Musa Dieng Kala : Chevalier des sables
Musique

Musa Dieng Kala : Chevalier des sables

Taille imposante, regard intense et allure détachée, Musa Dieng Kala passe pour un drôle d’oiseau auprès des amateurs de musique africaine.

Taille imposante, regard intense et allure détachée, Musa Dieng Kala passe pour un drôle d’oiseau auprès des amateurs de musique africaine. Une notice dans le livret de son premier album Shakawtu (La Foi), paru chez Shanachie, aux États-Unis, en 1998, explique sans équivoque que l’enregistrement renferme des prières et des poèmes musulmans qui ne doivent pas être jouées dans des boîtes de nuit parce qu’ils invitent d’abord au recueillement, à la paix de l’esprit et à la plénitude.

On imagine donc aisément que ce crâne rond et noir émergeant d’une djellaba blanc ait pu causer quelque émoi lors de son arrivée à Chicoutimi comme étudiant en cinéma, il y a huit ans. Mais la fructueuse collaboration de Musa avec les musiciens du Lac-Saint-Jean et les arrangements modernes qu’il applique aux textes sacrés de son maître spirituel Cheick Amadou Bamba (1855-1927), un héros pacifiste de la résistance au colonialisme, lui ont valu d’aller s’expliquer sur place, à Dakar, en conférence de presse face aux des orthodoxes mécontents qui étaient prêts à le condamner sans le laisser chanter.

"C’était considéré comme carrément avant-gardiste par rapport à la conception de la musique sénégalaise et africaine en général, m’explique Musa au téléphone. Au Sénégal, ils connaissent surtout le genre m’balax. Il y a eu certainement des chants religieux, mais toujours dans une forme traditionnelle. Pourtant, il me fallait chercher un pont pour permettre aux gens de mon pays de comprendre cette vie spirituelle et ensuite faire sentir aux gens de l’extérieur que, à part le folklore, nous avons aussi une vie spirituelle avec une musique tranquille, d’écoute."

Dans le fond, qu’on le veuille ou non, les religions ancestrales ont beaucoup enrichi la musique moderne. Le grégorien et le gospel ont apporté autant à l’harmonie européenne et au jazz que le vaudou et le candomblé ont pu nourrir rythmiquement les musiques populaires de la Caraïbe et de l’Amérique latine. Alors pourquoi pas de l’islam moderne made in Québec avec des synthés et des guitares électriques? "Sur scène, je travaille régulièrement depuis deux ans avec de jeunes musiciens d’ici, précise Musa. On a fait une tournée aux États-Unis et en Europe, en Belgique notamment. Les frères Diouf, qui faisaient partie des Colocs, se sont joints à nous pour les percussions et les choeurs."

Adepte convaincu du mouridisme et pratiquant du soufisme à l’instar du monumental Nusrat Fateh Ali Khan, qui a enregistré sur l’étiquette Real World de Peter Gabriel, Musa Dieng Kala, avec sa voix qui implore et se déchire, continue de prêcher la compassion et la non-violence dans un second album éponyme pour lequel le label français Night & Day semble manifester beaucoup d’intérêt. Un disque en arabe et en wolof où le Moyen-Orient rencontre le Grand Nord, où la guitare rock épouse la kora.

Et s’il est vrai que nul n’est prophète en son pays, voici un apôtre obsédé par sa vérité, comme en témoigne son clip Deugou – subventionné par Vidéofact -, qui aura mis autant de temps à être reconnu dans son pays natal que dans sa patrie d’adoption. Qu’à cela ne tienne, la patience et la détermination sont des qualités qui ne font pas défaut chez Kala: "Quand on est convaincu de quelque chose, il faut vraiment se battre", conclut-il sans sourciller.

Le 26 janvier
Au Kola Note
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