

Gabrielle Destroismaisons : Mademoiselle âge tendre
Révélation de l’année à l’ADISQ, GABRIELLE DESTROISMAISONS poursuit son chemin vers les hautes sphères de la pop québécoise. A priori d’une touchante candeur, la chanteuse se révèle soucieuse d’être autre chose qu’un produit interchangeable de la pop musique. Questions et réponses.
David Desjardins
Photo : Erick Labbé
Entre les paradoxaux appels à la virginité de la sulfureuse Britney Spears et les déboires psychologiques de Mariah Carey, les pop stars n’ont ni bonne presse ni l’aval d’un public assommé par les caprices des vedettes. Pourtant, ce sont toujours ceux et celles qui optent pour l’insoutenable légèreté de la méga-pop qui cartonnent au moment de passer à la caisse. Un phénomène inéluctable.
Comme la diva de Charlemagne, Gabrielle Destroismaisons alimente le rêve américain d’une nobody sortie de nulle part (Saint-Lin en l’occurrence) accédant, du jour au lendemain, au statut de star. L’année dernière, à 17 ans, elle faisait paraître son premier album sous l’étiquette de Guy Cloutier et Nick Carbone et se voyait propulsée illico au rang de star québécoise de la pop. Révélation de l’année au gala de l’ADISQ il y a deux semaines, elle attendrissait un public ému par son ostensible désarroi.
Aujourd’hui, Gabrielle a 18 ans et – hormis cette légère perte de contrôle lors dudit gala- affiche une assurance certaine. Mais au-delà de son indéniable popularité et de son physique irréprochable, la jeune femme a-t-elle quelque chose à raconter? Que vaut réellement la pop? Se considère-t-elle comme un produit? La valeur marchande qu’on accorde au sexe dans la pop est-elle morale? Que ressent-elle, en tant qu’être humain, devant la violence des événements du 11 septembre? Elle répond.
Outre le divertissement pur, la pop a-t-elle, selon toi, une autre fonction?
"Je ne le sais pas. Ce n’est pas une musique qui est là pour faire la morale ou pour faire réfléchir. C’est léger. En tant que fille de 17 ans, je n’aurais pas commencé avec une musique pesante. Un jour, j’espère pouvoir aller un peu plus en profondeur."
Dans la pochette de ton album, tu cites Bob Dylan à titre d’influence. Pourquoi?
"J’ai grandi avec la musique de Bob Dylan à la maison. Quand j’étais jeune j’haïssais ça parce que ça jouait tout le temps. Aujourd’hui, je me surprends à aller acheter ses disques. La plupart des chansons de Dylan ont une âme. Je n’aime pas juste la pop; mon groupe préféré est Silverchair; j’aime aussi beaucoup les Flangers qui viennent d’ici. Je peux aller chercher dans tous les styles que j’apprécie et je peux piger là-dedans pour faire ma musique. L’âme des chansons de Dylan vient me chercher, me fait chavirer."
On t’a souvent comparée à Britney Spears et Christina Aguilera, qui sont bien plus des objets sexuels que des chanteuses. À l’évidence, le sexe vend. Qu’en penses-tu?
"Moi, ça m’écoeure. La comparaison avec Britney Spears ne me faisait pas vraiment plaisir. Peut-être que le son se ressemble, mais je ne pense pas que tu as besoin de baisser tes culottes pour vendre des disques. On dirait que c’est ça que ça prend aux États-Unis: tu lèves ton chandail et tu vends tes disques. Moi, je ne veux pas faire ça, je pense que j’ai assez de personnalité pour ne pas avoir à le faire. Bon, c’est certain aussi que ça dépend du contexte. Si c’est un show de télé sur le bord de la mer, ok, tu mets ton bikini."
Mais tu es consciente de ta beauté physique et qu’on capitalise quand même sur ton corps?
"Oui, oui. J’en suis consciente et j’aime ça dans un certain sens. Je suis coquette et je ne me cacherai pas non plus. Tu peux être sexy sans être vulgaire."
La pop est un produit qu’on veut rentable, souvent vide de contenu et qui se calcule en palmarès, ventes et profits à court terme. As-tu conscience d’être vendue comme un package, un objet?
"Mon équipe ne me fait pas me sentir comme ça. Je te le jure, si je me sentais comme un produit, je ne serais pas là. Il n’y a pas que la musique, j’ai d’autres rêves dans la vie. Quand j’ai décidé que j’allais faire de la pop, je ne voulais juste pas que ce soit de la pop bonbon et que ça passe comme un produit jetable. Je ne veux pas être une mode éphémère."
Tu me dis que ton groupe favori est Silverchair, donc assez loin de ce que tu fais actuellement. La pop est-elle un outil pour parvenir à tes fins?
"Certainement, c’est un tremplin. Je me suis acheté un clavier et j’aimerais pouvoir écrire les paroles et la musique de mes chansons, faire mes albums au complet. Pas le prochain, mais un jour. J’aimerais aussi faire de la télévision."
Comment as-tu réagi aux événements du 11 septembre?
"Très mal, j’ai un ami qui habite là-bas. Je dois t’avouer que je trouve ça dégueulasse. En même temps, je regarde la situation et je me demande comment des gens peuvent vivre dans le sable à notre époque. Il y a du monde qui meurt de faim. Oui, ça a beaucoup éveillé ma conscience sociale. Je n’en reviens pas de regarder autour de moi ici, et d’imaginer que des gens vivent comme ça aujourd’hui. Ce que j’ai ressenti quand j’ai vu tous ces morts… D’abord, je me suis sentie carrément inutile; je me suis sentie minuscule dans l’univers. Je me suis vraiment rendu compte que la vie est fragile."
Le 10 novembre
Au Cabaret du Capitole
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