

Neg’ Marrons : Idée mix
En constant décalage, les Neg’ Marrons ne sont ni reggae, ni hip-hop. Plutôt que de se cantonner dans un style précis, ils poursuivent leur chemin en marge des idées préconçues et parviennent à se forger un style unique où prime l’esprit de fête et l’optimisme. Chaud devant.
David Desjardins
Dans l’avalanche du rap de banlieue, Jacky et Ben-J de Neg’ Marrons se sont taillé un créneau bien à eux. Plus influencé par le reggae que par le hip-hop, le duo crée une musique à la rencontre de ces deux genres, ce qui n’est pas sans susciter un vif intérêt et donner un peu de vigueur à ces deux styles métissés avec brio. Un groupe de musiciens plutôt qu’une stérile instru à l’arrière-plan, les chanteurs-rappeurs balancent leurs rimes avec un flow à l’accent caribéen qui évacue la grisaille de la banlieue bétonnée.
Ralenti par les légendaires embouteillages parisiens, c’est avec plus d’une demi-heure de retard que Jacky nous téléphone. Qu’à cela ne tienne, le sympathique personnage raconte l’origine du nom du groupe et parle avec éloquence du titre Fiers d’être Neg’ Marrons qui se retrouve sur leur dernier disque: "C’est symbolique pour nous. Les Neg’ Marrons, c’était des esclaves en fuite. Ils fuyaient toute forme d’esclavage, de soumission, tout l’univers colonial, quoi. Malheureusement, quand tu viens de la banlieue, on dit de toi que tu es un drogué ou un voleur, quelqu’un de négatif. Alors, quand on dit qu’on est Neg’ Marrons, c’est pour fuir les étiquettes et pour dire: "Vous êtes face à des affranchis et quoi que vous disiez ou fassiez, on n’a qu’un but: notre passion, la musique.""
Il poursuit à propos de la chanson, parabole historique et manifeste de fierté: "C’est clair que c’est une manière de revendiquer sa culture, ses origines. C’est également un hommage à nos parents qui ont quitté l’Afrique pour venir en Occident. Aujourd’hui, notre force est de ne pas oublier d’où on vient, de ne pas se faire écraser par la société dans laquelle on vit."
Adoptant le look du rappeur plutôt que celui du reggaeman, les Neg’ Marrons y voient une autre forme de refus des étiquettes. Pas de dreadlocks sur la tête ni de couleurs chatoyantes, Jacky et Ben-J arborent baskets blanches et vestes de cuir bien noires en guise de symbole de leur refus des stéréotypes. "On a toujours eu un petit peu de mal à s’imposer sur la scène reggae parce qu’on n’a pas le même look que les autres, parce qu’on ne chante pas le reggae de la même façon et aussi parce qu’on a fait plein de collaborations hip-hop, explique Jacky. Nous sommes un des premiers groupes reggae à faire des featuring hip-hop qui fonctionnent bien ici. Aujourd’hui, notre identité serait reggae-hip-hop en fait." Revendiquer sa différence, un leitmotiv payant pour un groupe dont les ventes du dernier album approchent le quart de million de copies.
Fiers de ces collaborations avec de nombreux acteurs du hip-hop, c’est sans aucun doute la présence de Wyclef Jean sur la pièce Ça ne me fait rien qui retient le plus l’attention des fans comme des médias. Leur histoire d’amitié avec le rappeur créole remonte à loin et c’est le gaillard lui-même qui s’est proposé comme invité. Jacky se remémore les étapes ayant mené à cette association, version abrégée: "On avait fait la première partie des Fugees il y a quelques années et on a sympathisé grave avec eux, mais surtout avec Wyclef qui est un gars fantastique, ouvert, bref, un grand bonhomme. On s’était toujours promis de retravailler ensemble et une fois à New York pour un mastering, on l’a revu là-bas et il nous a dit: "Vous inquiétez pas, je ne vous ai pas oubliés." Et c’est vrai qu’une fois à Paris pour l’enregistrement de son dernier album, il nous a appelés et on est entré en studio, et puis voilà: "Ça ne me fait rien"", chante-t-il sur l’air de la pièce.
C’est donc dans le cadre du festival Envol et Macadam que ces "enfants du soleil" s’amènent accompagnés d’une formation complète de musiciens reggae, un combo qui risque d’en surprendre plus d’un et de générer une forme contagieuse de transe par la danse. Dès qu’on lui en parle, Jacky s’énerve et se lance dans une authentique entreprise d’autopromotion: "Sur scène, les morceaux que tu connais déjà, tu vas les redécouvrir parce qu’il y a une autre émotion qui s’en dégage, et ce sera un très bon concert parce qu’on n’a jamais joué à Montréal ou à Québec, donc on va donner le meilleur de nous-mêmes… Et Passi, qui fait partie de la famille, sera là aussi, alors…"
Le 3 août
Au parc Cartier-Brébeuf
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