Catherine Lambert : Une histoire réinventée
Musique

Catherine Lambert : Une histoire réinventée

Après nous avoir donné un album, Puisqu’en oubli, qui a ravi bien des oreilles, CATHERINE LAMBERT nous revient, trois ans presque jour pour jour plus tard, avec un second disque, éponyme celui-ci, mais à nouveau consacré à la musique  médiévale.

Comme elle le réaffirme en entrevue, Catherine Lambert n’a pas la "prétention" de présenter le répertoire médiéval de la façon la plus orthodoxe: "Ces mélodies, c’est comme naturel, je me sens proche d’elles. C’est quelque chose qui me ressemble. Ça m’inspire. Pour moi, c’est un coup de foudre. C’est mille ans d’histoire aussi." La chanteuse et son comparse de la première heure, le guitariste Dominique Lanoie, abordent ces pièces avec le plus grand respect mais, à l’aide d’instruments acoustiques traditionnels comme contemporains, les présentent sous une lumière nouvelle.

Plusieurs chansons proviennent des XIIe et XIIIe siècles français et nous permettent de renouer avec l’univers des troubadours (le sud, la langue d’oc) et des trouvères (le nord, la langue d’oïl). L’interprète ajoute: "Les troubadours étaient plutôt machos alors que les trouvères vouaient un culte particulier à la Vierge Marie." La chanson courtoise n’abordait donc pas que le thème de l’amour, mais exprimait la conscience que la vie est éphémère et surtout à quoi elle tient essentiellement. Le début du XIIIe siècle français voit apparaître un nouveau genre musical: le conduit. "Pour la première fois, dira Catherine Lambert, le musicien compose des mélodies et n’est plus tenu de s’inspirer du grégorien et des mélodies liturgiques existantes." Eux associent ce genre à Pérotion, le maître de l’école polyphonique. Ô Maria, habituellement interprétée à deux ou trois voix, l’est par une seule. L’une des fort belles pièces de ce recueil!

La première grande caractéristique qui distingue ce disque du précédent concerne le répertoire. Ce dernier s’élargit à de nombreux autres pays ou régions: l’Andalousie, l’Espagne, la Bulgarie, la Syrie, les Balkans au sens plus large. La crise politique actuelle rappelle comment, à cause de conflits ethniques ou religieux, des frontières furent redessinées, des cultures réduites à rien. Le corpus du disque de Catherine Lambert rappelle par ailleurs comment des chansons ont su résister à l’épreuve du temps, survivre. Par exemple, les Juifs vécurent en Espagne plus de mille ans. C’est l’Inquisition qui mit fin à des siècles de coexistence entre juifs, musulmans et catholiques. En exil, la chanson permet de traverser les frontières. Yo m’enamori d’un aire est un fort bel exemple de mémoire vive sur la plaie vive de l’exil. "J’ai fait un voyage en Espagne, dira l’artiste, je me suis rendu compte que mes chansons préférées étaient les chansons séfarades [chansons des Juifs d’Espagne au Moyen-Âge]." Ithyo diothèb est la chanson la plus ancienne. Écrite en araméen (langue parlée en Égypte, en Palestine et en Syrie entre le VIIe siècle av. J.-C. et le IXe ap. J.-C.), cette pièce nous fait vivre un total ravissement: à cause de la voix de Lambert et du jeu d’un quatuor à cordes. "Nous avons enregistré les cordes dans une église de Terrebonne."

La deuxième grande caractéristique qui peut rendre compte de ce nouveau disque se trouve du côté de l’instrumentation et des arrangements. Dominique Lanoie, aux arrangements et à la production, a fait un travail remarquable. Lanoie (Faubert/Charlebois) aux multiples guitares (guitare résophonique, lap steel) et Patrick Graham aux percussions (tant japonaises qu’africaines) explorent de nouvelles sonorités et cherchent le meilleur contexte pour chaque chanson. Sur disque s’ajoutent au trio Lambert-Lanoie-Graham Bernard Cormier (violon), Line Therrien (violon), Ligia Paquin (alto), Russell Gagnon (violoncelle), Eric Senécal (orgue) et Daniel Thonon (vielle à roue). On ne peut passer sous silence un musicien de l’ombre, le preneur de son Claude Champagne, le disque étant exceptionnellement bien enregistré. Catherine Lambert appartient maintenant à une petite équipe bien dynamique où nous retrouvons Michel Faubert, Urbain Desbois, Fred Fortin, René Lussier, Les Chiens, Gros Mené.

En concert samedi soir à la Maison de la Chanson, Catherine Lambert sera entourée de deux guitaristes (Dominique Lanoie et Claude Fradette) et d’un percussionniste (Patrick Graham). Des amateurs de musiques aussi différentes que celles d’Esther Lamandier, de Dead Can Dance ou de Radio Tarifa aimeront ce récital. La voix de Catherine Lambert fait descendre sur nous lenteur, sérénité et harmonie.

Le 26 janvier
À la Maison de la Chanson
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