

Ping Pong Bitches : Cartes sur table
On n’avait pas vu ça depuis la belle époque du punk. Avec leurs frasques scéniques et leurs grandes gueules, les Ping Pong Bitches sèment le chaos partout où elles passent. Un mélange de kung-fu et de S&M, de disco et de punk: voilà le cocktail détonant de l’un des groupes les plus étonnants du moment.
Nicolas Tittley
Rien de tel qu’une bonne émeute pour susciter les passions et se faire une réputation en moins de deux. Parlez-en aux Ping Pong Bitches, l’un des groupes féminins les plus sulfureux depuis la belle époque des X-Ray Spex et de leur désormais classique cri du coeur Oh Bondage, Up Yours!. Même si les personnes qui ont acheté leur premier mini-album peuvent se compter sur les doigts d’une main, la réputation de provocatrices des Bitches dépasse aujourd’hui largement les frontières de leur Angleterre natale. Affublées de costumes d’inspiration sadomaso, agressives à l’extrême ("Harder than fuck" et "Don’t even think about it" figurent au nombre de leurs slogans coup-de-poing) et adeptes du kung-fu, les filles passent rarement inaperçues. "On a donné le premier concert de notre tournée britannique à Bournemouth, et on avait été faussement présentées comme un groupe de strippers des années 80, explique Louise Prey. Il y avait devant moi une espèce de joueur de rugby qui fumait sa clope, les yeux fermés, en balançant ses deux doigts sous mon nez (l’équivalent britannique du majeur levé). Je me suis lassée et je lui ai arraché sa cigarette, que j’ai brisée en deux, et que je lui ai jetée à la figure. La foule s’est agitée et Emily (Hell) fouettait tout le monde avec son fil de micro pendant que Mandy (Wong) faisait du kung-fu. Le tout a dégénéré en véritable émeute et le concert a duré moins de cinq minutes…"
Voilà comment naissent les légendes au pays du rock’n’roll. Le lendemain des événements, le très sérieux Guardian accordait une note de cinq étoiles sur cinq à leur performance et les Bitches, nouvelles reines du disco-punk, entraient au Panthéon des grands trouble-fêtes du rock, aux côtés des Sex Pistols. Ce n’est d’ailleurs pas par hasard que l’on se permet cette comparaison, puisqu’on remarque la présence du guitariste Steve Jones (ex-Pistols) sur l’album, ainsi que celle de Marco Pirroni (Adam and the Ants) et de Phil Mazanera (Roxy Music). Pas mal pour des débutantes! "Personne ne joue bien de la guitare au sein du groupe, on est surtout concentrées sur nos machines, explique Louise. On a fait appel à ces gars-là pour quelques morceaux, mais on ne veut surtout pas s’embarrasser d’un guitariste sur scène, même si ça nous limite parfois de jouer avec des bandes préenregistrées. En fait, le seul homme qu’on accepte sur scène avec nous, c’est le fabuleux DJ Swamp (collaborateur de Beck) qui sera avec nous pour quelques dates américaines, mais pas chez vous, malheureusement."
Les comparaisons avec les grands trublions du punk ne s’arrêtent pas là. En effet, un certain Malcolm McLaren ("l’inventeur" des Sex Pistols) aurait fait partie de l’entourage des Ping Pong Bitches à leurs débuts. Mais n’allez surtout pas supposer que l’homme est à l’origine du groupe… "Malcolm n’a pas inventé ce groupe, loin de là, proteste Louise. Je faisais déjà de la musique et j’ai collaboré avec quelques gars, mais j’ai vite constaté que je détestais jouer avec des hommes. J’ai donc décidé de fonder les Bitches avec ma copine et, lors d’un séjour à Hong Kong, j’ai commencé à apprendre le chinois parce que j’aime la musicalité de cette langue (on peut d’ailleurs entendre le résultat sur la très pop Chinese Song). C’est à ce moment que Malcolm a entendu parler de nous, et il a flashé sur l’aspect asiatique du groupe; mais il voulait nous transformer en une sorte de karaoké punk, ce qui ne nous intéressait absolument pas."
Alors à quoi ressemble la musique des Bitches? "C’est du disco-punk", lance Louise avec enthousiasme. L’étiquette est assez juste: fascinées par les années 70 et 80, les trois filles vouent un culte à Blondie, aux Runaways et à X-Ray Spex, et l’on pourrait rapprocher leur mini-album des parutions de Chicks on Speed ou, en remontant plus loin, de Fuzzbox. L’entrée en matière Beat You Up ressemble à une version courant d’I Feel Love de Donna Summer, I Love You Necrophiliac s’appuie sur une rythmique presque jungle et Rock Action (avec Steve Jones) est très, vous l’aurez deviné, rock. Étrangement, cette bizarre mutation se retrouve sur Poptones, le label d’Alan McGee, ancien patron de Creation et grand responsable de renouveau de la brit-pop. "On est très contentes de travailler avec Alan, parce qu’il nous laisse un contrôle artistique absolu, lance Louise.
Mais on ne se sent pas partie prenante de sa "scène", ni de quelque mouvement que ce soit en Angleterre, où l’industrie de la musique est tellement stérile et safe en ce moment. Ça ne m’étonne pas que personne ne sache où nous caser."
Alors, devrait-on se protéger en entrant au show des Bitches? "Je ne veux pas que les gens qui viennent nous voir s’attendent à une confrontation, on ne cherche pas à agresser qui que ce soit, explique Louise, qui s’avère franchement adorable et qui parle avec la voix d’une petite écolière britannique. On veut que les gens participent et s’amusent, point. S’ils veulent gueuler, qu’ils gueulent; s’ils veulent que ça brasse, qu’ils brassent… c’est leur affaire. En tout cas, je peux te garantir que personne ne reste indifférent lors de nos concerts."
Avec eX-Girl et Federation X
Le 16 septembre
Au Café Campus
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