Diane Dufresne : Rebelle de jour
Musique

Diane Dufresne : Rebelle de jour

Après une série de spectacles intimistes, DIANE DUFRESNE, femme des extrêmes, revient les 25 et 26 janvier au Grand Théâtre présenter, en compagnie de l’OSQ, Couleurs symphoniques, un spectacle grandiose. Émotions et extravagance seront au rendez-vous.

Couleurs symphoniques

marque un tournant important dans la carrière de Diane Dufresne. Le spectacle au titre évocateur rappelle les préoccupations qui animent désormais la chanteuse. Diane Dufresne accorde effectivement de plus en plus d’importance à sa carrière de peintre, comme en témoignent les expositions qu’elle présente actuellement à Montréal et à New York. Pour l’artiste, chanter et peindre sont deux métiers qui s’accordent très mal: "Chanter, c’est la prison; peindre, c’est la liberté. Quand je peins, personne ne me regarde; c’est pour ça que je parle de liberté. Les deux ne se marient pas tellement", lance Diane Dufresne, rencontrée un frileux après-midi de décembre que le soleil réchauffe timidement.

Couleurs symphoniques, par son concept, séduit pourtant et la chanteuse et la peintre. D’abord parce que Diane Dufresne travaille avec Gilles Ouellet, un créateur à qui elle accorde toute sa confiance, ensuite parce que travailler avec l’Orchestre symphonique de Québec – c’est-à-dire avec près de 65 musiciens sur scène – représente une extraordinaire palette de couleurs propice à un traitement fabuleux pour la sonorité de ses chansons. Diane Dufresne et Gilles Ouellet se sont connus en 1988 lorsqu’ils avaient créé le spectacle Symphonique n’roll présenté au Colisée de Québec. Diane Dufresne insiste sur le talent de créateur de Gilles Ouellet qui fera les orchestrations de ses incontournables succès. "Comme le dit mon mari Richard Langevin: "Ça me rassure de voir des gens comme Gilles qui, dans leur tête, peuvent inventer toute cette musique. Il y a des gens qui font la guerre, d’autres qui inventent la beauté.""

Un spectacle haut en couleur
Diane Dufresne n’a pas voulu dévoiler le titre des chansons qu’elle interprètera lors du spectacle; pour ne pas vendre la mèche, mais surtout, précise-t-elle, "parce que ça appartient au public." Il est certain cependant que l’émotion qu’elle seule sait livrer sera au rendez-vous et que ses "remerciements symphoniques" envers son public seront inoubliables. La Diva réserve à l’auditoire de nombreuses surprises. Sur scène, les arts visuels s’intègreront au spectacle puisqu’on pourra apercevoir quelques-uns de ses tableaux. Des créateurs viendront de surcroît parfaire l’ensemble: Richard Langevin, Éric Villeneuve, et les éclairagistes. Mme Dufresne insiste pour dire que le spectacle est l’oeuvre de tous ces gens: "Je fournis les points de repère et les autres créateurs font le reste. C’est un travail d’équipe."

Une longue carrière
Il va sans dire que Diane Dufresne a l’expérience du métier. Sa carrière fulgurante débute de façon particulière à la fin des années 60 alors qu’elle interprète d’une voix timide, loin des cris qu’elle poussera plus tard, des chansons de Vigneault, Léveillée, Létourneau, Barbara, Anne Sylvestre. Viendront ensuite les chansons thèmes des films de la vague soft-porn au Québec: Valérie, L’Initiation, L’Amour humain et autres du même acabit. Après avoir assisté à un spectacle incandescent de Janis Joplin au Forum de Montréal, Diane Dufresne sort enfin de sa coquille: Tiens-toé ben, elle arrive! La présentation de la suite n’est plus à faire puisque tous se souviennent des grands succès de la vedette devenue diva, de son spectacle présenté au Forum de Montréal. Elle a relevé tant de défis, la petite Québécoise, que Bruno Coquatrix, directeur de l’Olympia à Paris, déclare: "C’est la meilleure chanteuse du monde!" Les Français viennent d’ailleurs de lui accorder cette année le titre d’Officier des arts et des lettres pour sa contribution internationale à la diffusion de la chanson française.

Les disques Détournement majeur, éponyme (1997) et Merci, paru l’an dernier, témoignent d’une nouvelle dimension créatrice de Diane Dufresne: l’écriture. Après avoir longtemps interprété les chansons de Luc Plamondon, Diane Dufresne a voulu livrer les secrets de son coeur. Son répertoire, au bout du compte, est très varié. Diane Dufresne, pour sa part, confie maintenant que sa capacité à interpréter autant de styles, sa versatilité, lui viennent "parce que ça me motive, parce que je suis sûrement plusieurs aussi. J’ai plusieurs caractères. Alors je pense que ça correspond à ce que je suis".

La marginalité
Le trait d’union entre tous ses succès est certainement la marginalité, comme elle le confirme: "C’est vrai que j’ai toujours touché aux thèmes que d’autres ne voulaient pas toucher. Chanter J’vieillis, chanter la mort, ça fait peur à tous les gens. On doit toujours montrer qu’on est beau, qu’on est fin, qu’on vieillit pas. Moi, je vieillis et je suis très contente de vieillir; ça me permet de faire tout ce que je n’ai pas pu faire quand j’étais plus jeune."

Diane Dufresne paraît avoir toujours précédé les modes ou, tout simplement, évolué au-dessus des courants. Mais elle ne croit pas qu’une quelconque clairvoyance l’ait poussée à pratiquer son métier tel qu’elle l’a fait. Elle ignore ce qui l’a poussée à adopter sa propre trajectoire: "Je ne m’en suis pas rendue compte du tout. J’ai toujours dit qu’il faut faire ce qu’on a à faire dans la vie. Moi, je fais les choses qui me motivent, tout simplement. Je n’essaie pas de suivre certains courants; je ne fais pas partie de ces courants-là. C’est vrai que je suis en dehors. Je travaille pour le public. Je ne considère pas mon oeuvre comme un produit. Pour moi, c’est le public qui compte."

La création ou le commerce
D’après Mme Dufresne, il existe deux façons d’envisager le métier de chanteur ou d’interprète: envisager le chant comme un acte de création ou comme un produit de commerce. À son avis, les chanteurs n’exercent plus le métier comme avant, comme à l’époque de Juliette Gréco par exemple, où il existait une théâtralité de la chanson. "Gréco est encore là, et elle fait encore son métier de cette manière-là. Nougaro aussi. Mais il y a d’autres pointures avec les jeunes. Les jeunes chantent merveilleusement bien pourtant. J’en ai discuté avec eux quelquefois. Ils ne savent pas s’ils veulent plaire aux médias ou plaire au public. S’ils essaient de plaire aux médias, ils tofferont pas longtemps. Le métier de chanteur, c’est un métier de toute une vie."

Le public occupe en effet une place prépondérante pour Diane Dufresne. Le rôle de ce dernier est essentiel pour la chanteuse. "Les gens ne se rendent pas compte qu’ils ont beaucoup de talent. Ils ont trop d’humilité. Les chanteurs n’existent pas sans le public. Être un artiste, c’est plus qu’être un chanteur. Il y a des artistes partout, autant chez les journalistes que chez une personne qui fait le ménage dans une maison. Être un artiste, c’est d’abord une attitude."

Un essai au cinéma
Diane Dufresne participait récemment au tournage d’un long métrage avec le réalisateur Francis Leclerc: Le Dernier Accord de Marthe. Elle tient le rôle de Mme Hilary, un professeur de piano au sale caractère. Bien qu’elle ait apprécié l’expérience, Diane Dufresne ne manifeste pas réellement d’enthousiasme pour le métier d’actrice. "On pense que j’ai une personnalité qui se prête bien au cinéma, mais je suis interprète dans la musique, c’est-à-dire dans un certain cadre qui n’est pas celui du cinéma." Cela rejoint ce qu’elle considère comme le véritable métier de chanteur. Ses grands succès, Le Parc Belmont ou Oxygène, par exemple, ont un côté théâtral; chacun porte en lui une petite histoire, ce qui n’est pas toujours le cas pour les chansons actuelles. "Maintenant, on n’interprète plus, on chante des chansons, ce qui est bien, mais c’est une autre histoire. Chaque chanson doit posséder sa couleur, son environnement."

Un répertoire à caractère féministe
Le public de Diane Dufresne lui a toujours été très fidèle. Certaines personnes ont même confié à la chanteuse qu’elle avait transformé le cours de leur existence, des femmes surtout. Il est certain qu’à travers les oeuvres de Plamondon, elle a défendu certaines causes à caractère féministe puisque les textes montrent une femme libérée des carcans ancestraux (L’Homme de ma vie, Oxygène, Une fille funky, etc.). La chanteuse affirme: "Je ne sais pas si j’ai aidé l’émancipation des femmes. Je suis quelqu’un de très sauvage qui n’est pas très sociable. Mais quand je sors, j’en rencontre qui me disent des choses qui me surprennent. Un jour que j’accompagnais quelqu’un à l’hôpital, une infirmière m’a dit: "Vous savez pas tout ce que vous avez fait pour moi." Je n’en reviens pas. Tant mieux si je peux aider les femmes. J’aimerais aider les femmes, les enfants, les pompiers, ajoute-t-elle en riant. Mais c’est la femme qui fait le monde."

Pour ce qui est de l’aspect plus provocateur de sa personnalité, et du tumulte qu’elle a parfois provoqué, Diane Dufresne affirme: "Moi, quand je suis montée sur scène les seins nus ou les jambes écartées, c’est parce que je ne vois pas clair. C’est-à-dire que je viens sur une patte et que je retombe sur l’autre… Ça n’a jamais été fait pour provoquer. Je me suis avant tout provoquée moi-même."

Les 25 et 26 janvier
Au Grand Théâtre

Voir calendrier Rock & Pop

Exposition
Jusqu’au 4 février
Au château Dufresne, à Montréal