Detention : D0uble détente
Musique

Detention : D0uble détente

Ils ont beau n’être que deux, ils ratissent plus large que bien des orchestres de douze musiciens. Avec leur groupe Detention, le batteur Alex McSween et le guitariste Sam Shalabi ont décidé de réduire la musique à son essence. Detention, c’est du concentré de musique et d’émotion improvisé à 100 %, une hydre protéiforme qui va bien au-delà des onze pièces que l’on retrouve sur Warp & Woof, leur premier CD.

Ils ont beau n’être que deux, ils ratissent plus large que bien des orchestres de douze musiciens. Avec leur groupe Detention, le batteur Alex McSween et le guitariste Sam Shalabi ont décidé de réduire la musique à son essence. Detention, c’est du concentré de musique et d’émotion improvisé à 100 %, une hydre protéiforme qui va bien au-delà des onze pièces que l’on retrouve sur Warp & Woof, leur premier CD lancé cette semaine. "Contrairement à ce que pensent certaines personnes, c’est difficile d’improviser à deux, parce que c’est un dialogue, explique Alex. Si tu n’es pas à l’écoute, ou si tu ne sais pas quoi dire, personne ne peut prendre ta place. C’est peut-être ce qui explique nos instants de silence. Par moments, tu te rends compte que tu n’as rien à dire, ou que tu veux parler très doucement, alors tu dois suivre le cours de la conversation."

L’écoute: le fondement essentiel à toute bonne impro, ce liant sans lequel la musique improvisée ne serait qu’une masse informe de bruits. Il n’est pas nécessaire de connaître quelqu’un à fond pour improviser avec lui, mais il faut certainement être prêt à le suivre. "Tu as sûrement remarqué que les pièces de l’album ont toutes deux titres: l’un est de Sam et l’autre de moi, explique McSween. Ce qui est étonnant, c’est qu’ils sont très souvent similaires ou complémentaires, car on partage les mêmes références. On n’a donc pas besoin de se donner trop d’indications avant de commencer un morceau. Mais il y a des moments où je ne sais pas ce qui se passe: Sam travaille beaucoup avec la guitare préparée et il arrive qu’il soit en train de s’accorder ou d’insérer un objet dans ses cordes et je pense que c’est un cue."

Entre les textures préparées, l’approche percussive et les motifs divers, du punk au surf, Sam Shalabi couvre beaucoup de terrain au sein de Detention. On avancerait même que l’homme de 36 ans s’impose de plus en plus comme un guitariste de grand talent, un improvisateur-compositeur dans la lignée des Frith, Lussier et Akotché. McSween, de son côté, n’est pas en reste. Si son appareillage est limité (il s’appuie tout de même sur plusieurs cymbales, presque toutes fêlées, coupées ou modifiées d’une quelconque façon), il couvre un spectre étonnant, allant de subtiles caresses en roulements martiaux. "Pour moi, Detention est un projet essentiel, lance Sam Shalabi. Aucun autre groupe n’est aussi ouvert et me permet d’explorer à ce point les possibilités de mon instrument. On aurait pu intégrer d’autres éléments, de l’électronique, par exemple; mais on s’est rendu compte qu’on avait tellement de choses à apprendre en se concentrant sur l’essentiel. Deleuze disait quelque chose comme: "Je ne suis pas contre l’idée de structure à proprement parler, mais je suis contre celles qui sont en place actuellement." C’est ça qu’on essaie de faire: trouver d’autres structures, d’autres façons de travailler."

Les deux ont d’ailleurs l’expérience de plusieurs types de structures: Shalabi est bien connu du milieu de l’avant-garde. S’il joue avec des groupes plus traditionnels, comme Molasses, il est surtout connu pour ses projets plus expérimentaux, de Shalabi Effect à CiDy. McSween, véritable vétéran de la scène locale, a joué avec Jerry Jerry, Pest 5000, Bionic. "Je m’ennuie parfois de la scène rock, de son énergie constante", dira-t-il.

Sam et Alex sont peut-être loin du glamour rock, mais la scène de la musique actuelle, improvisée et expérimentale, en pleine expansion à Montréal (en grande partie à cause d’un lieu comme la Casa del Popolo) ne manque pas d’attraits non plus. "La scène évolue, c’est vrai, lance Sam. Ce qu’il y a de mieux, c’est qu’on voit de plus en plus de jeunes et de filles dans la salle. Sauf que nous, on les appelle des femmes."

Le 17 février
À la Casa del Popolo

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