

Les Idées heureuses : Cordes royales
Apparemment léger, le spectacle que présente l’ensemble Les Idées heureuses, et qui met en vedette NATALIE CHOQUETTE, fait découvrir des compositeurs méconnus. Quand le divertissement instruit.
Réjean Beaucage
Après avoir ouvert cette saison avec le concert Les Chansonniers d’une presque reine, dédié à Marguerite d’Autriche (1480-1530), voici que l’ensemble Les Idées heureuses nous propose un concert hors série consacré à la musique qu’aimait entendre et interpréter nulle autre que Marie-Antoinette (1755-1793). Intitulé Quand les reines étaient divas, ce spectacle met en vedette dans le rôle-titre l’une des reines des divas, la soprano Natalie Choquette. Avec en sous-titre Un spectacle à en perdre la tête!, on comprend que la soirée sera légère. Les commentaires historiques de la directrice artistique Geneviève Soly seront intercalés entre des danses et des saynètes façon commedia dell’arte, et on nous promet le plus récent sketch de Natalie Choquette intitulé Le Striptease de Marie-Antoinette!
Le programme choisi semble donner raison à ceux qui accusaient "l’Autrichienne" de favoriser les compositeurs étrangers au détriment du répertoire français: Bruni, Vogler, Krumpholtz, Martini, Mozart, Gluck et Marie-Antoinette elle-même éclipsant par exemple un André-Ernest-Modeste Grétry que, par ailleurs, la reine traita tout au long de son règne comme le compositeur national. Mais ces considérations politiques ne sont guère en phase avec le propos de cette soirée dont le but avoué est, bien entendu, le divertissement. Comme c’est l’habitude avec Les Idées heureuses cependant, le plaisir n’exclut pas le travail bien fait, et nous pourrons par exemple entendre le Premier concerto pour clavecin de Georg Joseph Volger qui fut exécuté au concert de la reine en 1872; la pièce a été retrouvée à la Bibliothèque de l’Université Yale par Geneviève Soly, qui en sera bien sûr l’interprète. Elle sera entourée des danseurs Paul-James Dwyer et Marie-Nathalie Lacoursière, d’Isabelle Fortier (harpe) et du quintette de cordes des Idées heureuses pour interpréter les airs en vogue à la cour de Marie-Antoinette. Plaisir d’amour, La Flûte enchantée, Rondo alla Turka et autres Menuets gracieux feront sans doute tourner les têtes!
L’ensemble Les Idées heureuses ouvrira deux jours plus tard la Semaine de musique québécoise pour les cordes de la Société québécoise de recherche en musique (SQRM), qui présente pour la troisième fois une série de concerts consacrée à un type d’instrument spécifique. Bien sûr, il n’est pas évident de trouver ici de la musique locale de l’époque baroque, mais Geneviève Soly, avec l’aide d’Élisabeth Gallat-Morin, a tout de même déniché des pièces qui furent interprétées en Nouvelle-France. Des oeuvres de Michel Blavet et de Michel Pignolet de Montéclair, ainsi qu’une oeuvre anonyme tirée du Livre d’orgue de Montréal, pourront donc être entendues. Chose rarissime pour l’ensemble, son répertoire habituel côtoiera des oeuvres de compositeurs québécois contemporains. Seront aussi au programme: John Réa et ses Demoiselles de Vermeer (pour flûte à bec, clavecin et viole de gambe), Anthony Rozankovic avec Valentine Variations (pour deux violes de gambe) et Serge Arcuri avec Les Mécaniques célestes (pour clavecin, flûte à bec, violon baroque et viole de gambe). La Semaine de musique québécoise pour les cordes se poursuivra avec des concerts de l’ECM-Relève, du trio Fibonacci et de l’ensemble Bradyworks, dans un répertoire plus résolument contemporain.
Les Idées heureuses
Le 5 novembre, 20 h
Salle Pierre-Mercure, 300, boul. De Maisonneuve Est
Rens: 790-1245
SQRM: Semaine de musique québécoise pour les cordes
Les 7, 8, 9 et 10 novembre, 20 h
Chapelle historique du Bon-Pasteur, 100, rue Sherbrooke Est
Entrée libre
Louis Lortie / James Ehnes
Louis Lortie termine ce jeudi à Pierre-Mercure son exploration des oeuvres de Beethoven pour piano, violon et violoncelle. Au début d’octobre, il nous offrait avec James Ehnes les 10 sonates pour piano et violon, et peut-être aurez-vous ressenti l’envie d’en apporter un peu à la maison. De Vancouver nous arrive sur étiquette Skylark un coffret de trois disques comprenant justement ces 10 sonates. Bien sûr, ce n’est pas Lortie et Ehnes; mais c’est tout de même Jane Coop et Andrew Dawes, des interprètes qui comptent parmi les meilleurs au Canada. Beethoven les fait passer par tous les états, et le dialogue entre la pianiste et le violoniste reste fluide. Les 10 sonates constituent un corpus très varié, sans doute moins connu que les symphonies, mais qui gagne à être découvert. Ce coffret nous offre une excellente occasion de le faire à notre rythme.
Si, à propos des concerts du début octobre, ce n’est pas de Beethoven que vous vous ennuyez, mais plutôt de James Ehnes, courez chercher son Concert français, paru récemment chez Analekta, dans la collection Fleur de Lys. Le jeune violoniste nous y présente, avec l’Orchestre symphonique de Québec sous la direction de Yoav Talmi, un programme dans lequel son jeu est mis en valeur par un répertoire rafraîchissant. Camille Saint-Saëns, Hector Berlioz, Ernest Chausson, Claude Debussy, Darius Milhaud et Jules Massenet sont servis par l’orchestre et le soliste, avec l’éclairage adéquat, et les pièces s’enchaînent agréablement.
Jane Coop / Andrew Dawes: Beethoven, sonates pour piano & violon; Skylark (0101)
James Ehnes, OSQ / Yoav Talmi: Concert français; Analekta, collection Fleur de Lys (FL 2 3151)
Interactivité musique/technologie
L’évolution des instruments de musique et, conséquemment, l’évolution de la musique sont intimement liées à celle des diverses technologies qui nous entourent. L’événement Interactivité musique/technologie, qui se tenait les 20, 26, 27 et 28 octobre, nous a permis de goûter quelques saveurs trop peu répandues dans nos salles de concert, mais qui ne pourront que gagner du terrain puisque, comme on dit, on n’arrête pas le progrès. Qu’il s’agisse d’utiliser les ressources de l’informatique pour analyser un son jusque dans ses plus infimes replis harmoniques afin d’en déduire une partition pour ensemble, comme c’est le cas pour la musique spectrale de Tristan Murail; ou qu’il s’agisse de générer électroniquement des sons inouïs: les apports des nouvelles technologies au domaine de la musique "sérieuse", s’ils peuvent se généraliser, ont encore un bel avenir.
La musique mixte qui nous a été présentée durant les différents concerts, jumelant instrumentistes et traitements électroniques en direct, et empruntant même au concert acousmatique son principe de diffusion périphérique, qui place l’auditeur au centre de l’oeuvre, est encore trop peu pratiquée. Les musiciens et musiciennes de l’ensemble Les Temps Modernes, de Lyon, ont fait preuve d’un grand savoir-faire en la matière, et l’amplification ajoutée à leurs instruments ne nous a permis que d’apprécier davantage leur talent. Rainer Boesch, qui officiait avec l’ensemble au piano, nous a offert la création de sa pièce Neiges lointaines, conçue selon sa méthode d’improvisation générative; ce fut certainement l’un des beaux moments de ces quelques jours. Seul reproche aux organisateurs: la prochaine fois, il faudra prévoir des salles plus grandes!