Yves Duteil : L'aile radicale de la tendresse
Musique

Yves Duteil : L’aile radicale de la tendresse

Celui que les Français ont élu auteur de la chanson du siècle dernier revient chez nous dans la formule la plus dénudée qu’il ait jamais empruntée.

On peut lire dans son ton que la douceur est pour lui la grande réponse aux contradictions du monde. Ce qui n’exclut pas la lucidité, car sa douceur à lui se souvient du l recouvert par le c qui figure en son centre.

Son inclination vers la berceuse pour adultes et le réconfort a même fait d’Yves Duteil une sorte de marginal, comme si une tendresse trop pure suffisait à vous écarter du milieu des variétés actuel. Mais qu’on s’alimente de sa lumière ou qu’on le trouve exagérément gentil, Duteil n’a plus à s’en faire maintenant qu’il a fondé aux quatre coins de la francophonie une famille qu’il se plaît à retrouver en tournée. Dans son dossier de presse, on apprend d’ailleurs que, déjà en 1974, il recevait entre autres le "prix du meilleur public" (?). Qu’il s’agisse ou non d’un lapsus, la formule a quelque chose de révélateur quand on songe à la fidélité indéfectible que lui témoignent encore ceux qui l’ont adopté à cette époque.

Une profondeur légère
Fervent admirateur de Dylan et des Beatles à ses débuts, Yves Duteil se limitera toutefois à un type de chanson très sobre, qui se veut d’abord un contact intime avec les mots, puis l’accession à une mélodie naturelle, dont la légère monotonie semble puiser à même les racines de la langue française.

Son parti pris pour une attitude davantage souriante que tourmentée, Duteil l’emprunte en partie au regretté Fou chantant avec qui il partage sinon le délire, du moins l’inépuisable pulsion de vie. "Je n’aurais certainement pas écrit de la même manière si Trenet n’avait pas écrit avant moi. Les chansons de Trenet vont s’envoler extrêmement longtemps; chaque fois que j’en écoute, ça me donne envie d’écrire. Sans parler des problèmes du temps, il est arrivé à incarner son époque dans la chanson. En pleine guerre, il chante Y’a d’la joie! Il a parlé de son époque à contre-jour, en exprimant ce dont les gens avaient le plus besoin au moment où ils ne l’avaient pas."

Maire de sa municipalité, Duteil a quant à lui inclus quelques interventions plus directes à son répertoire, notamment des titres démontrant son lien avec le monde juif. Grand-père Yitzhaak, par exemple, nous fait vivre la mort du chef d’État à travers les yeux de sa petite-fille, tandis que Dreyfus est une vision très autobiographique de la part du chanteur, dont on aura peut-être oublié qu’il est le petit-neveu de celui autour duquel la célèbre controverse s’organisa.

La mémoire nue
La réédition toute fraîche des quatre premiers albums est quant à elle la fin d’un très long conflit avec son ancienne maison de disques, alors que le double album Tournée acoustique marque le début d’une nouvelle période, véritable retour aux sources et réactualisation intime du répertoire.

"En studio, confesse Duteil, les arrangements sont toujours un peu un handicap pour les chansons, c’est la part qui se démode. Le spectacle permet de présenter les chansons dans un autre contexte, en les faisant revivre par le contact direct avec le public." Ce que la présente tournée effectue dans une formule absolument dépouillée, où la voix et la guitare sont seules en compagnie du piano de Michel Precastelli, vieux complice entre tous.

"On n’a jamais été aussi exposés. Avec la guitare et le piano, qui sont des instruments harmoniques, on a vraiment opté pour des versions rondes des chansons, en allant vers la délicatesse et la finesse sans compenser par le nombre de musiciens. Ce spectacle est vraiment une création, avec des chansons de toutes les époques et quelques inédites."

Les 11 et 12 avril
À la salle Albert-Rousseau
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