Les Architekts : Bâtisseurs d’empires
Après avoir créé des beats pour presque toutes les formations hip-hop de Montréal, Ray Ray et Stratège, du groupe Les Architekts, s’apprêtent enfin à lancer un premier disque. Pour souligner cet événement fort attendu, ils montent sur scène en compagnie de deux alliés de choix: les célèbres Marseillais Shurik’n et Faf Larage.
Rose-Laure Météllus
Afin de lancer en grande pompe son premier album fort attendu (Le Plan), qui mijote depuis pas moins de trois ans, la formation locale Les Architekts a décidé de tout miser dans la production d’une tournée d’envergure, qui risque de faire chauffer bien des têtes. Monté par deux associés de longue date (Stratège et D.J. Ray Ray) sous la bannière de leur propre étiquette (Militant Musik), ce méga-party intitulé L’underground contre-attaque propose un menu des plus alléchants.
Ainsi, on y pourra y croiser plusieurs étoiles de la scène locale (entre autres Cobna, Sans Pression, X-hordes et Yvon Krevé) de même que la formation marseillaise La Garde (Faf Larage et Shurik’n, d’IAM), véritable légende du rap hexagonal. Aux dernières nouvelles, Faf et Jo semblaient même avoir investi leurs propres deniers dans cette tournée québécoise qui, normalement, n’aurait pu être réalisée sans l’appui de leur multinationale, Virgin. Mais pour les besoins de la cause, les gars de La Garde ont fait abstraction de la sacro-sainte procédure en s’impliquant directement, consolidant ainsi la profonde amitié qui les unit aux Architekts. "L’underground contre-attaque, c’est le résultat de trois années de combat avec les majors, souligne Stratège. Le soutien de Virgin dans le projet aurait pu être 10 fois plus gros puisque c’est quand même Shurik’n et Faf Larage qui sont impliqués. Mais ça n’a pas marché: ils n’ont pas voulu supporter financièrement la tournée, alors on a tout monté avec le strict minimum."
Avec ses allures de success story, l’entreprise des Architekts offre la preuve qu’il est possible de s’arranger comme de grands garçons, d’indépendant à indépendant. Reste que la saga de Stratège et du D.J. Ray Ray se résume d’abord et avant tout à une rare passion pour la musique, une histoire de coeur qui, comme le dit si bien Stratège, leur a demandé de "mettre leurs couilles sur la table".
"Mes parents me demandaient toujours ce que je voulais faire dans la vie, et je ne savais jamais quoi leur dire", lance Stratège, appuyé de son alterego, qui semble se reconnaître dans ses paroles. "Jusqu’au jour où, dans un de mes cours d’études littéraires, à l’UQAM, j’ai réalisé que l’école n’était pas pour moi. J’ai tout de suite ramassé mon sac, et je me suis dit que je n’y remettrais plus jamais les pieds. Je savais que mon plan, mon futur, ma carrière, c’était la musique."
Au fil des ans, Ray Ray et Stratège ont su s’attirer le respect de la scène hip-hop de Montréal et d’ailleurs, si l’on en juge par la profonde considération que semble éprouver La Garde vis-à-vis de la formation québécoise. Une complicité exceptionnelle qui, à coup sûr, contribuera à souder le pont déjà établi entre les milieux hip-hop de Montréal et de Marseille. "Il y a tr0is ans, je me baladais par une belle journée d’été et j’ai croisé deux gars: Shurik’n et Freeman, qui étaient en ville pour pousser leur truc, se souvient Stratège. Je leur ai parlé, et comme ils ont vu qu’on faisait partie du même milieu, on s’est échangé nos numéros de téléphone. Chaque fois que Shurik’n revenait à Montréal, il me rappelait. Peu de temps après, je suis parti en voyage avec ma copine. Et, alors que je faisais le va-et-vient entre Paris, Zurich et Marseille, Shurik’n m’a remis deux vinyles édition spéciale d’un single qui s’appelle Je lève mon verre. Sur l’album des Architekts, on a une chanson qui s’appelle À tous ceux. En écoutant le single, je me suis rendu compte que les deux chansons étaient presque identiques: elles saluent tous les gens qui nous ont aidés depuis les débuts de la scène hip-hop et y ont mis du coeur. Je lui ai tout de suite téléphoné, je lui ai fait écouter notre morceau, et il s’est dit qu’il faudrait un jour "connecter". En novembre dernier, on a enregistré un morceau ensemble à Montréal, le jour de mon anniversaire, comme par hasard. Et le plus beau, c’est qu’ils ne nous ont même pas demandé un cent!"
Ray Ray et Stratège ne sont pas des noms étrangers à la scène hip-hop locale. Depuis maintenant plus de huit ans, ils ont concocté des trames instrumentales pour presque tout ce que Montréal compte de M.C. d’importance, de Sans Pression à Dubmatique, en passant par Yvon Krevé, Manchilde, S’Katriçe, Bless da Illest Hibrew (un jeune talent bien connu de la scène anglophone), et Sékou Touré. Et même s’ils insistent sur le fait qu’ils n’ont rien à prouver, notons qu’il était tout de même temps, pour Les Architekts, de passer enfin à l’offensive. "Notre mandat a toujours été de pousser l’underground au maximum. Maintenant, c’est à notre tour de prendre notre place. Ça pris du temps, mais on est enfin là, et on est là en grand", ajoute Ray Ray, visiblement satisfait de leurs réalisations, qui semblent parfois tenir de la fiction.
Le 16 mars
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