Les Concerts populaires de l'OSM : Le grand air
Musique

Les Concerts populaires de l’OSM : Le grand air

Peu d’oeuvres classiques méritent l’épithète "populaire" autant que la fameuse Neuvième de Beethoven. Un choix tout indiqué pour YANICK NÉZET-SÉGUIN, qui inaugure sa première saison à titre de directeur artistique des Concerts populaires de Montréal.

L’Opus 125 de Beethoven, ça vous dit quelque chose? La Neuvième alors? Ah! Là, oui. L’Ode à la joie? Et voilà, vous sifflez déjà. C’est presque inscrit dans nos gènes. On l’a entendue dans l’ascenseur, dans les couloirs du métro et chez le dentiste. Des dizaines d’annonces publicitaires l’ont utilisée (ces jours-ci, on peut l’entendre dans une pub de… camionnette!). Pour comparer cette mélodie à un élément visuel, on doit évoquer quelque chose de l’ordre des pyramides d’Égypte. Tout le monde les a vues, tout le monde l’a entendue. Jean-Pierre Coallier, parlant de sa station de radio, a déjà dit que l’un des critères de sélection des pièces à programmer était que celles-ci puissent être sifflées. Et bien, plus populaire que la Neuvième, ce sont les oiseaux qui sifflent… Madonna peut aller se rhabiller: dans 177 ans, la queue de l’ombre de son souvenir se sera estompée depuis longtemps, mais on sifflera toujours Beethoven.

L’Orchestre symphonique de McGill l’interprétait l’année dernière, et en octobre prochain, ce sera au tour de l’OSM de livrer l’Opus 125 de Beethoven. L’oeuvre, certes, est célèbre. Quoi de plus naturel, dans un tel contexte, pour Yannick Nézet-Séguin que d’ouvrir sa première saison en tant que directeur artistique des Concerts populaires de Montréal avec un tel archétype de "musique populaire"? L’événement ne pouvait pas trouver mieux que le jeune chef d’orchestre montant pour présider aux destinées de sa programmation. En conjuguant la notoriété du double récipiendaire du prix Opus décerné par le public (en 1999 et 2000) à celle du chef-d’oeuvre symphonique de l’un des compositeurs les plus connus de l’histoire, on ne risque guère de se tromper!

Beethoven songeait depuis plus de 10 ans à mettre en musique l’Ode à la joie de Freidrich von Schiller lorsqu’il l’introduisit comme mouvement final de ce qui allait devenir sa dernière symphonie. Schiller, un franc-maçon comme Beethoven, l’avait écrite de façon à déjouer la censure dirigée contre les éléments progressistes de la bourgeoisie allemande de l’époque (fin dix-huitième). L’Ode à la joie (Freude en allemand), c’est surtout l’Ode à la Liberté (Freiheit), celle à laquelle pouvait aspirer un Beethoven qui souffrait de surdité depuis près de 30 ans au moment d’en écrire la musique. Tout dans cette oeuvre est excessif: de la puissance de l’orchestre, d’une ampleur sans précédent et incorporant de nombreux instruments de percussion, jusqu’à l’explosion finale où le choeur rivalise de frénésie avec les solistes.

C’est le baryton-basse Marc Belleau qui lancera les premiers assauts, bientôt rejoint par Louise Marcotte (soprano), Louise Guyot (mezzo-soprano), Marc Hervieux (ténor) et le Choeur de l’Orchestre Métropolitain. Si l’on s’attarde surtout ici sur le dernier mouvement, il faut savoir que l’Orchestre Métropolitain occupera tout l’espace durant les trois précédents.

Il n’est guère d’image plus triste que de penser à la première de l’oeuvre: le compositeur, assis à côté du chef, était si sourd que la cantatrice Karoline Unger dut le prendre par les épaules et lui indiquer de se retourner pour qu’il puisse contempler l’immense ovation qui lui fut faite dès la dernière note de la symphonie. Vers la toute fin de sa vie, à peine trois ans après la création de la Neuvième Symphonie, on informa un Beethoven affaibli que l’un de ses derniers quatuors à cordes avait été mal reçu du public. Il répondit seulement: "Ça leur plaira plus tard." Et, en effet, pas une semaine ne passe sans qu’une oeuvre de Beethoven soit entendue à Montréal en concert. Si Beethoven était vivant, il croulerait sous les droits d’auteur. Mais non, je me trompe. Évidemment, s’il était vivant, on ne le jouerait pas.

Mercredi 20 juin, 19 h 30
Au Centre Pierre-Charbonneau, 3000, rue Viau
Voir calendrier Classique
Renseignements : 256-7787

Le Prix d’Europe
L’Académie de musique du Québec présentait le 8 juin dernier la 90e édition du Prix d’Europe, ouvert à tout jeune musicien québécois ayant terminé ses études musicales et permettant au récipiendaire d’aller se perfectionner ailleurs. Étonnamment, si on l’appelle toujours "Prix d’Europe", les gagnants vont de plus en plus souvent aux États-Unis… Habituellement doté d’une bourse de 15 000 $ (remise par le ministère de la Culture et des Communications du Québec), le prix a été majoré cette année à 20 000 $, histoire de célébrer en grand ce 90e anniversaire. C’est à la pianiste Maneli Pirzadeh que le jury formé de James Anagnosen, Marc David, Michel Ducharme, Denis Gougeon, Philippe Magnan et Olga Ranzenhofer a choisi de décerner le prix, remis par la présidente d’honneur Lise Bissonnette. Le nom de Maneli Pirzadeh s’inscrit dorénavant dans une liste qui compte aussi ceux d’interprètes reconnus comme Chantal Juillet, Marie-Danielle Parent ou Philippe Magnan. Bravo donc, et bonne chance!

Deux autres prix étaient au programme de la soirée. Le compositeur Denis Gougeon a préféré se retirer du jury pour le choix du récipiendaire du Prix du Centre de musique canadienne, afin d’éviter un potentiel conflit d’intérêts, certaines de ses oeuvres étant interprétées par les participants. C’est le corniste Louis-Philippe Marsolais qui a remporté la bourse de 500 $ décernée à la meilleure interprétation d’une oeuvre canadienne, pour son exécution de Jupiter de… Denis Gougeon! Le prix John Newmark, de 4 000 $, remis par le Fonds Les Amis de l’art a été accordé au pianiste David Jalbert.

Erratum
Quel beau lapsus que celui-là! C’était dans le Cahier V "Spécial été" de la semaine dernière. Sans doute encore troublé par le souvenir de l’Orchestre symphonique de Montréal y interprétant en répétition Le Sacre du printemps sous la direction de Charles Dutoit, ou par celui de Walter Boudreau dirigeant l’OSMCQ dans son Berliner Momente III, je me suis laissé emporter par le fantasme. Non, malheureusement, les Concerts populaires ne seront pas présentés au Centre Pierre-Péladeau, mais bien au Centre Pierre-Charbonneau. N’ayant jamais eu la chance d’assister à un concert à cet endroit, je ne peux qu’imaginer que nous y gagnerons sans aucun doute par rapport aux concerts qui étaient auparavant donnés à l’Aréna Maurice-Richard. Toutes mes excuses à ceux et celles qui auront rêvé avec moi!