Micro 2 : Tout petit, la planète
Musique

Micro 2 : Tout petit, la planète

En attendant la prochaine édition de Mutek, le festival "musique, son et nouvelles technologies" du complexe Ex-Centris, qui aura lieu du 30 mai au 5 juin, les audiophiles avertis pourront goûter aux joies des "sonorités microscopiques" de Micro 2.

Parlez-vous numérique? Les termes glitch, click, microwave et sinecore ont-ils quelque résonance dans votre univers musical? Si vous avez répondu oui, vous détenez sûrement déjà vos billets pour l’événement Micro 2, une manifestation hors saison du fascinant festival Mutek. Si tous ces termes vous sont étrangers, mais que vous vous intéressiez le moindrement à la musique électronique, attendez-vous à une expérience musicale hors du commun.

Deux spectacles distincts seront présentés lors de Micro 2: le premier, intitulé Microsons, explorera, pour reprendre l’expression de Taylor Deupree, fondateur de l’étiquette de disques 12k, les "sons microscopiques". Il s’agit d’un programme américain qui réunira Deupree et son comparse Richard Chartier (un artiste visuel et sonore qui était de la première édition de Mutek), ainsi que Kim Cascone, le plus "savant" du lot, qui signe régulièrement pour le très sérieux Computer Music Journal des articles aux titres aussi sexy que Une esthétique de l’échec: tendances post-digitales dans la musique informatique contemporaine.

Le lendemain, c’est au tour des Allemands de prendre le contrôle de votre canal auditif avec OACIS (Optical Acoustics Calculated In Seconds), un projet multimédia mis sur pied par Frank Bretschneider (qui vient de lancer Curve, une petite merveille de minimalisme aléatoire), ainsi qu’Olaf Bender et Carsten Nicolai, les deux fondateurs de la réputée maison de disques Raster-Noton.

Avec une telle affiche, vous comprendrez que l’on nage dans le domaine de l’art hautement conceptuel. Et si, pour l’oreille du néophyte, la plupart de ces "musiques" minimalistes et 100 % synthétiques peuvent paraître identiquement "non musicales", des différences émergent lorsqu’on observe le modus operandi de chacun des compositeurs. Bretschneider, par exemple, utilise des algorithmes pour générer des "sons aléatoires". Une telle utilisation de machines réputées pour leur précision mathématique a certes quelque chose de séduisant. Ce sont d’ailleurs les imperfections du monde informatique qui sont à l’origine de tout le courant baptisé glitch (mot anglais signifiant pépin, accroc). Les bruits de distorsion et autres "clicks" générés par les machines elles-mêmes sont désormais le pain et le beurre des nouveaux artistes "post-numériques", qui n’hésitent pas à les amplifier et à les modeler. Mais n’allez pas croire que tout repose sur le hasard, insiste Richard Chartier: "Mon oeuvre est extrêmement structurée; il n’y a donc pas, à proprement parler, d’effets du hasard dans mon travail de composition. Mais dans le traitement des sons, figure toujours un processus qui implique l’aléatoire. C’est le propre de la recherche: ce sont les erreurs et les choses cachées qui font naître des idées inattendues."

Même si ces musiques peuvent paraître froides et hautement calculées, elles s’intéressent donc, par la faillibilité des machines, à quelque chose d’humain, ce fameux "échec" dont parle Kim Cascone dans l’article mentionné plus haut. Mais ne vous attendez surtout pas à un débordement de sentiments durant ces deux jours de performances sonores. "Je veux transmettre le moins possible d’émotions avec ma musique", affirme Bretschneider, avec son flegme germanique. Une affirmation un peu extrême, sur laquelle Chartier renchérit pourtant: "Je n’ai jamais considéré ma démarche en termes émotifs. Je suis un formaliste: ce qui m’intéresse, ce sont les structures et le son, et j’essaie d’éviter à tout prix l’aspect narratif et référentiel."

Il en va de même pour l’aspect visuel des performances de Micro 2: encore là, pas de tape-à-l’oeil ou d’effets clinquants. "Il faut faire très attention lorsqu’on intègre des éléments visuels à une performance, car les gens sont distraits par l’image, explique Chartier. En guise de visuel, j’utilise un oscillateur de fréquences qui n’offre que des courbes sinusoïdales, simple représentation physique des sons que je génère. De cette façon, j’élimine toute possibilité d’association symbolique entre l’image et le son." Bref, pour paraphraser McLuhan, l’image "est" le son.

Il va sans dire que cette musique demande un certain effort de la part de l’auditeur; "mais plus vous fournissez d’efforts, plus vous allez découvrir qu’il existe des expériences sonores magnifiques sous le brouhaha du quotidien", précise Chartier. Alors si vous vous rendez à Ex-Centris, cette semaine, ouvrez grand les oreilles, car certaines performances sont pour le moins subtiles. En effet, plus que tous ses autres collègues présents à Montréal, Chartier pourrait être qualifié d’ultra-minimaliste. Ses recherches sur le silence et la fragmentation du son sont tellement poussées qu’on pourrait même le traiter d’atomiste sonore. "Certainement, acquiesce-t-il. Lorsque j’entame le processus de création, je m’enfonce profondément à l’intérieur du son, afin d’extraire les sons qui se trouvent "entre" les sons. Pour moi, il s’agit d’éliminer tous les éléments superflus et décoratifs pour arriver à l’essentiel. C’est une approche très Bauhaus de la musique."

Les 6 et 7 avril
Au Complexe Ex-Centris
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