Spectacles proposés au Sommet des Amériques : Retour de Sommet
Musique

Spectacles proposés au Sommet des Amériques : Retour de Sommet

La carte des spectacles proposés dans le cadre du Sommet des Amériques était aussi exceptionnelle que pouvait l’être l’événement. Afin d’en rendre compte, nos journalistes ont non seulement écumé bars et salles de spectacle sous les nuages de gaz, mais ont aussi constaté que les manifs de rue donnaient lieu à de surprenantes prestations son et lumière.

Jello Biafra
Le 18 avril, au cégep de Limoilou

La conférence de Jello Biafra devait donner le ton à une semaine qui s’annonçait aussi chargée idéologiquement qu’en fait d’événements fracassants. Les premiers touristes-militants s’étant déjà trouvé un logis, ils s’y étaient donné rendez-vous afin d’y partager littérature contestataire et morceaux de sandwiches au végépâté. Vêtu d’une toge de magistrat, le coloré personnage s’est présenté sur scène en récitant l’un de ses discours-chocs à saveur de désobéissance aux diktats culturels et sociaux en vigueur. Éloquent et habile communicateur, Biafra maîtrise bien son matériel, connaît les rouages du spectacle et transmet son message avec naturel et surtout, avec conviction. Un bon départ. (D.Desjardins)

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Propagandhi
Le 19 avril, au 5500 boulevard des Gradins

Rendez-vous punk. Quelques centaines d’amateurs d’une musique qui allie engagement et action directe par le son se pressaient vers la scène, histoire de prendre part à l’une des premières activités en marge du Sommet, mais surtout pour y voir l’un des groupes punk canadiens les plus reconnus: Propagandhi. Visiblement excités de se trouver à Québec à l’aube d’un événement d’une telle importance, Chris, Jord et Todd ont livré la marchandise avec l’efficacité et la puissance qu’on leur connaît, et même plus: "Quand les 34 personnes les plus diaboliques d’Amérique s’en viennent en ville, nous jouons avec beaucoup plus de violence", lançait Todd, le bassiste. Avec une liste de titres équilibrée entre les chansons de leur plus récent album et d’autres favoris provenant de leurs disques précédents, le trio a amplement servi ses fans qui, s’ils n’avaient eu qu’un seul reproche à lui faire, n’auraient que déploré la courte durée du spectacle. (D.Desjardins)

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Le 19 avril, à l’îlot Fleurie
Au loin, on aperçoit les gyrophares des quelques voitures banalisées qui bloquent l’accès à l’îlot Fleurie. Sur place, des milliers de "manifestifs" se préparent dans la plus grande joie à prendre part aux grandes manifestations à venir. D’un bord, de nombreux percussionnistes entraînent quelques baba cools dans une interminable danse tribale alors que des MC’s s’évertuent d’un autre côté à conscientiser la foule présente aux affres de la mondialisation. La fête s’est poursuivie jusqu’à très tard dans la nuit, au grand bonheur des touristes et de plusieurs résidants qui, décidés à faire de mauvaise fortune bon coeur, se sont joints à la danse. (D.Desjardins)

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Le 20 avril en soirée, dans les rues de Québec
La température aidant, plusieurs résidants des différents quartiers touchés par les affrontements opposant manifestants et policiers avaient ouvert leurs fenêtres afin de suggérer, dans une forme d’appui tacite aux manifestants, une trame sonore de circonstance. Ainsi, dans une ambiance flirtant avec le surréalisme, un résidant de la rue Turnbull avait opté pour l’album The Wall de Pink Floyd, alors que pleuvaient les cartouches de gaz sur les têtes de manifestants éberlués. Plus tard en soirée, c’était la musique de Rage Against the Machine qui était la plus populaire dans le quartier Saint-Jean-Baptiste, puisque c’est d’au moins quatre logements différents qu’on pouvait en percevoir les puissants refrains du genre "Fuck you, I won’t do what you tell me" ou "Something must be done about vengeance, a badge and a gun". Aux abords du périmètre de sécurité, au coin des rues Saint-Jean et Saint-Augustin, un amateur de musique électronique semblait avoir élu quelque musique drum’n’bass comme trame sonore par excellence de cette nuit de gaz, alors qu’un confrère, à la hauteur de Claire-Fontaine, agrémentait cette chaude soirée d’un solo de guitare électrique on ne peut plus punk. (D.Desjardins)

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S.O.S. Humanité
Le 20 avril, au Centre de foire

Autre belle manifestation du Collectif de résistance ludique, le spectacle S.O.S. Humanité, présenté loin des gaz et des premières escarmouches, aura réuni plus de 1 000 personnes. D’abord amorcé en douce, le spectacle a pris son envol quand l’inénarrable Mononc’ Serge, particulièrement en verve, est monté sur scène avec ses deux musiciens. Dès lors, chaque prestation – dont les propos des chansons trouvaient écho sur écrans géants à travers des segments de films d’Astérix ou du Temps des bouffons de Falardeau – semblait réunir plus de gens et soulever davantage leur passion, le point culminant de la soirée étant sans doute le spectacle de Loco Locass. La Chango Family et les Batinses ont offert des moments mémorables, tout comme le collectif de percussion Tribal, qui assurait les liens entre les spectacles. (N.Houle)

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Tomas Jensen
Le 21 avril, au Fou-Bar

Samedi soir, les pubs de la rue Saint-Jean étaient rien de moins que des petits bunkers. Des bunkers de réjouissances, où l’on opposait de sympathiques festivités aux tensions qui avaient cours à l’extérieur. C’est ainsi qu’en arrivant au Fou-Bar, après avoir pris garde à ne pas marcher sur le verre brisé qui tapissait les rues du quartier Saint-Jean-Baptiste, et avoir eu recours au vinaigre disponible sur les lieux, médicament bancal combattant avec efficacité les effets des gaz lacrymogènes, on se surprenait à apprécier les nuages de fumée de cigarettes. Ne restait plus qu’à ouvrir les oreilles et à savourer l’excellent spectacle que Tomas Jensen et ses trois musiciens livraient en tournant le dos à ce qui est normalement la vitrine du bar, placardée pour l’occasion. Une à une, les chansons étoffées de Jensen ont défilé, chacune d’elles trouvant plus que jamais sa signification à travers les événements du Sommet, rappelant notamment que "les faux-monnayeurs savent que le vrai bonheur n’est pas dans les billets". Le public, qui faisait salle comble et qui semblait connaître les moindres subtilités de chacune des pièces, a adoré. Nous aussi. (N.Houle)

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Les Zapartistes
Le 21 avril, au Sacrilège

À quelques mètres du Fou-Bar, le Sacrilège faisait aussi résistance à sa façon. À l’extérieur, on laissait couler un boyau d’arrosage destiné aux manifestants, tandis qu’à l’intérieur, on trouvait le précieux vinaigre. On aurait sans doute dû disposer une autre bouteille de vinaigre sur la terrasse où Les Zapartistes donnaient leur spectacle, car même si on avait pris soin de fermer les rideaux de plastique de la terrasse, les désagréables vapeurs des gaz parvenaient à s’infiltrer. Ceci n’a cependant pas empêcher Les Zapartistes, une demi-douzaine de comédiens parmi lesquels Christian Vanasse, Geneviève Rochette et Denis Trudel, de présenter leur spectacle politisé: une série de sketches humoristiques s’avérant être des parodies tantôt d’émissions de télé, tantôt de bulletins de nouvelles. On aura ainsi eu droit à des cours sur les subtilités de la langue, à la révolte d’un délégué d’Amérique du Sud mal traduit par son interprète et à la dissidence soudaine de deux policiers craignant l’effet de la mondialisation sur leurs avantages sociaux. Nos humoristes auraient eu beaucoup à apprendre ce soir-là, tant dans l’art de faire rire que dans celui d’avoir du contenu. (N.Houle)