Mélanie Renaud : Hasards ou coïncidences
Musique

Mélanie Renaud : Hasards ou coïncidences

Des télégrammes chantants à l’album solo, il y a un pas, peut-être même deux. À la veille de son premier spectacle d’envergure à Québec, la chanteuse revient sur un passé marqué par le sceau du destin et de la volonté de réussir.

À 20 ans, Mélanie Renaud affiche une feuille de route impressionnante, une histoire filée par le destin et les rencontres inattendues. Il y a trois ans, sa mère l’inscrit au concours de chanson de Granby où elle parvient à se hisser jusqu’en finale, puis, lasse de perdre son temps au cégep, elle laisse tomber les études. C’est au cours d’un mariage, à la même période, qu’une personne de l’entourage de Rainmen l’entend chanter et lui propose de travailler avec les rappeurs.

La voix chaude et assurée de Mélanie fait mouche et le destin aidant encore une fois, elle atterrit en studio pour y faire des voix de support pour Éric Lapointe. Le reste de sa genèse professionnelle entre dans la légende: la chanson Mon ange sur laquelle elle chante se hisse au sommet de tous les palmarès, les tournées avec Éric Lapointe, les prestations télévisées, puis une proposition d’enregistrement de matériel original…

Quelques mois plus tard, une plaquette d’un blanc émaillé sur laquelle elle affiche un sourire timide, le regard posé sur le sol et les mains sur le front, fait son entrée chez les disquaires. Tout va tellement vite que Mélanie a peine à suivre le rythme sans se cramponner afin de garder l’équilibre. "Je ne me questionne pas tellement sur la business par contre", confie-t-elle à ce sujet, préférant s’en remettre à son entourage, mais tenant tout de même à comprendre les tenants et aboutissants de chaque action entreprise.

Retour sur soi
Par ce passage fulgurant de l’anonymat aux feux de la rampe, la chanteuse se découvre: "J’apprends à me connaître à travers tout ça. Mon instrument, c’est ma voix, donc très intérieur et j’apprends ce que j’aime et ce que je ne n’aime pas [ressentir] à l’intérieur", explique Mélanie à propos de cette introspection plus ou moins forcée, néanmoins hygiénique pour l’âme. "À 20 ans, je ne me connais pas comme si j’en avais 40. Alors, en parlant aux gens, aux journalistes, et en répondant à leurs questions, j’apprends à me connaître aussi. C’est le bon côté de la chose", confie-t-elle. Autant dire que la chanteuse voit son journal intime distribué à des milliers d’exemplaires, un phénomène inéluctable du showbizz dont elle ne semble pas se formaliser.

Mais il n’y pas que dans sa vie privée que la chanteuse se cherche, car, sur cet album intitulé Ma liberté, elle signe aussi les textes de trois chansons à caractère personnel qui, comme il se doit, traitent de déception amoureuse. Avec assurance, elle s’y dévoile, affichant une sensibilité à fleur de peau, étalant ses états d’âme dans le registre des rapports amoureux difficiles et déchirants, ironisant sur la désillusion qu’entraînent les départs, les ruptures, laissant transparaître une force de caractère impressionnante. "Je n’existe que pour moi", chante-t-elle sur Rien à foutre de toi, envoyant celui qui l’a trahie se faire voir ailleurs, en se marrant un peu quand même, car la chanteuse ne se prend pas la tête. "Je me fâche dans cette chanson, dit-elle, mais en fait, je joue, c’est de la comédie."

Mélanie Renaud conserve une certaine pudeur devant les textes, un détachement, avouant que ce qui la préoccupe avant tout, "c’est le groove, le feeling". Quant aux paroles de cet album aux accents soul, r’n’b et pop qu’elle doit aux Corcoran, Tabra, Lapointe ou Cossette, elle se les approprie sans embûche, faisant siens leurs personnages, siennes les émotions véhiculées avec la flexibilité de l’interprète, la sensibilité de l’auteur aidant. "Il y a le travail vocal qui m’aide aussi à me les approprier, mais il faut que je me sente concernée, que je puisse m’identifier aux personnages."

Le choix des armes
Noble ambition, c’est à la sagesse qu’aspire Mélanie Renaud. Avec tout le recul possible, elle considère chaque expérience comme un apprentissage, un approfondissement de ses connaissances du fonctionnement du studio, de la création. "Je commence de plus en plus à savoir ce qu’est mon son, le son Mélanie Renaud. Je pense que pour le prochain album, je vais avoir encore plus d’idées grâce à toutes ces choses que j’aurai apprises", espère-t-elle, le plus humblement du monde.

Mais n’allez pas croire qu’il s’agit là d’un constat d’insatisfaction devant son premier disque, que la chanteuse donnerait préférablement dans un son à la Destiny’s Child. "J’aime le pop aussi, ce qui est bon, c’est d’avoir les deux", explique-t-elle, ajoutant que ses préférences vont autant du côté des Missy Elliot et Alliyah que de celui des Luce Dufault et Laurence Jalbert.

Celle qui, il n’y a pas si longtemps, travaillait pour une compagnie de télégrammes chantants (parfois déguisée en poule (sic!)) et qui montera dans quelques jours sur les planches du Cabaret du Capitole croit au destin, convaincue qu’il s’agit d’un facteur déterminant dans sa réussite. Cependant, elle est à des lieues d’un mysticisme aveuglant. La vie n’est pas une loto et Mélanie Renaud, bien qu’elle remette une part de sa vie entre les mains d’une destinée aux avenues sombres, fait preuve d’une attachante naïveté qui semble passablement calculée, n’attribuant au hasard qu’une part du mérite: "Je crois au destin, mais on peut aussi être maître de soi. Il faut se convaincre qu’on peut y arriver, il faut avoir des rêves, y croire dur pour que ça arrive."

Le 13 décembre
Au Cabaret du Capitole