Loco Locass : Épopée rap
Musique

Loco Locass : Épopée rap

Maintenant que le côté "manifeste" de leur album Manifestif a été analysé de long en large, les rappeurs de Loco Locass désirent privilégier le côté "festif" par le biais d’un spectacle dynamique.

Depuis la parution de l’album Manifestif, d’abord sur étiquette indépendante, puis chez Audiogram, la formation Loco Locass ne cesse de gagner en popularité. On se laisse séduire par son rap original qui, de par ses échantillonnages, devient quasiment un condensé encyclopédique allant de La Bolduc à Charlebois ou alors par ses textes très bien ficelés, qui sont parus dans le bouquin Manifestif et dont la lecture suffit à nous faire rapper. Pourtant, ni l’un ni l’autre ne semble avoir joué un rôle décisif dans l’importante couverture médiatique dont le trio a été l’objet ces derniers temps. On s’est plutôt attardé au fait que le groupe soit l’un des rares de sa génération à s’engager politiquement. Quelque peu agacé par le côté réducteur que peut représenter l’étiquette, Biz rappelle que "mathématiquement, Manifestif ne compte que 3 chansons sur 17 s’attardant à la cause, soit autant de chansons à caractère politique que de chansons d’amour".

Babil-boquet culturel
Il est vrai que Loco Locass se distingue de ses pairs bien au-delà de son engagement politique. S’éloignant du hip-hop des ghettos où la violence, la drogue et la prostitution sont au coeur des thématiques, le trio accouche d’un rap soigné et réfléchi, où les référents culturels sont omniprésents, tantôt à travers les musiques de Chafiik, tantôt à travers les textes de Biz, Batlam et Chafiik: "L’oasis de notre langage n’est pas un mirage/Car il fait Beausoleil sur Desjardins qui ont Ducharme/Et du haut Dumont nous nous Miron dans le vacarme/D’un peuple à l’accent circonflexe qui ne veut pas être en annexe".

"Ça peut paraître monstrueusement prétentieux, mais il y a un désir chez nous, bien que ce soit accessoire, de niveler par le haut, explique Biz. Au début, on avait peur que ce soit trop recherché, mais on voulait redonner prise aux Québécois sur leur culture. C’était important de dire: "On a construit une oeuvre, mais on ne vient pas de nulle part. Il y a des gens qui ont travaillé avant nous. On s’abreuve de leurs oeuvres et vous aussi vous pouvez aller voir plus loin"."

Cette façon de faire, qui éloigne le rap de la rue, Biz dit la devoir à son passé. Souvent étiqueté à tort comme une formation montréalaise, Loco Locass a vu le jour à Québec au milieu des années 90, alors que Biz et Batlam présentaient leurs textes à l’occasion de nuits de poésie. "Le rap, c’est avant tout un témoignage. C’est une idée de laisser une trace assez personnelle d’une vision du monde et ma vision du monde n’est pas celle d’un Noir de Brooklyn, explique Biz. J’ai grandi dans Montcalm et Saint-Sacrement; ce n’est pas là que je vais me faire planter des guns sur la tête. Je ne suis pas noir, je ne tenterai pas non plus d’essayer d’agir comme si j’en étais un, même si j’ai un immense respect pour le génie de la culture noire. "Je suis une enfant de la ouate, soit! So what?" comme on dit dans Boom baby boom! Oui, j’ai grandi dans Saint-Sacrement, mais ça me donne quand même le droit de faire du rap."

Festif
Selon Biz, sur scène, le côté réfléchi du groupe est plongé dans une dynamique toute autre, où le "manifeste" fait place au "festif", tout en y demeurant sous-jacent. "Même pendant qu’on fait des constats du genre, on se fait envahir par les Américains. Il y a une communion en spectacle, les gens ont du plaisir. Ils réalisent que ce n’est pas emmerdant d’aller discuter des problèmes de la cité." En spectacle, les Loco se distinguent aussi par leur façon de faire en rupture avec les standards du hip-hop. Les trois acolytes se produisent avec une formation qui compte guitare, basse, batterie et trompette, plutôt que de se limiter à des boîtes à rythmes et des tables tournantes. "J’adore le rap, mais j’ai presque toujours été déçu par les spectacles de rap, confie Biz. Il ne s’y passe rien, c’est paresseux. C’est pourquoi on combat ça en amenant des musiciens avec nous. C’est hyper énergique, ça bouge beaucoup!"

le 26 janvier
Au D’Auteuil

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