

Les Cowboys Fringants : Les banlieues arts
Hédonistes et engagés, les Cowboys Fringants surfent avec brio sur la vague du revival country-western. Apologie de la banlieue, paradis perdu, ou constatations navrantes sur l’état de la langue, ils abordent chaque thème avec la même fougue et un sens du sarcasme sans pareil.
David Desjardins ddesjardins
Écho de l’ère postmoderne, la révolution technologique trouve, presque inévitablement, sa contrepartie de nostalgie. On ne le dira jamais assez, notre époque en est une de métissage, d’aller retour du passé au futur qui alimente l’imaginaire des artistes contemporains. De la même manière, les Cowboys Fringants revisitent la musique western et y resituent le plus souvent l’action dans une banlieue, lieu où certains ne reconnaissent qu’un havre d’ennui et de paix illusoire.
"Quand y faisait pas beau
Y’avait l’sous-sol à Guilbault
On allait jouer au Coleco
Les p’tits gars on capotait sur les G.I. Joe
Et sur la soeur à Lavallée parce qu’elle en avait des gros"
– Banlieue
Qui aurait cru que tout un univers poétique se dissimule sous les cabanons et dans les sous-sols de Cap-Rouge, Brossard, Beauport et Saint-Lambert? "Ça n’a pas souvent été chanté", commente Dominique Lebeau, batteur des Fringants. "Pourtant, il y a un gros pourcentage du monde qui vit entouré de piscines hors terre, de mini-vans et de boulevards à McDo… C’est là qu’on a grandi, ça compte. Ça a sa beauté à sa façon", complète-t-il.
Une puissante odeur de parodie émane du country-western des Cowboys Fringants. Pourtant, ces amants du Stetson ne se moquent pas nécessairement des personnages qu’ils pastichent. C’est bien connu, la ligne est mince entre la blague et la réalité. La caricature sert donc, selon les propos de Lebeau, de plus grand dénominateur commun; un élément rassembleur qui appartient à l’imaginaire collectif.
"Y’avait des spots en dessous des bras
Pis y sentait l’vieux "Velveeta"
Y’avait la craque des fesses à l’air
A’ec la coupe Jaromir Jagr"
– Le Plombier
"La caricature permet, en deux minutes, d’amener tout le monde à la même place. Tout le monde s’imagine le même gros plombier…", explique Lebeau. Mais la caricature est-elle une fin en soi? "Notre désir de caricaturer vient avant notre désir de critiquer", répond-t-il. Malgré cela, l’idée d’une dichotomie entre la thématique et le traitement perdure. Dans plusieurs chansons, bien qu’amusantes, des personnages au vécu pathétique viennent, tour à tour, faire étalage de leur désespoir sans toutefois tomber dans le mélodrame.
Outre l’humour et les réminiscences de l’enfance, les Cowboys Fringants revendiquent, entre ou sur les lignes, l’engagement social. Conscients du potentiel unificateur de la musique, ils tiennent à véhiculer certains messages à caractère politique. Mais, à l’inverse de leurs prédécesseurs, ils constatent que toute position a son lot de tonalités. "On est souverainistes, oui, mais avec certaines nuances… dans notre pays, tout n’est pas tout blanc ou noir. Il y a de nouvelles façons d’aborder ça et ce n’est pas à des multinationales de décider comment ça va se passer", expose le batteur qui signe aussi le texte de Québécois de souche, une chanson sur l’anglicisation.
En préparation d’un autre album pour l’automne prochain, Dominique Lebeau invite pour l’instant le public à découvrir le groupe en spectacle, l’ultime expérience pour les musiciens qui s’y adonnent jusqu’à l’épuisement: "Si on donne un show et qu’on n’est pas mort (au figuré) à la fin, on s’est déplacé pour rien et les gens aussi… normalement, c’est plutôt la folie…"
Le 3 mars
Au Grand Théâtre
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