Pierre Barouh : Dérive continentale
Musique

Pierre Barouh : Dérive continentale

En migration presque constante, il transporte avec lui les courants culturels, à la fine pointe de ce nouvel artisanat dont il fait sa marque de pseudo-commerce depuis la création des disques Saravah. Chansons et bouts de film à l’appui, PIERRE BAROUH nous revient pour dispenser encore un peu de sa légendaire spontanéité.

On peut penser à lui comme au beatnik absolu. Non comme s’il était une caricature française de Kerouac, mais en tant qu’individu réalisant les rêves inaccomplis de cosmopolitisme et de nouvelle innocence présents dans l’oeuvre du romancier. Après 40 ans de voyages, de chansons, de cinéma et d’une animation culturelle dont l’originalité demeure exemplaire, Pierre Barouh expérimente toujours comme s’il n’avait rien à perdre, à la façon d’un nouveau venu.

La semaine dernière, il fallait rejoindre le Français errant à Vancouver, où il passe l’année scolaire en compagnie de sa femme japonaise et de leurs trois enfants. Depuis quelques mois, Barouh a participé aux Coups de coeur francophones de l’endroit, rencontré un guitariste brésilien avec qui il envisage de faire un hommage au regretté Roberto Baden-Powell, mais surtout, il a profité d’un calme où son bonheur créatif prend racine. Comme il le résume lui-même en trois étapes: "Je suis parfaitement tranquille, j’écris, tout va bien."

Le cas Baden-Powell est d’ailleurs un excellent point focal pour savoir à quoi s’attendre à propos des trois spectacles que Barouh s’en vient donner à Québec, entre deux escales à Ottawa puis à Montréal. C’est en 1969 que, lors d’une escale prolongée au Brésil, Pierre Barouh tourne un documentaire sur le célèbre musicien dont la démarche et la personne l’influenceront beaucoup. Aux Oiseaux de passage, on pourra voir des extraits de ce documentaire accompagnés d’autres extraits vidéo tournés en France, au Japon et au Cambodge, le tout assaisonné de quelques chansons en compagnie d’Alain Lecompte.

"C’est une petite promenade que je propose, déclare le cinéaste-chanteur, où je vais tenter de me rendre disponible à l’alchimie des gens qui seront là." Car c’est cela, Pierre Barouh, une dérive tout juste contrôlée entre un bagage culturel impressionnant et un scepticisme sans égal devant les structures trop rigides. Depuis son rôle dans Un homme et une femme de Lelouch, qui lui a donné les sous nécessaires à la création de sa propre étiquette de disques, Barouh choisit ainsi l’irrégularité, sortant des disques quand l’occasion s’y prête, non seulement les siens, mais surtout ceux de ses nombreuses découvertes françaises et brésiliennes, parmi lesquelles Brigitte Fontaine, Bia, Fred Poulet et quelques autres à venir.

Présent composé
L’an dernier, la compilation sur vinyle Dites 33 concrétisait le 33e anniversaire des disques Saravah, avec des titres qui témoignent de la façon dont Barouh et ses amis ont marqué l’époque. Pourtant, loin d’être devenue une institution encroûtée, Saravah conserve cette fraîcheur qui caractérise le fondateur et propriétaire. "J’écris des chansons depuis l’âge de 15 ans, rappelle ce dernier, mais j’ai toujours trop aimé la chanson pour devenir chanteur. J’ai jamais eu d’imprésario, je ne demande rien, mais j’aime bien me rendre disponible. J’aime quand on me provoque."

Partisan de ce qu’il nomme un nouvel artisanat, Barouh bricole obstinément, fuyant tout d’abord les recettes et l’intrusion de la logique du marché dans cet art de résistance qu’est encore parfois la musique populaire. Si certains parleront d’un suicide commercial et médiatique, d’autres seront soulagés d’apprendre qu’il reste encore des insouciants d’une telle envergure.

Du 9 au 11 février
Aux Oiseaux de passage