The Beatnuts : Hommes à tout faire
Musique

The Beatnuts : Hommes à tout faire

Depuis maintenant 10 ans, l’influence du duo new-yorkais THE BEATNUTS sur le monde du hip-hop est indéniable. Après avoir aidé à lancer plusieurs artistes, ils commencent eux aussi à se tailler une place avec la sortie de Take It or Squeeze It, leur dernier disque, qui prouve enfin leur audace et leur talent.

À la naissance du mouvement hip-hop, il était courant pour ses disciples d’en investir toutes les disciplines: breakdancing, graffiti, beatbox et l’art de manier les platines (D.J.) et le microphone (M.C.) faisaient partie d’un mode de vie où la spécialisation n’avait pas encore sa place. Une dizaine d’années plus tard, soit au début des années 90, la groupe The Beat Kings, formé de "Psycho" Les Fernandez et de Jerry "Juju" Tineo, reconnus pour leur passion commune pour les femmes, l’alcool et, bien sûr, les beats, amorçait sa quête pour la rythmique parfaite en réalisant des mixtapes. "À l’époque, nous faisions tout nous-même, de la recherche d’échantillons dans les bacs de l’Armée du Salut jusqu’à la distribution de cassettes, effectuée par Les à la sortie des clubs de Manhattan et du Bronx", explique Juju de son domicile de la banlieue new-yorkaise.

Puis, vint le coup de veine sous forme d’une rencontre chez un disquaire avec la formation The Jungle Brothers et son mentor légendaire Afrika Bambaata, du collectif The Native Tongues Posse, rencontre qui donnera le jour, quelques mois plus tard, au premier EP du groupe, Intoxicated Demons, sur lequel Les et Juju avaient décidé de ne pas se contenter de produire des trames musicales, mais également de développer leur talent- un peu brouillon à l’époque – de M.C. Huit ans et quatre albums plus tard, sous le nom de The Beatnuts, on commence à peine à reconnaître l’audace et le talent du duo avec la parution de son plus récent album, Take It or Squeeze It. S’ennuient-ils des beaux jours où ils formaient une PME à eux seuls? "Depuis qu’on signe des contrats, avoue candidement Juju, on s’est fait avoir coup sur coup jusqu’à l’an dernier, en fait. Après avoir signé avec la compagnie de disques Loud, nous avons renégocié les royautés, les pourcentages de vente et tout ça pour le plus récent disque. Mais Loud semble dans une situation précaire; comme dans le cas de l’album précédent, A Musical Massacre, ils ont dit non à un deuxième vidéoclip (qui devait être la festive Let’s Git Doe avec Fatman Scoop). Nous nous proposons de lancer notre propre label éventuellement", ajoute-t-il.

"Pour l’enregistrement de Take It or Squeeze It, nous avons réalisé l’importance de la culture des clubs; on a quand même commencé à connaître le succès commercial avec le précédent, alors celui-ci est peut-être moins sombre, plus funky et dansable." Mais on ne peut parler de véritables concessions, même si nos deux compères sont devenus de respectables citoyens et de responsables parents; leur savante mouture de thèmes hédonistes et de rimes lunatiques rejoindra autant les fans de la première heure que ceux qui les ont découverts par leurs réalisations de Fat Joe, Mos Def, Common, Big Pun ou Ghostface Killah. "Le plus drôle, ajoute Juju, c’est que Pun et Joe se sont fait connaître grâce à leur participation à nos albums, puis ont sorti leurs disques respectifs pour en vendre des millions de copies! C’en est même assez frustrant."

En fait, Les et Juju ont fortement contribué à l’avènement du mouvement rap latino: "Peu de gens savent que c’est Triple Seis (un associé de longue date) qui a montré à Big Pun comment écrire ses rimes! Avant de nous connaître, Cuban Link n’arrivait pas à se faire entendre et c’est beaucoup grâce à nous que Seis et lui ont tissé des liens avec The Terror Squad…" Mais quand vient le temps de récolter son dû, Juju se fait plus philosophe: "Je ne pense pas que nous soyons encore sous-estimés de la part de nos pairs, du moins pas de ceux que nous considérons. À mes yeux, ceux qui respectent le jeu apprécient notre démarche artistique; le reste ne tient qu’au marketing et à la promotion." Cela dit, 10 ans de hip-hop sont considérés par plusieurs comme une dynastie. Mais Juju prétend que "chaque session de studio est toujours une aventure! On expérimente constament avec de nouvelles machines, de nouveaux échantillons; ça, c’est le côté créatif. Sur scène, on a toujours été très confiants, c’est là qu’on lâche notre fou"!

Alors que le discours populaire du genre "argent-char-poupoune" domine les palmarès des ventes, particulièrement cette année, les Beatnuts continuent d’imposer leur philosophie mettant de l’avant tout l’aspect musical, nous rappelant que le hip-hop, c’est plus qu’une chaîne en or et une Mercedes. Après tout ce temps, Juju semble néanmoins toujours aussi fasciné par ce milieu: "Cet automne, j’ai très hâte d’entendre l’album de Fifty Cent, celui de Ghostface Killa et Raekwon, le nouveau Jay-Z, évidemment… J’ai beaucoup apprécié le plus récent Redman", lance-t-il avec fougue. Et l’on serait porté à croire que le sentiment est réciproque…

Le 1er septembre
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