

Khaled et Hakim : Le roi et le lion
Dans la série "on ne perd rien pour attendre", mon petit doigt me dit qu’il y aura une soirée torride au Métropolis, ce vendredi.
Ralph Boncy
"Je ne pense pas que ça ait changé quoi que ce soit, me confie Khaled avec cet enthousiasme qu’on peut difficilement mettre en doute. Moi, je suis le même bonhomme qui voit toujours la même chose, qui espère beaucoup et qui essaie d’ouvrir les portes. Mon combat, il est là: je me bagarre pour ça."
Joint à son hôtel de Manhattan, où il poursuit l’une des plus longues tournées de sa carrière, le chanteur tonne et trépigne avec cette même énergie positive et ce côté bon enfant qui sont sa marque de commerce: "Il faut qu’on cesse de dire que tout ce qui est arabe, tout ce qui est musulman est terroriste. Il y a aussi du terrorisme en Espagne, en Angleterre et ailleurs. Si les présidents qui luttent contre cet état de fait tiennent vraiment leurs promesses, tout peut encore s’arranger. Nous, les musiciens, on mène une autre guerre, sans armes. Santana m’a dit une fois dans les coulisses: "Quand je monte sur scène avec une guitare, je ne monte pas avec un fusil pour tirer sur les gens!"
Pourtant, l’homme qui partage l’affiche avec le gentil Khaled est redouté pour son autorité et la puissance de sa voix. Son dernier compact, enregistré lors d’un concert à Brooklyn l’année dernière, s’intitule d’ailleurs The Lion Roars Over America. Moins connu chez nous, Hakim ne parle pas bien l’anglais. Sa traductrice zélée m’explique au téléphone que ce surnom de lion rugissant ne lui vient pas du Caire – où il règne pourtant comme un maître depuis un bail avec d’autres superstars comme Amr Diab – mais plutôt d’Europe et d’Amérique, de Miles Copeland, Narada Michael Walden et des gars de Trans Global Underground, avec lesquels il a collaboré par le passé.
"Nous étions en retard sur le raï, explique Hakim, mais nous avançons maintenant beaucoup plus vite grâce aux tournées, entre autres. J’ai pris la liberté de moderniser le chaâbi, de l’accélérer dans une sorte de fusion avec le jeel qui intègre des instruments occidentaux comme des synthétiseurs, mais sans rien dénaturer." En témoigne la musique de son album Yaho, truffé des vibrations et de l’argot de la rue.
Curieux destin, donc, que celui de ce garçon fervent et romantique surnommé "le sheik de la pop égyptienne", qui chante aussi bien dans les mariages que dans les amphithéâtres. "Les gens investissent énormément d’argent pour que leur mariage soit mémorable, explique l’intéressé. Au Moyen-Orient, c’est une tradition, on dépense sa fortune pour le faste et pour que le chanteur le plus populaire du moment fasse partie de la célébration."
Faut-il s’attendre à une confrontation de styles? "Hakim chante de l’oriental, poursuit Khaled. Ça n’a rien à voir avec ce que je fais. L’idée est de rassembler une large population orientale. Nous, les Arabes, on a un big problem. Être coincés, divisés, c’est un héritage du colonialisme."
Et il a beau garder sa petite couronne de roi du raï, il ne chôme pas, le Khaled. Si ses deux précédents albums portaient les noms de ses deux filles, Sahra et Kenza, la famille va bientôt s’agrandir avec un nouveau compact et… un nouveau bébé au printemps! Nouvelles collaborations avec Jean-Jacques Goldman (of course, dixit l’Algérien), avec Don Was, qui a travaillé avec Rachid Taha et la gigantesque opération 1,2,3 Soleils, et avec quelques jazzmen pas piqués des vers qu’il a rencontré lors de sa tournée américaine. "Ma musique est ouverte, elle est pas raciste, elle se marie avec toutes les cultures", affirme encore celui qui l’a déjà largement démontré.
Afin de sceller leur alliance, Khaled et Hakim ont même fait un single pour les États-Unis avec Narada Michael Walden: Salam al ekoum. Question de rappeler que la culture islamiste véhicule d’abord la paix, le respect, le salut. Évidemment, ils l’interprètent ensemble dans ce spectacle où chacun débarque avec son propre groupe. Faut-il parier que l’Égyptien sera la grande vedette de la soirée? Khaled, lui, ne s’inquiète guère pour l’ambiance. Et pour cause! Ceux qui ont assisté à son dernier triomphe dans cette même salle, lors du Festival de Jazz en 98, en parlent encore avec des yeux allumés.
"Vous avez un très bon public à Montréal! Il y a une particularité que je ne retrouve nulle part ailleurs, sinon parfois aux Pays-Bas. Je me souviens bien de mon dernier concert chez vous parce qu’on ne peut pas oublier les grandes joies de notre vie. C’est un pays froid mais, franchement, les gens ont le coeur chaud!"
Le 15 février
Au Métropolis
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