

Live à Montréal : The Offspring/Cypress Hill/MxPx Godspeed You Black Emperor!/Calla Enon/Mishima/The Marato
C. Comeau, N.Tittley
The Offspring/Cypress Hill/MxPx
Le 6 décembre au Centre Molson
Pour avoir vu, à maintes reprises, Offspring en prestation au petit écran, on savait depuis longtemps que les membres du quatuor californien étaient assez loin du statut de virtuoses. Il faut cependant avouer que la télévision est un médium absolument impitoyable, qui ne donne pas droit à la moindre erreur, et que, à l’opposé, les conditions prévalant dans un show d’aréna comme celui de mercredi dernier, au Centre Molson, sont beaucoup plus favorables à ce genre de groupe. Ainsi, grâce à un système de son des plus puissants et à l’immensité des lieux, les carences musicales disparaissent comme par magie et le résultat devient, du même coup, assez efficace. Car la véritable force d’Offspring est ailleurs que dans le talent musical brut. Elle se trouve dans des chansons mémorables comme Self Esteem, Come out and Play, The Kids Aren’t Alright et autres Want You Bad, véritables hymnes pop-punk qui semblent conçus expressément pour être chantés à pleins poumons par une armée de jeunes fans. Des éclairages spectaculaires et un décor imposant ajoutaient à toute l’exubérance créée par une setlist débordant de hits.On retrouvait un niveau d’énergie presque aussi élevé pour Cypress Hill qui, à l’image de son plus récent disque Skull & Bones, a livré un concert parfaitement divisé entre hip-hop planant et rap-métal corrosif. Malgré le caractère légèrement opportuniste de l’affaire, on ne pouvait s’empêcher d’être impressionné par l’habileté du groupe, depuis ses tout débuts, à transcender les formats musicaux et à réussir un crossover remarquable, rejoignant du même coup un auditoire des plus hétéroclites. En première partie, MxPx, fidèle à son habitude, a probablement donné la meilleure performance musicale de la soirée dans un Centre Molson presque vide. Une véritable honte considérant la qualité exceptionnelle de ce spectacle. (Charles Comeau)
Godspeed You Black Emperor!/Calla
Le 10 décembre au Théâtre Olympia
C’était la grand-messe dimanche, alors que les neuf musiciens du collectif Godspeed You Black Emperor! (probablement l’exportation montréalaise la plus significative du moment, n’en déplaise à Lynda Lemay) conviaient leurs fidèles à une soirée de bruit glorieux et enveloppant. Avis à ceux qui en douteraient: le phénomène Godspeed est bien réel, et n’a rien d’une enflure médiatique. Vous connaissez beaucoup de groupes montréalais qui arrivent à remplir une salle de cette envergure (environ 1300 places) sans publicité?
En lever de rideau, Calla, groupe que l’on pourrait qualifier de slow-core, plutôt porté sur les paysages atmosphériques que sur les refrains accrocheurs, a installé l’ambiance à l’aide de percussions électroniques et d’une guitare dont le twang rappelait parfois les accents désertiques de Calexico. Puis, Godspeed est apparu. Deux des guitaristes de l’ensemble, Efrim (en anglais) et Roger (en français), sont venus nous rappeler que le concert servait à amasser des fonds pour CLAC (Convergence des luttes anti-capitalistes) et ont énoncé, à la manière de terroristes, leurs "demandes". Il y avait quelque chose d’à la fois terriblement beau et incroyablement naïf dans ces déclarations, où le groupe réclamait l’abolition de la police, la disparition de tous les gouvernements, la mort du gros capital mondial, et, surtout, l’instauration immédiate d’un État autonome montréalais. Ensuite, les bouches se sont tues et les cordes ont rugi. Hormis les échantillonnages de voix (celle de Blaise Bailey Finnegan III, le poète de rue maniaque d’armes à feu de Slow Riot for New Zero Kanada, ou celles, plus réjouissantes, des enfants de Lift yr. Skinny Fists), on n’entendit plus un mot. La déferlante Godspeed n’a que faire de vaines paroles; elle s’appuie sur d’imparables crescendos quasi wagnériens dont la force et le volume sont décuplés sur scène. Certains verront dans cette intensité un défaut et regretteront la subtilité de leurs productions discographiques, mais c’est sur scène que Godspeed déploie toute sa force. Le barrage incessant des trois guitares – indépendantes et complémentaires -, le vrombissement des deux basses, le roulement presque martial des batteries et les motifs entêtants du violoncelle et du violon ont convergé en un implacable mur de bruit. Les neuf musiciens s’effacent immédiatement au profit du collectif et la déferlante engloutit aussi le public. Après deux heures de transe, le discours utopique du début semblait s’être concrétisé. La république du Théâtre Olympia était née en même temps que son hymne national. (Nicolas Tittley)
Enon/Mishima/The Marato
Le 11 décembre au Jailhouse
Bravant la neige et la forte possibilité de me coucher très tard (au Jailhouse, les shows commencent rarement avant 22 h 30), je me suis dirigé, lundi, coin Clark et Mont-Royal pour aller à la rencontre du groupe américain Enon. Totalement inconnue (de votre humble serviteur, du moins), la formation avait de quoi intriguer, puisqu’elle réunit des anciens membres de Brainiac et de Skeleton Key. La soirée a débuté correctement avec The Marato, formation d’Ottawa aux accents "math rock". De bons moments, surtout dans les pièces instrumentales, mais leur bassiste devrait renoncer à tout jamais à se prendre pour un chanteur. Le groupe avait emmené un bon contingent de fans d’outre-Gatineau, et ceux-ci ont passé le reste de la soirée à placoter bruyamment, particulièrement durant la performance des Montréalais de Mishima. Récipiendaires du prix du "secret le mieux gardé" au dernier gala des MIMI’s, ces adeptes du rock à synthés britannique des années 80 ont connu de meilleures soirées, et l’énergie du chanteur Rory s’est vite estompée dans un informe magma sonore. Mishima n’étaient pas à leur meilleur, certes, mais ils méritaient certainement une attention plus soutenue de la part du public, dont l’apathie et l’indifférence avaient quelque chose de carrément insultant. Il faut dire qu’on ne les a pas aidés: se plaindre, pour une énième fois, de la triste sono du Jailhouse équivaudrait à pisser dans un violon, mais il est impossible de passer sous silence l’incurie du "gars de son" (ce type ne mérite pas le titre d’ingénieur) de l’endroit. Trop stone ou trop sourd, le type ne s’est même pas rendu compte que le concert d’Enon venait de commencer (pas plus qu’il ne s’était rendu compte, cinq minutes plus tôt, que le disque qu’il passait sautait depuis trente secondes). Dans ces conditions, difficile de goûter à quoi que ce soit. Le public, carrément amorphe, s’est à peine secoué pour accueillir les New-Yorkais, pourtant pas sans mérites. Le chanteur, croisement entre Mark E. Smith (The Fall) et Beck (dont il imite à merveille les pas de danse), a bien tenté de provoquer des étincelles avec sa pop dadaïste et déjantée où guitares et claviers cheap empruntent d’étonnants détours. On comprend maintenant les comparaisons avec les bizarres Olivia Tremor Control; Enon a apporté un grain de folie bienvenu dans cette soirée plutôt terne… (Nicolas Tittley)