Hayden : Rase campagne
Musique

Hayden : Rase campagne

Chanteur intimiste, HAYDEN pourrait évoquer, dans ses petites chansons folk nouveau genre, des paysages loin des contraintes urbaines. Mais il ne faudrait pas se concentrer sur l’arbre qui cache la forêt….

La voix est traînante, quelque peu empâtée, mais empreinte d’une sérénité certaine. On imagine aisément Hayden Desser, joint chez lui au téléphone, contemplant un magnifique coucher de soleil enflammant la surface d’un lac gelé dans le nord de son Ontario natal. Et pourtant, c’est de son appartement au coeur de la très agitée Toronto que le chanteur répond à nos questions. "Tu t’attendais à ce que je coule des jours tranquilles dans le Grand Nord, à regarder la cambrousse bien emmitouflé dans un manteau de fourrure, c’est ça? lance, pince-sans-rire, l’auteur-compositeur. C’est drôle; les gens qui entendent ma musique pour la première fois ont souvent l’impression que je suis une sorte d’ermite naturaliste. Je suis peut-être un solitaire, mais je suis bien urbain."

On avait toutes les raisons de croire Hayden reclus et isolé dans un quelconque bout du monde. En effet, trois longues années séparent Skyscraper National Park, son plus récent album, de son prédécesseur The Closer I Get. Sur ces nouvelles chansons, il semble avoir abandonné les beuglantes de son troublant et excellent premier album, Everything I Long For, au profit d’un salutaire dépouillement. Dans cet assemblage pas complètement apaisé de morceaux folk nouveau genre, on pourrait trouver des filiations avec Elliott Smith (All in One Move), voire Smog, mais en moins neurasthénique (voir l’excellente Dynamite Walls, improbable premier single affichant près de sept minutes au compteur). Des guitares acoustiques, un peu de slide, de discrets arrangements de cordes ou un piano servent de charpente à ces petits morceaux intimistes qui donnent presque envie d’allumer un feu de camp au coin des rues Bloor et Yonge. "J’adore le nord de l’Ontario; j’ai souvent passé de bons moments là-bas au chalet d’un ami, avoue Hayden, poursuivant la discussion sur le thème des grands espaces qu’évoque parfois sa musique. Il y a de magnifiques parcs nationaux, et la nature produit un effet colossal; mais si tu portes attention aux textes de mes chansons, tu verras qu’elles traitent essentiellement de relations humaines. À ce jour, je n’ai encore jamais écrit de déclaration d’amour à un orignal! Qui sait, peut-être que si j’habitais vraiment dans le Grand Nord, j’écrirais des chansons parlant de magasinage au Centre Eaton."

C’est donc dans cette dualité ville-campagne que l’on cherchera l’essence de Hayden. Car même si la pochette de Skyscraper National Park, d’une sobriété spartiate dans sa robe de carton recyclé, propose, en guise de visuel, des images d’un caribou et d’un ours brun, le titre ("Parc national des gratte-ciel") évoque la nature urbaine de son auteur. "Ce titre, je l’avais en tête depuis un bon moment déjà. C’est une phrase tirée de Slapstick, un livre de Kurt Vonnegut, dans lequel il décrit la vision d’un New York post-apocalyptique comme un Skyscraper National Park. Cette phrase m’avait tellement marqué que c’est ainsi que j’avais baptisé mon studio maison; au moment de chercher un titre pour ce disque, j’ai trouvé que, d’une manière assez indéfinie, cette phrase en résumait assez bien l’esprit."

Dans la forêt de ce parc national, on trouve de jolies clairières, comme cette caressante Lullaby, où des cuivres et des violons viennent complémenter la voix douillette, mais aussi des bêtes étranges, comme cette Bass Song, dans laquelle Hayden s’imagine attaqué par des intrus alors qu’il compose une nouvelle chanson. Des petites vignettes intimistes que le chanteur présentera seul à la guitare, dans le splendide décor du Théâtre Outremont. Lorsqu’on lui suggère qu’il s’agit d’un étrange choix de salle, surtout pour un chanteur si peu connu au Québec, Hayden lance l’une de ces répliques pince-sans-rire dont il a le secret: "Pourquoi est-elle étrange, cette salle? C’est une arène de tauromachie? Sérieusement, cette tournée, c’est un cadeau que je me fais. J’ai joué en solo l’automne dernier et j’ai fait le circuit des clubs dans lesquels j’avais débuté. Puis, j’ai dit à mon gérant: "Ce ne serait pas incroyable de se payer de vrais théâtres?" Ce qui est bien avec ce genre de salles, c’est que je n’ai plus besoin de me battre pour retenir l’attention du public et que je peux chanter de façon plus apaisée, comme sur Skyscraper. Les premières années passées dans des clubs bruyants ont fortement influencé mon son d’origine: je faisais la première partie de groupes rock, ce qui explique pourquoi j’avais tendance à gueuler. Peut-être que si la tendance se maintient, je vais finir par me transformer en Sting avec l’âge…" On préfère ne pas y songer.

Le 7 février
Au Théâtre Outremont
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