Steve Dumas : Airs d'aller
Musique

Steve Dumas : Airs d’aller

À 22 ans, STEVE DUMAS surprend autant par son talent de créateur que par l’humilité dont il fait preuve. Les plus importants honneurs des festivals consacrés à la chanson québécoise à son actif, c’est vers la pop et le rock que se tourne désormais le jeune auteur-compositeur-interprète. Work in progress.

D’abord reconnu pour ses chansons à l’état brut par le jury de Granby et le public de Petite-Vallée, Dumas arrivait, au printemps dernier, muni d’un album étonnant, mariage de pièces de facture traditionnelle et d’arrangements électro-rock. Moderne, autant sur le plan des textes que de la musique, Dumas incarne cette nouvelle génération qui, sans rejeter le passé, préfère toutefois s’inscrire dans le présent.

Après avoir épuisé les politesses d’usage et les sempiternelles questions météorologiques, l’auteur-compositeur-interprète raconte son passage vers ces sonorités "nouvelles technologies", son inscription dans une inexorable modernité: "Tout est une question de moyens, c’est-à-dire que j’ai toujours eu l’idée de faire comme ça, sauf qu’à l’époque de Granby, j’avais seulement une guitare acoustique, alors… Ensuite, Alain Quirion [ex-Zébulon, qui cosigne la réalisation de l’album avec Carl Bastien à qui on doit le dernier Daniel Bélanger], est arrivé avec son sampler et j’ai joué avec ça, mais j’ai toujours eu ce son en tête. Je pensais à Bashung, une de mes influences, et à ce côté rock électronique; ce qui fait que, dès leur composition, j’avais imaginé pour mes chansons des arrangements plus évolués que le simple style du chansonnier."

Démence stylistique en création
Dans un effort schizophrénique opposant la simplicité des refrains accrocheurs aux pirouettes langagières, Dumas bâtit un univers lyrique qui s’inscrit en faux devant la complaisance des textes analytiques et la vacuité de la pop.

Dès lors, il modère les effets comme le propos: "J’apprécie les choses plus sombres, mais j’ai la crainte que ça devienne plaintif et donc moins intéressant. J’aime quand c’est vrai, mais il ne faut pas que ça devienne une thérapie. En même temps, je suis un amoureux de la pop, ce qui fait que c’était primordial pour moi d’avoir ces petits "hooks" dans les chansons. Je voulais aller chercher de la profondeur en gardant un côté pop; je sais que ça peut paraître paradoxal, mais je pense plutôt que ça se complète bien."

Visiblement embêté, le musicien pose par ailleurs un regard incertain sur les phénomènes alchimiques de la création. Ses textes ont beau s’alimenter du réel et du fictif, puiser dans les références culturelles à n’en plus finir, l’auteur croit avoir affaire à un système de vases communicants dont les secrets demeurent, du moins pour l’instant, cryptés. "L’alternance entre le domaine du réel et la fiction me permet d’abord de créer des belles images. Je veux seulement créer quelque chose de beau", trouve-t-il à dire, dubitatif.

Quant aux référents culturels qu’on n’aura pas manqué de souligner lors d’entrevues précédentes, il se fait plus loquace: "En chanson, tu as trois minutes pour amener l’auditeur quelque part. Je considère que l’usage de la référence te transporte très vite dans un univers assez précis. Dans Miss Ecstasy, je parle de Sur la route de Kerouac et on comprend vite qu’il est question de voyage. Alain Souchon fait ça très souvent aussi et j’adore ça. Quand il nomme Claudia Schiffer ou Sophie Marceau, on comprend exactement où il nous amène, ça ouvre la chanson. D’autres fois, c’est juste pour m’amuser, comme dans Espresso, le premier couplet nomme trois ou quatre romans de Hubert Aquin dans une chanson que je crois en même temps assez fidèle à l’univers de l’auteur." Un mélange d’hommage et de défi personnel, précise-t-il à ce sujet.

Maturation en cours
Bien qu’il assume entièrement le contenu de son premier album, on sent que Dumas est déjà ailleurs, un peu plus loin que le laisse entendre le disque. À 22 ans, on se contente difficilement du statu quo: "Ça fait déjà un an que j’ai écrit ces chansons-là, c’est loin pour moi. J’ai appris tellement de choses en un an, je suis rendu beaucoup plus loin, je me sens nettement plus en possession de mes moyens aussi. Je suis meilleur techniquement, je fais mes maquettes tout seul maintenant. J’ai déjà très hâte au prochain [disque]."

Exempt de toute forme de prétention, Steve Dumas discute de musique avec engouement, ponctuant ses réponses d’éclats d’un rire franc, sans façade. Ainsi abonde-t-il dans le même sens que les critiques qui perçoivent chez lui l’essence du créateur, mais un évident besoin de maturation: "Regarde, je pense que j’étais prêt pour faire ce disque-là et, pour apprendre, il faut en faire. Bien sûr, il y aurait un problème si je disais que c’est comme ça [que j’écris] et ça finit là… Mais non, je sais qu’il y a de la maturité à acquérir, et tant mieux si les critiques ont vu qu’il se passe quelque chose là."

Le 2 novembre
À la Maison de la Chanson
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