Camel Clutch : Voix de garage
Musique

Camel Clutch : Voix de garage

Reliques vivantes d’une époque opaque, les Camel Clutch reprennent du service. Voici l’histoire d’un groupe qui a choisi son nom d’après la prise de lutte de l’Iron Sheik, un pugiliste qui, lui aussi, évoque une tout autre époque.

"Étant donné qu’on fait à peu près un show par année, on peut faire croire aux gens qu’on est en tournée mondiale", ricane Michel Shink, chanteur et principal bouffon des légendaires Camel Clutch. Ceux qui ont vécu, au cours des années 80, une jeunesse marquée par le rock de seconde zone connaissent bien ces fous furieux de la scène. Pour les autres, voici une page d’histoire du rock garage de la Vieille Capitale.

Les années Reagan, la perestroïka et le breakdance, retour à la neuvième décennie du vingtième siècle.

Sur la rue Saint-Jean, tout ce qui respirait et ne consommait pas que de la musique commerciale s’arrêtait à coup sûr chez Vinyl, propriété de Bruno Tanguay alias Satan Bélanger. S’y retrouvaient de nombreux assoiffés de rock’n’roll, fanatiques de l’incongru et adeptes de groupes maniéristes du punk. Les membres des Camel Clutch se rencontrèrent donc par l’entremise de Tanguay, fêtard notoire, qui devint non seulement leur plus mauvais exemple mais aussi leur gérant.

Bien qu’il y eût maints changements au sein de la formation, c’est la bande originale qui revient se donner en spectacle sur une base annuelle. Pierre Ménard est batteur et grand conservateur du memorabilia des Clutch, Michel Gagné est à la basse, Réjean Gravel gratte la guitare et Michel Shink chante, crie et se trémousse avec violence. Réunis chez Ménard à l’occasion d’une pratique précédant la prestation annuelle de la formation, quelques photos et souvenirs sont étalés sur la table de la cuisine et les anecdotes se chevauchent: "Disons seulement que c’était pas mal éthylique", relate Michel Gagné qui, comme ses compères, frise aujourd’hui la quarantaine.

"Il y a toujours eu une tradition de musiciens de talent à Québec mais, à l’époque, il y avait surtout du jazz et du blues dans les bars. Nous, on voulait faire quelque chose de différent, on donnait un show et on avait du fun", relate Michel Shink. En effet, ce n’est pas autant des chansons des Clutch dont on se souvient mais plutôt de leurs performances scéniques qui n’avaient rien de conventionnel et laissaient, dans leur sillage, quelques spectateurs ébaubis ou traumatisés à vie. Dans une véritable transe rock’n’roll, Shink se jetait au sol, s’élançait d’un côté à l’autre de la scène et se dévêtait régulièrement jusqu’au plus simple appareil. "Je me souviens d’un soir au Patro Rocamadour, relate Shink, il y avait un jeune avec un casque de moto sur la tête et moi, je lui frappais dessus avec un marteau. Ses parents étaient à la porte et ne trouvaient pas ça très drôle."

Les Clutch avaient éveillé le dragon qui somnolait. Un petit groupe de fans se déchaînait et les suivait avec ferveur. Sans ambition, sans penser au lendemain, ils s’inscrivirent tout de même au concours Rock Envol en 1989, qu’ils remportèrent devant un autre groupe nommé Pëll. Pierre Ménard se souvient: "On a gagné ce concours-là, on a enregistré un 45 tours et on avait donné un show dans les studios de MusiquePlus. L’autre groupe (Pëll), c’était le band de Bruno Pelletier, on avait battu Bruno Pelletier…"

Le départ de Shink pour l’Ouest canadien et les fréquents changements de personnel finirent par avoir raison des Clutch. Pourtant, ils laissaient derrière eux une légende que les jeunes rockers se racontent encore le soir autour d’une grosse cannette. Bien qu’on sente une certaine nostalgie chez ceux qu’on peut qualifier de papys du rock garage au Québec, leur assemblée a plutôt des allures de réunion entre amis qui ne se voient que peu et dont la chimie est évidente. "Des fois je me demande jusqu’où on aurait pu aller avec la gang originale, s’interroge Michel Gagné, mais à continuer comme ça, on n’aurait probablement pas survécu."

Le 17 février
Au Bal du Lézard
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