Live à Montréal : Les Francofolies
Nicolas Tittley
C’est en compagnie de Jean Leloup qu’on a passé notre première "Nuit des Francos" au Métropolis, et l’homme a été fidèle à lui-même, à savoir: imprévisible. Difficile de comprendre ce qui clochait dans ce show: Leloup était-il speedé et distant parce que la foule était parfois amorphe; ou n’avait-il tout simplement pas envie d’être là? L’homme fut tout de même généreux; mais, et c’est triste à dire, le meilleur moment du show a eu lieu durant 1990, alors que Stefie Shock est venu le rejoindre. On avait presque l’impression qu’il s’agissait d’une passation du flambeau: Shock ayant été carrément brillant en première partie, avec un son expansif et une attitude qui l’était tout autant. Sa reprise de Bouge de là , de MC Solaar, est toujours aussi pertinente, et le chanteur combine maintenant avec talent plaisir et professionnalisme. Le show de la consécration, à mon avis, un sentiment renforcé par son concert "avec amis" sur la scène hip où Shock a fait preuve d’une aisance peu commune. Le bon coup des Francos 2001? Sans aucun doute la série consacrée à Arthur H. Les deux concerts auxquels j’ai assisté (la deuxième version de Pour Madame X et le show " à la Bachibouzouk") ont démontré la polyvalence et le talent insondable de Higelin junior. En compagnie de Jorane, il a livré une hilarante reprise de Paroles Paroles, où il tenait le rôle de Dalida; et il a réitéré l’exploit en faisant la voix de la petite Frédérique sur Le téléphone pleure, donnant la réplique à Daniel Boucher. D’autres amis québécois (dont le saxo Charles Papasoff) l’accompagnaient lors de la soirée Bachibouzouk, rendue mémorable par l’interprétation (rarissime) du Général de Gaulle dans la cinquième dimension, véritable morceau d’anthologie de l’un des artistes les plus importants de la francophonie. Sans blague.
Dehors, on se balade et on glane quelques chansons de-ci de-là, on décrète que la musique d’Ex-Aequo est exécrable, on tombe sous le charme de Tété (à réinviter au plus vite), on se désole de ne pas voir plus de spectateurs pour le rock planant des Chiens, et on trouve que Martin Lapalme abuse des solos de guitare.
Au Spectrum, on rocke plus solide. Seulement quelques minutes de la fin du concert de Groovy Aardvark nous ont rassurés sur la santé du rock qui tue et qui fait suer; constat réitéré au Métropolis lors de la très odorante performance de Grimskunk. Le drôle de mélange Urbain Desbois-Little Rabbits a donné des résultats mitigés, les mots du premier étant parfois inaudibles et les arrangements des seconds écrasés par l’approche plus rock. On avait craqué pour eux sur les scènes extérieures et ils ont remis ça au Spectrum: Le Peuple de l’herbe aurait aussi pu se retrouver dans la série groove du FIJM, où ils auraient pu écraser Cosmik Connection avec une main attachée dans le dos. Suivaient les Couch Potatoes qui se sont fort bien tirés d’affaire, avec une formation aux airs de all-star band mettant en vedette Nicolas Maranda à la guitare et Stéphane Moraille à la voix. Le lendemain, au même endroit, les Français de Silmarils ont vraiment foutu le feu. Va y avoir du sport, qu’ils disaient… Et il y en a eu. Quant à nous, on rechausse nos baskets de francofous et on continue jusqu’à samedi.
Claude Côté
Spectacle-choc, volontairement inattendu et totalement exutoire que celui de Daniel Boucher. Complètement différent de celui du Corona. On a laissé le champ libre à Boucher afin qu’il en imagine lui-même la mise en scène, le choix des invités et, surtout, la teneur des vibrations. En misant sur un "stage dive" arrangé avec le gars des vues et en se faisant transporter comme un martyr agonisant jusqu’au fond de la salle, pour en revenir le bras autour du cou du chanteur de Muzion au son de La vie ti nèg’, en invitant Les Jardiniers à installer l’ambiance avant et pendant le show, et en laissant l’acteur Luc Picard hurler le désespoir d’Aidez-moi: il a créé l’événement. Les treizièmes FrancoFolies étaient bel et bien commencées… Juste avant, Tété (qui ne veut surtout pas qu’on le compare à Ben Harper) a justement laissé cette impression, quoiqu’il s’en démarque avec une façon peu commune de mordre dans les mots avec rythme et urgence. Ni de la world ni de l’afro-américain, juste une autre de ces moutures indescriptibles et contagieuses. Ramenez-nous Tété. Un petit mot sur Diane Dufresne (Frédéric Boudreault vous en parle davantage sur cette page): après son show symphonique de février dernier, il ne fallait pas espérer une enfilade de grands succès, mais réentendre J’vieillis et La 304, les grands écrans et la carlingue d’avion en guise de visuel, l’émotion de La Javanaise avec madame Gréco: c’était exquis. Les Respectables ont offert ce qu’on attendait d’eux: un party rock’n’roll qui frappe et qui cogne. Hé les gars! Vous faites bien ça, plus besoin d’imiter Mick et Keith. O.K.? On coupe le cordon ombilical ensemble? Paraît que Jean-Louis Foulquier, "monsieur FrancoFolies" lui-même, a été vachement impressionné. Ça sent la France pour Les Respectables… Et Juliette Gréco, de passage trois ans après sa dernière escale: du Vian, du Ferré, du Brel, du Gérard Jouannest à profusion, des mains qui dansent autour de sa tête, une gestuelle d’enfer. Une dame en noir, comme Barbara. Une voix qui trahit à peine ses 73 ans. Mais surtout, surtout, une fureur de vivre pas possible. On s’incline.
Frédéric Boudreault
Jeudi, les Francos ont débuté en force avec le spectacle concocté par Diane Dufresne, qui s’est entourée d’une gang de filles pour reprendre ses grands succès. Malgré un concept plus ou moins évident, Dufresne a enflammé la salle Wilfrid-Pelletier. La chanteuse a ressorti son vieux matériel, même Actualités, qu’elle n’avait pas refaite depuis un petit bout de temps. On a aussi eu droit à une version un peu trop fidèle de Rock pour un gars de bicycle par France D’Amour; et à une sublime relecture, par Dufresne elle-même, D’Amour et Isabelle Boulay des Hauts et les Bas d’une hôtesse de l’air. Pour Oxygène, Dufresne était déchaînée dans sa confrontation avec J. Kyll de Muzion. Mais c’est la deuxième partie qui s’est avérée plus touchante: c’est là qu’on a pu entendre la poignante Cendrillon au coton revisitée par Renée Claude, et L’Amante et l’Épouse, charmant duo entre Dufresne et Clémence. Et que dire de cette Javanaise chantée par notre diva nationale et la grande Juliette Gréco… Mémorable.
Qu’on aime ou non sa musique, on ne peut que s’incliner devant la performance énergique qu’a livrée Okoumé en fin de soirée jeudi. Avec un plaisir évident, le groupe a balancé ses chansons folk-rock du premier disque, en les mélangeant à celles plus actuelles du deuxième. L’entreprise aurait pu être casse-gueule, mais Okoumé a réussi à rendre son ancien matériel aussi intéressant que son plus récent. Je me suis même surpris à entonner en choeur le refrain de Dis-moi pas ça, c’est bien pour dire.
Vendredi, on a assisté à l’excellente prestation de Catherine Durand, une fille qui a fait du chemin depuis ses débuts. Plus sûre d’elle-même, bien qu’encore maladroite dans ses interventions, elle brûle maintenant les planches avec son pop-rock accrocheur. Pour reprendre les mots de Nancy Dumais, avec qui elle a chanté samedi: "On entend une fois ses chansons, et on les a dans la tête pendant trois jours." Coup de coeur. Parlant de Dumais, elle a prouvé samedi que, même si elle n’est pas une bête de scène, elle possède un solide répertoire: de Soudés à jamais à Trembler le monde, elle a étonné le public. Il faut dire que la fille ne manque pas de sincérité, et qu’elle a une voix merveilleuse, qui peut jouer sur plusieurs registres.
Plus tard, au Spectrum, les Couch Potatoes ont livré une prestation décevante. Chaque fois que je les vois, j’ai la désagréable impression d’entendre toujours la même chose, et ce, malgré la présence de Stéphane Moraille. Après 10 minutes, on saisit ce qu’ils veulent faire, et on commence à s’ennuyer. Tout le contraire de DJ Pocket, qui officiait derrière les tables tournantes du Shag. Au cours de son troisième set, il a surpris avec une sélection musicale vraiment tordante: Joe Dassin, Samantha Fox et quelques pièces disco, dont la très kitsch Popcorn. En plus d’être un excellent chanteur-beatbox, Pocket possède aussi un incroyable sens de l’entertainment. Sans prétention et décontractée, une merveilleuse façon de finir la soirée!