

Add N to X : Porno sonique
Situationnistes du 21e siècle, rétro-futuristes révolutionnaires ou simples pornographes impénitents? Les membres d’Add N to X sont un peu tout ça, et beaucoup plus. Ils débarquent à Montréal pour nous présenter leur plus récente création, Add Insult to Injury.
Nicolas Tittley
"L’Angleterre est une société vraiment rétrograde rongée par un conservatisme hypocrite. C’est un endroit franchement nauséabond et l’avantage d’être musicien, c’est que je peux la fuir chaque fois que je pars en tournée." Heureusement pour son moral, c’est d’outre-Manche que Barry 7, membre du trio Add N to X, me lance cette déclaration fielleuse. En fait, malgré ses commentaires acides à l’endroit de son Albion natale, Barry semble plutôt enjoué, voire blagueur. Peut-être parce qu’il respire l’air de la douce France, qui est justement l’endroit où nous avions croisé Add N to X la dernière fois (au Printemps de Bourges)? Le groupe aurait-il passé tout ce temps à manger du camembert et à boire du bordeaux? "On n’est pas restés ici depuis Bourges, faudrait pas abuser de leur hospitalité, tout de même, lance Barry en rigolant. Remarque, on aurait pu: pour des raisons inexplicables, on est très hip en France en ce moment. On vient d’ailleurs de donner un concert au Centre Georges-Pompidou. Un truc ultra-branché, plein de mannequins et de stars de cinéma. C’était franchement surréaliste!"
On se demande en effet comment le rock’n’roll violent et synthétique d’Add N to X a été perçu dans ce temple de l’Art contemporain parisien. Qualifié d’Avant Hard (du titre de l’un de leurs albums), de "situationnisme Moog" ou de "rétro-futurisme", le son du trio britannique, qui lance les noms de Suicide et Kraftwerk comme références (et qu’on pourrait rapprocher des plus actuels Six Finger Satellite ou Biberons Bâtis), repose essentiellement sur des claviers vétustes joués à plein volume. Il faut voir l’attirail dont ils disposent sur scène: un vrai rêve de collectionneur! "Tu sais, les Moog, Theremin et Korg, toutes ces machines mythiques portent le nom et l’empreinte bien personnelle de leurs inventeurs qui étaient, pour la plupart, des ingénieurs fêlés qui s’esquintaient sur leurs créations au fond d’un garage. Ces claviers sont faits à la main; donc forcément uniques, à l’opposé des synthés modernes fabriqués par des immenses corporations sans visage et sans âme. Alors, oui, je me sens spontanément attiré par les vieilles machines, du seul fait qu’elles ont quelque chose de très… humain."
D’une manière digne de Cronenberg, Add N to X s’intéresse depuis ses débuts à la relation homme-machine. Sur la pochette de On the Wires of our Nerves, par exemple, on pouvait apercevoir, étendue sur une table d’opération, Ann Shenton à qui Barry et son comparse, Steve Claydon, tentaient de greffer (ou de prélever) l’un de leurs précieux claviers. Humour et gore, voilà deux autres des mamelles auxquelles s’abreuvent les trois Anglais. Mais à en juger par le vidéoclip triple X qu’ils ont réalisé pour la chanson Plug Me In, tirée de leur récent Add Insult to Injury, il faudrait aussi ajouter la pornographie à leur liste d’intérêts. La pièce donnait déjà le ton: le refrain accrocheur, sorte de ritournelle passée au vocoder, se transforme imperceptiblement de "Plug me in" en "Fuck me in". Quant au vidéoclip (que vous pouvez visionner au www.addntoxxx.com, il n’est rien de moins qu’un porno de quatre minutes durant lequel le groupe n’apparaît jamais. "Le vidéoclip, c’est l’empire du faux et de l’hypocrisie, lance Barry, retrouvant sa verve. Toutes ces jolies filles qui se dandinent presque à poil, c’est pas porno, ça? On a simplement poussé la logique à fond et on a réalisé un vrai film X."
N’en doutez pas: c’est du XXX de première qualité. Mais, en bon révolutionnaire, Barry y voit une multitude de niveaux de lecture qui vont au-delà du simple voyeurisme. "D’abord, on l’a tourné avec des caméras de surveillance, histoire de souligner l’omniprésence de ces objets qui briment chaque jour un peu plus nos libertés individuelles. Et je trouvais ça intéressant d’utiliser des caméras qui captent généralement des trucs glauques comme des meurtres et des cambriolages pour montrer deux filles qui ont du fun. Et tant mieux si ça choque: on vient du mouvement punk et on est influencés par les idées des situationnistes et des futuristes. Pour nous, mélanger art et politique, c’est naturel, et, étrangement, la porno est un domaine aussi artistique que politique." D’autant que lorsque le vidéo a été réalisé, la loi britannique interdisait encore la production et la commercialisation de la porno hardcore sur son territoire. "Tu l’a vu, il n’y a rien de bien choquant dans ce film. Eh bien il y a un peu plus d’un an, ce genre de truc était I.L.L.É.G.A.L. chez nous! On se croirait au Moyen-Âge!" Décidément, les Anglais sont vraiment bizarres… "Mais c’est ce que je me tue à te dire depuis le début, conclut Barry. Imagine: on vit toujours dans une monarchie, alors ça te donne une idée du chemin qu’il nous reste à faire!"
Le 16 juillet
Au Centre Social Espagnol
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