Live à Victoriaville : Festival de musique actuelle de VictoriavilleFIMAV (suite)
Musique

Live à Victoriaville : Festival de musique actuelle de VictoriavilleFIMAV (suite)

Festival de musique actuelle de Victoriaville
Du 17 au 21 mai

"Fabuleux, formidable, extraordinaire…" Lors de sa conférence-bilan, le directeur artistique du FIMAV, Michel Levasseur, affichait une certaine propension à l’emphase. On ne peut le blâmer: l’homme avait joué gros pour cette 18e édition, et, avec une hausse d’assistance de près de 40 % par rapport à l’an dernier (plus de 7000 spectateurs en tout), on peut dire qu’il a remporté son pari haut la main.

D’abord, les valeurs sûres: bon an, mal an, John Zorn attire son lot de fidèles; et les chanceux qui ont pu assister au concert de Bar Khokba, lundi après-midi ("le premier show à guichets fermés de l’histoire du FIMAV", nous a-t-on répété), en ont eu pour leur argent, même si l’homme n’a pas soufflé une seule note. Chef d’orchestre de cette version orchestrale de Masada, Zorn a été brillant, dirigeant un groupe d’instrumentistes fabuleux, où l’on remarqua le percussionniste débridé Cyro Baptista et le guitariste Marc Ribot, qui insuffla un twang très surf à ces musiques d’inspiration juive.

Mais lors du show de clôture, Zorn a été plus que moyen, distillant ses couinements de sax habituels au sein d’un quartette où un Fred Frith allumé lançait des salves de guitare qui tranchaient avec les trames ambient du bassiste Bill Laswell. Derrière ce trio d’improvisateurs chevronnés, le pauvre batteur Dave Lombardo (Slayer) n’était visiblement pas à la hauteur: trop carré, trop rigide. La veille, par contre, sa mitraille métronomique avait fait fureur au sein de Fantômas, l’un des points forts du Festival. Le chanteur Mike Patton nous a soufflés avec son collage de métal-hardcore syncopé, réglé au quart de tour, qui a séduit tant les habitués du Festival que les fans poilus (avec 950 spectateurs, il y avait de tout). Tout le contraire de la non-rencontre entre Kim Gordon, Ikue Mori, Jim O’Rourke et DJ Olive. Que Gordon soit une mauvaise musicienne, doublée d’une piètre chanteuse, n’a rien de grave au sein de Sonic Youth; mais avec des talents d’improvisatrice aussi nuls, on ne se présente pas aux côtés de la crème du genre. Peu inspirée, monocorde et, surtout, ennuyeuse, elle a volé à son chum Thurston Moore la douteuse distinction de pire performeuse du Festival.

Les électroniciens étaient aussi nombreux que variés cette année, et l’un des plus étonnants nous venait du Japon. Avec ses subtiles modulations de fréquences, mariées au souffle presque imperceptible du sho, instrument à vent traditionnel, Otomo Yoshihide a proposé une expérience minimaliste austère mais séduisante. Les Suisses de Poire_Z¸ plus bruitistes (beaucoup de statique au menu), se sont montrés plus visuels, mais aussi plus confus. Parlant visuel, le groupe Eltractor, de Québec, maîtrise l’art de la projection comme personne. Une musique presque club (breakbeat à Victo, une autre première!), intimement liée à l’image; au contraire de l’expérience enveloppante et quasi électroacoustique de Francisco Lopez, qui a insisté pour qu’on goûte à ses vagues de bruit très organique les yeux bandés. Déroutant. Avec une telle variété de styles, le FIMAV démontre plus que jamais sa pertinence. Allez, on remet ça l’an prochain… (Nicolas Tittley)

FIMAV (suite)
On peut l’affirmer, cette 18e édition prouve hors de tout doute que le chemin emprunté par Michel Levasseur était le bon. Quand des compositeurs de la trempe de Fred Frith ou Otomo Yoshihide font le circuit des festivaliers et sont aperçus dans tous les concerts, on comprend, si ce n’était déjà fait, qu’il se passe à Victo quelque chose d’incontournable. Et d’unique. Comme la rencontre du quartette Derome-Sclavis-Tanguay-Chevillon. Ceux qui ont manqué cet extraordinaire rendez-vous auront raison de pleurer en écoutant le disque l’année prochaine. Le public nombreux a réservé à ces improvisateurs de génie le triomphe qu’ils méritaient. Louis Sclavis évoquait après le concert le côté sécurisant du FIMAV, qui autorise les musiciens à se laisser porter par l’inspiration. On ne prend jamais trop de risques à Victo; la disponibilité du public est proportionnelle à la générosité des artistes. Quand ceux-ci en manquent, par contre, les concerts peuvent être longs! Keiji Haino remporte la palme dans cette catégorie. Caché derrière ses lunettes noires, il n’a jamais donné à son partenaire Thurston Moore la moindre chance d’établir la communication. Il y avait quelque chose de pathétique à regarder cette espèce d’ado attardé se battant avec ses pédales pour faire plus de bruit que son malheureux partenaire. À la LNI, il aurait reçu une douche de claques!

Mais il y a trop de bons moments à Victo pour s’attarder sur ce genre d’accident. À peine une heure après, les membres de 4 Walls nous le faisaient oublier avec une musique littéralement emblématique de ce que doit signifier l’expression "musique actuelle". Du plaisir, de l’imagination et de la virtuosité, le tout savamment dosé et distribué librement. "We are anarchists, therefore we shall not rule and ruled we shall not be", chantait l’exultant Phil Minton, comme un exergue à ces cinq jours d’exploration. Dans un autre ordre d’idées, l’ensemble de Dave Douglas, trompettiste hors pair, ne nous a pas permis de trouver là un grand compositeur. Outre la courte pièce Kidnapping Kissinger, tout en zapping et assez zornienne, les pièces présentées étaient surtout des véhicules à solos. Heureusement, ceux-ci étaient offerts par des musiciens de grand calibre, et pendant une heure on aura eu l’impression presque palpable d’être dans un bar de New York.

Les concerts de fin de soirée au cégep nous ont aussi ménagé de beaux souvenirs. Les Français de Silent Block, avec leur bizarre attirail électroacoustique, nous ont ouvert les oreilles dès le premier soir avec pas mal d’imagination. Shalabi Effect, de Montréal, a attiré beaucoup de monde le lendemain avec une musique méditative enrobant une projection de films sur… la chasse à la baleine… Ce sont les quatre Danubians qui auront donné au FIMAV le party qui lui manquait. On a dansé notre joie d’entendre encore une fois à Victoriaville les magnifiques voix de Gaby Kenderesi et d’Amy Denio (qui a aussi brillé au sax, à la basse, à l’accordéon et à la guitare!), accompagnées si solidement par Csaba Hajnoczy aux guitares et Pavel Fajt à la batterie. Des festivals comme celui-là, on n’en partirait plus! Bravo Victo! (Réjean Beaucage)