Angélique Ionatos : La femme qui apportait le vent du sud
Musique

Angélique Ionatos : La femme qui apportait le vent du sud

Les mots du titre miment ceux d’un grand poète grec, Odysseus Elytis. Les disques et les concerts d’ANGÉLIQUE IONATOS nous ont toujours mis en contact avec une culture dont nous sentions de lointaines résonances avec un pays que le destin malmena plus d’une fois, ou encore plongé dans le bleu de la Méditerranée et ses mirages. Angélique Ionatos, par un patient travail de la voix et des instruments, parvient à nous faire goûter les mots de grands poètes.

De Chansons nomades, qui présentait des chansons qui naissaient dans la rue, qui y vivent, Angélique Ionatos passe, avec D’un bleu très noir, vers quelque chose de plus intime, de plus intérieur: "Chansons nomades est un moment solaire, méditerranéen, c’est aussi le plaisir de jouer avec Henri Agnel, en un duo polymorphe. D’un bleu très noir présente le côté sombre, profond, du tempérament grec, le bleu de l’âme." Rappelons d’abord qu’Angélique Ionatos est d’abord compositrice. Chaque projet, chaque texte commandent une instrumentation particulière. En concert, elle est accompagnée par un quatuor: Henri Agnel (guitare classique, derbouka et divers instruments percussifs), Michel Nick (violon), Bruno Sansalone (clarinette) et César Stroscio (bandonéon), qui faisait partie du Cuarteto Cedron: "C’est le choix des instruments qui est d’abord arrêté. Les couleurs, les timbres, les palettes, l’aspect scénique. Le travail avec le texte suit." De Stroscio, Ionatos insiste pour dire qu’il est "unique dans sa manière, poétique, de toucher l’instrument. Il a une présence unique". Mikis Thoedorakis et Eleni Karaindrou (Le Voyage d’Ulysse) signent chacun une musique. Karaindrou est à la Grèce ce que Nino Rota fut pour l’Italie. De plus, elle a écrit et interprété des couleurs.

D’un bleu très noir exprime certes de la mélancolie à cause de l’exil géographique, mais d’une façon plus large, à cause de l’amour constamment ébranlé par la violence des hommes. Dans Ta paume de main, texte mis en musique vers 1976-77, Angélique Ionatos chante bien combien les mots se perdent dans l’arène du pouvoir: "Les mots unissaient les humains / À l’ère des dinosaures / À présent, au temps des dissimulateurs, […] ils les séparent / Comme des ordres militaires."

Ionatos rend surtout hommage à cinq femmes: la Vierge Marie, qui interrogea le fait de porter le fardeau du Seigneur, Rosa Luxembourg, qui s’est battue pour un rêve, Marie des brumes, la contestatrice, Sapho de Mytilène, première poétesse grecque, et enfin Alphonsina Strorni, poétesse argentine, qui, se voyant condamnée, préféra se jeter à la mer: "Je ne m’en suis pas rendu compte sur le coup. Après, ça m’a réjoui le coeur. Ce sont des femmes fortes, très romantiques. Dans la poursuite de leur rêve. Comme Rosa Luxembourg. Et puis, j’ai réalisé que tous ces textes n’avaient été interprétés que par des hommes. Je trouvais ce paradoxe très révélateur." Lamento de Marie, par exemple, met en scène un sacrifice corporel auquel Marie ne consent guère, qui lui apparaît vain: "Mille fois si je te mets au monde / Autant de fois ils te crucifieront / […] Ouvre-moi les plus profonds abysses / Pour que je puisse accoucher loin des loups."

Marie des brumes, par son attitude subversive, représente l’espoir (l’inespérée rupture de courant).

Les oiseaux habitent tout l’imaginaire d’Angélique Ionatos. Dans Sanglot d’anges, elle proclame très haut: "Et je viendrai / […] accompagnée d’oiseaux de vérité."

C’est ainsi que la chanteuse et ses musiciens nous parleront de la Méditerranée et des différents tons de bleu qu’elle peut prendre dans nos coeurs, nous apporteront un peu de Sud!

Le 10 juillet
Dans la cour du Séminaire de Québec
À l’occasion du Festival d’été