Calexico : Frontier Town
Musique

Calexico : Frontier Town

En s’installant à Tucson, Arizona, Joey Burns et John Convertino ont créé Calexico, une musique qui évoque et remplit le désert qui les entoure. Aujourd’hui, ils exportent le son des grandes étendues dans des productions françaises et britanniques, et traversent le monde avec leur mélange de twang, de western spaghetti et de musique mariachi.

L’histoire de Calexico en est une de frontières, à commencer par son nom, inspiré d’une petite localité frontalière du Mexique, située en bordure de leur Arizona chéri. Au moment de notre conversation, par téléphones cellulaires interposés, Joey Burns, guitariste, multi-instrumentiste et chanteur occasionnel du groupe qu’il dirige avec le batteur John Convertino, venait de quitter Vancouver et s’apprêtait à traverser la ligne de démarcation canado-américaine vers le sud. Il allait devoir la retraverser quelques semaines plus tard, vers le nord, cette fois, pour y retrouver Montréal, la ville où il est né. "Je ne garde malheureusement que peu de souvenirs de Montréal, parce que mes parents m’ont gardé enfermé pendant de longues années dans une boîte au sous-sol, lance Joey en rigolant. J’avais pour seuls compagnons de jeu une contrebasse et un répondeur, ce qui explique mes deux talents dans la vie: faire de la musique et créer d’excellents messages téléphoniques."

Après avoir été enfermé sous nos latitudes frigides, Joey a passé quelques années en liberté sous le soleil de Californie, avant d’aller s’installer en plein désert de l’Arizona, à Tucson. Au fil des ans, l’identité de Calexico s’est développée dans cette espèce de no man’s land culturel, en marge des modes et des capitales musicales, ou plutôt à cheval sur celles-ci. C’est là, dans l’esprit de ces deux hommes qui servaient (et servent toujours) de section rythmique au fantastique groupe Giant Sand, qu’a germé cet irrésistible hybride de sonorités issu d’un mariage entre un Far West mythique et les cuivres pimentés des mariachis. "J’avais en tête une idée très carte postale de l’Arizona avant de m’y installer, et aujourd’hui, je vis dans cette carte postale, confirme Joey. Certains des clichés qu’on véhicule sont fondés, mais je pense que le trait de caractère commun à tous les habitants de Tucson, nous compris, c’est qu’ils sont très détendus, très laid-back. Bien sûr, on retrouve des images sonores qui évoquent le désert dans notre musique, mais on essaie d’éviter les idées reçues, sauf lorsqu’on veut s’amuser avec celles-ci, comme on l’a fait avec The Ballad of Cable Hogue (un morceau de leur album The Hot Rail), qui est presque une parodie de l’imagerie western."

Cet appel du Far West semble avoir séduit plusieurs Européens au fil des ans, puisque Calexico a été appelé à jouer et à composer pour des gens comme Françoiz Breut, Dominique A, Jean-Louis Murat et leurs bons amis de l’Amor Belhom Duo, deux Français venus s’installer à Tucson, avec qui Joey et John ont enregistré sous le nom d’ABBC. "Naïm et Thomas (les deux membres d’Amor Belhom) ont vraiment embarqué dans tout le trip de l’Ouest américain: les fringues, les vieilles autos et, bien sûr, la musique. On a vraiment beaucoup en commun de ce côté et c’est ce qui fait qu’on s’entend si bien. En fait, ce que j’apprécie des gens de cultures différentes, des Français surtout, ce sont les leçons culturelles non musicales: côtoyer Françoiz et Dominique, par exemple, c’est comme avoir un cours d’étiquette en accéléré. De plus, ils font beaucoup mieux la cuisine que nous."

Côté poutine musicale, par contre, Calexico n’a rien à envier à ses collaborateurs, au contraire. Malgré une production abondante (en marge des trois albums officiels, ils lancent des disques à tirage limité lors de chacune de leurs tournées) et des projets à n’en plus finir, ils n’ont pas encore délayé la sauce magique dont ils détiennent le secret. Et même si la plupart des projets auxquels ils participent (de Giant Sand à OP8, en passant par Friends of Dean Martinez) sont de nature acoustique, voire rustique, ils se frottent aussi aux sonorités nouvelles. Après que leurs chansons eurent été remixées par des gens comme les rejetons de Warp The Two Lone Swordsmen (voir l’excellente Intitled III, sur la compilation Even my Sure Things Fall Through, qui vient tout juste de paraître chez Quarterstick), Calexico a lui-même signé un étonnant "remix" de Human pour Goldfrapp. "C’est un drôle de projet qui est plus une reprise qu’un remix, parce qu’on a entièrement refait la chanson, explique Joey. Pour moi, c’est une association normale, parce que Goldfrapp, comme nous, est un groupe un peu à cheval sur les genres. Comme Calexico a maintenant une identité bien définie, on se sent prêts à élargir nos horizons." C’est à ce moment que Joey interrompra la conversation pour affronter l’agent des douanes, qui le laissera passer sans heurt. Les frontières – et comment les traverser: voilà l’histoire de Calexico.

Le 19 juin
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