Chants Libres : La belle saison
Musique

Chants Libres : La belle saison

Une création de la compagnie Chants Libres est toujours un projet à grand déploiement. Ce sera le cas lors de cette 11e saison, qu’ouvrira Le Manuscrit trouvé à  Saragosse.

La compagnie lyrique de création Chants Libres présente en création mondiale, les 22, 23 et 24 novembre à la Salle Pierre-Mercure, l’opéra Manuscrit trouvé à Saragosse du compositeur José Evangelista et du librettiste Alexis Nouss (d’après le roman de Jan Potocki), dans une mise en scène de Wajdi Mouawad. Pour sa 11e saison, la directrice artistique Pauline Vaillancourt est heureuse de pouvoir présenter un projet sur lequel la compagnie travaille depuis longtemps: "Ç’a été long en effet parce que c’est une grosse production, comme on ne peut pas s’en permettre tous les ans, et on n’en fait qu’une par année…" C’était même une assez grosse production pour qu’elle devienne une coproduction, puisque ce sont les musiciens de la Société de musique contemporaine du Québec et Walter Boudreau qui fournissent le support musical aux neuf chanteurs et chanteuses nécessaires à l’interprétation de la trentaine de rôles que compte la distribution.

C’est le compositeur qui proposait en 1994 le projet à Pauline Vaillancourt, inspiré par le film de 1964 de Wojciech J. Has, mais aussi bien sûr par le roman de Potocki, écrit au début du XIXe siècle et qui raconte le parcours initiatique que suit durant 24 jours le pauvre Alphonse, tentant de se rendre à Madrid par le chemin le plus court et traversant une vallée sombre où il sera assailli par des spectres, succubes et autres forces des ténèbres. Ce parcours offre au compositeur l’occasion de toucher à autant de styles musicaux qu’il y a de personnages ou de situations; ainsi la musique est tantôt espagnole ou juive et tantôt de tradition grecque ou islamique, le plus grand souci du compositeur étant de ne pas masquer le texte: "Les chanteurs chantent presque tout le temps, mais ça m’attire justement de faire quelque chose qui soit à mi-chemin entre le théâtre conventionnel et "l’opéra", où l’on ne comprend rien." Alexis Nouss poursuit: "Le premier travail s’est fait en collaboration pour dégager une structure; ensuite, et c’était très important pour nous, parce que la langue de Potocki est tellement belle, tellement colorée, musicale, évocatrice que nous voulions utiliser ce matériau langagier, je dirais qu’à part une dizaine de mots, le texte est véritablement celui de Potocki – et c’était tout un défi, considérant qu’il s’agit tout de même d’un roman de 600 pages." Les deux se félicitent d’avoir trouvé chez Wajdi Mouawad la même volonté de respect du texte.

Manuscrit trouvé à Saragosse est la première production de Chants Libres dans laquelle on ne verra ni n’entendra Pauline Vaillancourt. "C’est une décision personnelle, parce que José avait écrit un rôle pour moi, mais je préfère me réserver davantage pour la conception; et il y a aussi les reprises de certains spectacles en tournée qui exigent beaucoup. Il y a des choses que je n’oserais pas proposer à quelqu’un d’autre, parce que j’ai une technique qui me permet d’aller vers l’expérimental. Mais lorsqu’il s’agit d’oeuvres plus lyriques, comme celle d’Evangelista, je peux très bien céder la place à d’autres chanteurs, d’abord parce que ça leur donne la chance de participer à une production, et ensuite parce que ça me permet de ne pas m’éloigner de mes préoccupations. Et puis ça me donnera un recul sur nos productions que je ne peux pas avoir lorsque je suis sur scène." Un recul dont la directrice artistique saura sans doute tirer profit dans la préparation des saisons à venir. Chants Libres prévoit en effet pour 2002 un festival international intitulé OpérActuel, de même qu’un opéra pour enfants, afin de favoriser un renouvellement du public. Non contente, donc, de permettre à tout un bassin de compositeurs, metteurs en scène, interprètes et librettistes de continuer la tradition de l’opéra, la compagnie Chants Libres doit encore travailler au "développement du public"! Pauline Vaillancourt considère qu’elle doit se battre aujourd’hui autant qu’au premier jour: "Je rêve d’obtenir le budget ne serait-ce que d’une seule production de l’Opéra de Montréal; avec ça, je ferais quatre productions dans une année! Il y a une relève à former, mais nous n’avons même pas de salle de répétition…"

Espérons pour Chants Libres que les personnes qui votent les budgets dévolus aux arts sauront trouver un trou dans leur agenda pour assister à cette production qui ne disposera que de trois jours pour les séduire. José Evangelista qualifie lui-même le spectacle de "presque grand public"; c’est ce qu’on lui souhaite.

Manuscrit trouvé à Saragosse
Les 22, 23 et 24 novembre
Salle Pierre-Mercure du Centre Pierre-Péladeau
Info: 987-6919 ou 843-9305