

Bullfrog : Diète Koala
S’inscrivant dans la culture du easy listening, les membres de la formation Bullfrog repoussent les limites de ces sonorités duveteuses d’un pas vers l’avant plutôt que de donner dans la récupération nostalgique.
David Desjardins
Photo : Chris Kralik
La musique de Bullfrog rappelle le travail instrumental des Beastie Boys de l’époque Check Your Head. Elle est, comme cette dernière, avant tout organique et particulièrement bien articulée en une série de pièces fondées sur un groove et une structure pop qui va bien au delà de la lounge music.
Mark Robertson assure la partition de guitare, les voix et une bonne partie de la composition pour la formation montréalaise. Il évoque les premiers soubresauts de vie du groupe et sa rencontre avec Kid Koala, membre à part entière de la formation et, sans aucun doute, l’un des tournetablistes les plus respectés du monde.
"Ça a commencé en jam session à l’époque où le acid jazz était très populaire, vers 1993. Il y avait des soirées un peu partout et j’ai rencontré Eric (Kid Koala) un soir au Savoy; je l’ai invité à venir jouer avec nous", raconte Robertson. La formation change alors fréquemment de nom, navigue d’un bar à l’autre au rythme des contrats. Ce n’est qu’en 1996 que le groupe émet un enregistrement démo au nom de Bullfrog, son identité définitive.
Mais entre cette époque et aujourd’hui, l’un des membres, D.J. Kid Koala, est devenu le poulain de l’écurie Ninja Tune et l’un des artistes les plus en demande sur la planète.
Disponible et facile d’approche, Eric San de son vrai nom est un chic type: généreux en paroles comme en affaires. "C’est grâce à Bullfrog que j’ai commencé ma carrière sur scène, en spectacle. Si ce n’était d’eux, j’en serais encore à faire des concours de D.J.’s", relate Koala. S’il se sent redevable envers la formation, il travaille toujours énormément à faire sa promotion, traînant ses comparses dans ses tournées en solo à travers les continents européen et américain et les invitant aussi à participer à l’enregistrement de son album Carpal Tunnel Syndrome.
Sous l’égide de Koala, la symbiose entre l’aspect organique des instruments traditionnels et les tables tournantes est singulière. Le D.J. ne se contente heureusement pas d’étaler quelques scratches ici et là afin d’agrémenter le son et de faire au goût du jour. En effet, s’il a déjà repoussé les limites en matière de technique, Kid Koala s’est appliqué à faire revivre la musique provenant de ses disques de vinyle et à faire de ses tables tournantes un véritable instrument. "Il faut que je sois comme un caméléon et je ne veux pas toujours faire quelques mesures de solo et disparaître le reste du temps", explique-t-il. C’est aussi ce que Robertson admire dans le travail du D.J. qui, selon lui, peut se targuer de détenir "une oreille incroyable et, comparativement aux autres D.J.’s avec lesquels on a travaillé, on peut dire que Koala est un véritable musicien". Qu’il introduise des extraits de cuivres, d’orgue ou de voix, l’effet généré par Koala est tout simplement spectaculaire.
Avare de commentaires au sujet de sa carrière personnelle, Kid Koala n’a, par ailleurs, aucune réticence à discuter de son travail avec Bullfrog, qu’il considère comme indispensable à son cheminement musical. "Cette dynamique a complètement changé mon approche des tables tournantes, confie-t-il, pour moi, cette expérience m’a fait réaliser qu’il existait d’autres personnes sur terre (rires) parce que, quand tu es seul à pratiquer des mouvements sur les tables tournantes, c’est très technique et tu oublies la musique, les gens derrière la musique. Avec Bullfrog, j’ai appris à avoir du goût, à être plus musical que spectaculaire et le talent de ces musiciens m’inspire énormément."
Si on peut croire que la formation est souvent éclipsée par la notoriété de Koala, Robertson croit aussi que sa présence au sein de Bullfrog a largement bénéficié à l’élargissement de son public et lui a aussi donné la possibilité de se produire, tel qu’évoqué précédemment, à travers le monde. "Je pense que notre spectacle va changer la vision qu’ont les gens même si, pour les amateurs de D.J.’s, ce n’est pas toujours facile à comprendre", explique Robertson. Il ajoute: "De toute manière, j’aime bien être l’underdog", celui dont personne ne se méfie.
Toujours indépendante, la formation a lancé le premier de trois mini-albums et compte avoir en main le second pour son spectacle à Québec. "Puisque nous n’avons pas de compagnie, nous voulons faire un bon travail et sortons les enregistrements petit à petit", explique Robertson. En terminant, le guitariste louange à nouveau les talents de son comparse: "C’est grâce à Eric que j’ai changé ma vision de la musique, avant la musique c’était juste des notes. Pour moi, tout le côté business et l’importance de l’indépendance artistique, c’est lui qui m’a montré cela."
Le 17 mars
Au Kashmir
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