WD-40 : Légendes urbaines
Musique

WD-40 : Légendes urbaines

Les choses n’ont pas toujours été roses pour WD-40, qui, avant de connaître les feux de la rampe, a rampé dans les bas-fonds fangeux de l’anonymat. Histoire d’un fabuleux groupe de Bleuets qui faillit, entre deux brosses, conquérir le monde dans son fidèle camion…

Alex Jones et ses deux comparses (son frère, le guitariste Jean-Loup Lebrun, et le batteur Jules 40) ont connu une carrière pour le moins surprenante, qui les a menés de la Californie à Montmartre, en passant par Sherbrooke, et qui est résumée sur Fantastik Strapagosse, un quatrième album en forme d’anthologie. Tout ce qui fait l’identité du WD-40 d’hier et d’aujourd’hui y est décliné en musique et intermèdes sonores en tout genre: du punk au country, en passant par le jazz et le gros rock sale. Pour lier la sauce, on a ajouté quelques délires éthyliques, de bonnes blagues grivoises et de sombres questionnements existentiels; des excès, des groupies droguées, des menaces de séparation. Bref, les éléments nécessaires à tout groupe de rock qui aspire au statut de légende vivante. Fantastik Strapagosse, c’est le point culminant d’une carrière érigée dans la sueur et le sang, et une fantastique vengeance contre les mauvaises langues qui vouaient ce petit band de garage aux gémonies. En d’autres mots, c’est un triomphe, tout underground soit-il.

Départ volontaire
Se sentant mal-aimés et incompris dans leur Chicoutimi natal, les frères Jones se sont exilés dès qu’ils l’ont pu, gagnant la métropole, où ils espéraient faire fortune dans le merveilleux monde du rock’n’roll. "Je suis arrivé à Montréal en 1992, pis j’ai joué dans les groupes 84-78 et Raymond Sauvage, qui ont floppé tous les deux, relate Alex. Vers 1994, j’ai lancé WD-40 pour le fun, même si, dans le fond, ce que j’espérais vraiment, c’était de devenir une vedette de rock, jamais avoir à travailler, et recevoir assez de redevances de la SOCAN pour rester chez nous à me pogner le cul."

Le groupe, au gré des changements de personnel, enregistre quelques cassettes-démos, dont la classique Né pour être sauvage; puis commence à travailler, entre deux participations à des concours, sur des albums. À l’époque de Crampe en masse, on les qualifie de country-trash-garage; puis, lorsque paraît Aux frontières de l’asphalte, en 1999, la production se raffine et les influences country se font de plus en plus présentes. WD-40 se sent prêt à passer à la vitesse supérieure. "On aurait ben aimé aller jouer en Europe après la parution d’Aux frontières de l’asphalte; mais on se frappait encore aux mêmes problèmes, explique Alex. On se faisait dire qu’on n’était pas assez western pour être western; pas assez chanson pour être chanson; pis pas assez punk pour être punk. Ça m’a toujours fait chier, ces histoires de format!" Outsider un jour…

À la croisée des chemins
Après avoir signé ce qui était jusqu’alors son meilleur disque, WD-40 a connu un passage à vide. "Les choses allaient bien: j’ai gagné le prix d’artiste pop de l’année au gala des MIMI; puis après, plus rien. Ma blonde était en Chine, pis elle voulait plus revenir; on devait faire des vidéos qui n’ont jamais vu le jour, et l’album ne se vendait pas aussi bien qu’on l’aurait voulu. C’est clair que cette période sombre a influencé l’écriture de Fantastik Strapagosse." Pour Alex, Jean-Loup et Jules, WD-40 est à la fois une source de vie et une malédiction. Véritable Sisyphe du rock, le groupe est condamné à rouler sa grosse pierre jour après jour, pour la voir retomber dès qu’il croit avoir atteint le sommet.

"C’est vraiment tough de faire du rock au Québec, pis ça l’est encore plus pour nous, lance Jean-Loup. Après sept ans, on a encore mauvaise réputation, même auprès des autres musiciens avec qui on partage parfois la scène. Ils nous prennent pour des clowns mais après nous avoir entendus live, ils viennent nous voir pour nous dire: "O.K., vous savez jouer de vos instruments!" Si tu savais le nombre de personnes qui pensent qu’on est des vrais mongols!"

"Faut dire qu’on a fait ben des shows tout croches, intervient Alex. On a joué ben saouls, ou ben gelés sur l’acide: ce qui a quand même contribué à notre mauvaise réputation…"

"Oui, mais depuis une couple d’années, on fait plus attention, pis on donne des maudits bons spectacles", poursuit Jean-Loup.

Vrai que ces dernières années, les trois ours mal léchés ont franchi quelques étapes vers la respectabilité, notamment par leur participation à l’émission Les Décrocheurs d’étoiles, à la Première Chaîne de Radio-Canada; puis grâce à une apparition au Off Festival de Jazz de cette année, qui a aussi laissé des traces sur l’album. En fait, Alex n’a qu’un seul regret par rapport à ce nouveau disque: "Oui, il manque un truc sur la pochette. On aurait dû y inscrire "Play it ben stone"." Vous voilà avertis…

Le 29 novembre
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