli tour de force.
La bosse de la musique
Transportant leur musique de scène en scène, Bet.e et Stef se sont peu à peu constitué un solide répertoire où les airs les plus connus des Antonio Carlos Jobim, Ellis Regina ou João Gilberto côtoient ceux parfois plus obscurs des Toquino et Vinicius de Moraes. Ils ont appris à laisser une large place à l’improvisation, se lançant des défis avec certaines pièces comme Fever afin qu’elles ne soient jamais semblables d’une prestation à l’autre. Puis, un à un, d’autres musiciens ont joint Bet.e & Stef sur scène, venant enrichir le son du duo sans jamais le dénaturer. "On a joué en duo pendant un an et demi avant qu’on se sente prêt à ajouter un autre instrument, raconte Bet.e. On voulait vraiment faire parler la musique et pouvoir comprendre ce qui s’y passait, autrement, ç’aurait été le chaos total. Il peut y avoir parfois cinq ou six rythmes dans les chansons en plus de la mélodie!"
C’est ainsi que le petit duo est devenu grand. Bet.e & Stef compte maintenant quatre musiciens additionnels, parmi les plus respectés au Québec: Richard Provençal à la batterie, Dany Roy au saxophone, Michel Dupire aux percussions et Frédéric Darvaux à la contrebasse. Le duo a quitté les salles anonymes pour s’offrir les scènes prestigieuses du Festival d’été et du Festival de jazz, a ouvert pour Holly Cole à maintes occasions et vient tout juste de livrer sa première série de spectacles en Ontario. La bossa-nova que ni Bet.e, ni Stef ne connaissaient il y a à peine 10 ans est devenue le centre de leur vie et au fur et à mesure qu’ils ont apprivoisé le genre et l’ont fait leur en le teintant de jazz, de soul, de rock et de R&B, ils sont devenus la coqueluche des amateurs de jazz et de rythmes brésiliens. "À partir du moment où tu as une connexion sur un style, il faut te mettre dans le bain et l’écouter, croit Stef. On a assimilé une culture, mais c’est sûr que l’on ne jouera jamais comme des Brésiliens."
"Et on n’essaye pas d’être des Brésiliens non plus, poursuit Bet.e. La bossa-nova, ça résonne avec une partie de nous qui est très vraie. C’est une musique qui sert très bien nos personnalités. Il y a toujours de la tristesse et de la joie en même temps, il y a une rondeur, une sensualité et une façon de voir les choses qui est très intense en même temps que très légère…"
Des chiffres et des notes
Cette belle ascension dans le dur milieu de la musique, Bet.e et Stef peuvent se targuer de ne la devoir qu’à eux-mêmes. Dès leurs débuts, ils se sont efforcés de comprendre les rouages parfois complexes de cette drôle d’industrie qu’est le showbizz. Ils ont tour à tour joué les rôles de musicien et d’arrangeur bien sûr, mais aussi de producteur, de gérant et de promoteur. Aussi, lorsqu’ils ont été approchés par des petites et moyennes étiquettes de disques ces dernières années, un bref coup d’oil à leurs finances leur faisait voir à quel point il était préférable pour eux de demeurer indépendants, de continuer à vendre leurs albums au Japon, au Brésil ou même en Australie grâce à leur site Web (www.bet-e-and-stef.com) et de diriger leur carrière à partir de leur cellulaire ou de leur petit bureau, sis à Montréal.
Il semble qu’ils récoltent aujourd’hui le fruit de leur patience. Dans les coulisses, on murmure qu’ils sont en négociation avec une maison de disques d’envergure internationale. Sans nier que de grosses choses s’en viennent, le duo n’officialise rien pour autant. C’est que pour Bet.e & Stef, rien ne presse. Il est préférable de prendre son temps pour bien réussir l’album que tous attendent avec impatience et pour conclure une entente avec les bonnes personnes: "Quand tu fais ça de A à Z et que tu t’y dévoues corps et âme, tu n’es pas prêt à laisser ta carrière à des gens dont tu n’es même pas certain de savoir s’ils s’occuperont bien de toi, explique Bet.e. Alors, on passe le flambeau petit à petit. Ça fait six mois que l’on travaille avec un gérant [le même qu’Holly Cole], mais on n’a même pas encore signé avec lui. On veut être sûr de ce que l’on fait."
Pour le duo, le côté business revêt une importance telle qu’il explique en grande partie pourquoi l’écriture de musique originale n’a pas été sa priorité ces dernières années, le tandem préférant mettre son énergie à ce que leur entreprise musicale soit viable. "On ne se l’est jamais caché, la business, c’est très important, explique Stef. Pour le genre de musique que l’on fait, le marché n’est pas seulement au Québec; il faut aller ailleurs. Il fallait donc s’attirer une équipe qui soit capable de travailler au niveau international. C’est sûr que ça a pu prendre plus de temps, mais c’est correct, on n’a jamais trouvé que ça n’avançait pas assez rapidement."
La business est peut-être fort importante pour Bet.e & Stef, mais les spectacles le sont davantage, car c’est sur scène que les deux acolytes ont le plus de plaisir. Ils se disent d’ailleurs fort anxieux de revenir à Québec, l’une de leurs villes favorites. Et puisqu’il n’est jamais question de chômer pour eux, ils s’apprêtent à métisser leur musique brésilienne davantage, aux couleurs de Cuba cette fois, sans doute une nouvelle étape dans leur bref, mais riche cheminement: "On vient de tomber dans l’afro-cubain, raconte Stef. On tripe sur tout ce qui est Buena Vista Social Club. Ça va s’intégrer à ce que l’on fait. On ne va pas faire du cubain pur, mais on va aller chercher des rythmes, des ambiances, peut-être des textes en espagnol. Tout ce qui nous fait triper, on intègre ça à la sauce Bet.e & Stef!"
Le 15 décembre
Au D’Auteuil